Dure
Sportive
Brisée
Fidèle
Bornée
Après un demi-siècle dans le monde des morts, soit deux fois plus que dans le monde des vivants, Jules a eu le temps d’en voir des vertes et des pas mures. Elle a longtemps été quelqu’un qui se laissait marcher sur les pieds mais depuis au moins sa séparation avec son ex, elle s’est créée une véritable coquille, un caractère bien trempé que seul Alarick a réussi à percer à ce jour. Pourtant, au fond, c’est bien un coeur tout mou qui bat. Son air de dure n’est qu’une façade et dans les moments compliqués, il s’effondre en privé. Lorsqu’elle a besoin de se remettre les idées en tête, elle en discute soit avec Alarick (en réalité c’est lui qui a tendance à lui tirer les vers du nez) ou alors elle sort pour courir et s’entraîner.
Secrétaire de RED, elle a appris à réfléchir par deux fois avant de parler, surtout quand elle doit accueillir des hommes, la rancoeur n’ayant pas encore complètement disparu. Elle a la fâcheuse habitude de se montrer agressive par défaut. Alarick parvient à la canaliser quand elle déborde un peu trop en rattrapant la situation tant bien que mal. Elle sait elle-même corriger Alarick quand il fait quelque chose qui lui semble être une erreur et peut pointer les problèmes sans tomber dans la méchanceté.
Jules est fidèle, à ses amis, à ses mots. Elle a peu d’amis mais ce sont des gens auxquels elle pourrait (presque) confier sa non-vie. Elle sera présente pour eux quoiqu’il arrive, n’importe quand. Elle est très intense quand il s’agit d’aider ceux qu’elle apprécie. Et elle tient toujours parole, si elle vous promet quelque chose, elle le fera à coup sûr et aussi vite qu’il lui est possible de le faire.
Parfois cette fidélité est aussi son plus grand défaut : elle tiendra la barque de RED jusqu’à ce qu’il n’en reste plus que de la poussière ou qu’on la mette à la porte, bien qu’elle ne veuille aucune de ces deux fins. Son temps est distribué pratiquement à parts égales entre le travail et le sport. Elle devrait sans doute appuyer sur la pédale de frein mais elle a du mal à constater qu’elle s’y prend trop à coeur. Parfois, elle se met elle-même des choses en tête sans qu’on lui ait demandé, en pensant qu’il faut le faire.
histoire
TW : Alcoolisme, violence conjugale, relation abusive (mentions)
1972
Odeur d’alcool. Porte claquée. Joue rouge, gonflée. Larmes aux yeux. Descente des escaliers. Chute. Vide.
Salle d'attente. Envie de vomir. 5 ans de mariage avec un abruti. Vendue à un homme que tu connaissais à peine pour assurer une promotion à ton père. Et lui non plus ne voulait pas particulièrement de toi. Toi, ayant arrêté l'école à 14 ans pour travailler aux champs avec ta mère, on ne t'avait même pas donné la possibilité de comprendre, de mettre des mots sur ta situation, condamnée à t'occuper de la maison et des moindres envies de monsieur, parce que c'était ton devoir de femme. Lui, ayant pour seul amour la boisson et les choses bien faites. Il ne qualifiait jamais de bien faites les choses que tu faisais. Ses accès de violence, les hématomes sur ton corps.
On finit par te faire rentrer dans un bureau où tu revois la scène de ta mort sur une télé, dans le bureau du roi. Et l’hébétement laisse place à la colère. La même qu’il y a cinq minutes. Cinq minutes qui te paraissent tellement lointaines. Son détachement, son air de rigolo. Tu te lèves, tu perds pied avec la réalité. Vide, encore.
1974
Quelques années à l’agence, le temps de… tu n’es même pas sûre de quoi toi-même. Une année de vide, à rien faire, cloitrée dans un appartement qui te semblait toujours trop petit. Et l’extérieur qui te semblait trop grand. Et surtout, un extérieur inconnu, dans un pays différent. Celle qui t’a sortie de là, c’était une Française, comme toi, qui était arrivée là il y a 2 ans, comme toi. La seule différence, entre elle et toi, c’était deux immenses cornes d’élan et des cheveux bleu pastel. Elle était belle, c’était ce que tu avais pensé en premier en la voyant, et tu l’avais enfoui, ce sentiment, au plus profond de toi, comme tu l’avais si bien fait jusqu’à maintenant. Elle t’avait dit qu’elle était une chimère. Elle t’avait fait toucher ses cornes, pour que tu te rendes compte qu’elles étaient réelles. Tu n’avais jamais rencontré de personnes comme elle, parmi le peu de gens que tu as côtoyés. C’était une femme lumineuse, elle te semblait parfaite.
Et c’est vrai qu’elle était jolie, et que tu t’es laissée prendre dans son jeu comme ça, que tes barrières étaient tombées peu à peu. Puis dès que tu pensais à ton ex-mari, la rage que tu avais ressenti au moment de ta mort revenait, décuplée un peu plus chaque fois. Et elle avait appuyé là dessus, joué avec l’abscès, elle avait été cruelle pour ça. Chaque fois qu’elle le mentionnait, cette rage sourde dans la gorge, l’envie de tout envoyer valser. Elle racontait qu’elle avait une informatrice, une vampire, qui était allé jusque là-bas pour voir la situation. Elle t’avait raconté que ton mari n’avait pas été inquiété une seule seconde. L’enquête de la police avait conclu un accident. Elle t’avait proposé de faire comme elle : de prendre l’injection. Elle disait que c’était une chance de te venger contre tous ceux qui t’ont fait du mal. Contre tous ceux qui pouvaient lui faire du mal. Et à force de temps, d’amitié, de mots doux, de bisous sur la joue, elle avait réussi à te convaincre. A rentrer dans ta tête. Elle pouvait faire ce qu’elle voulait de toi, pour peu qu’elle reste là, à tes côtés, à te soutenir. Le jour où elle t’a injectée restera pour toujours marqué dans ton esprit. Le dégoût dans ses yeux en voyant des cornes émerger sur ta tête. Son sourire faux. Ses mots : “tu es si belle”. Tu as décidé d’y croire, de t’y rattacher, de faire comme si le reste était une erreur d’interprétation, tu avais été seule si longtemps, peut être avais-tu oublié comment fonctionnait les gens… Mais elle avait les lèvres si douces, tu ne pouvais que te dire que sa présence était un cadeau de l’univers pour compenser tes années de mariage horribles.
1994
Tu as rapidement emménagé avec elle après ça, puis les jours firent place aux semaines, les semaines aux mois et ainsi desuite. Après 20 ans de vie commune, la réalisation, brutale, après l’insulte de trop. Finalement, à quoi avaient servi ces 20 dernières années, sinon à servir celle que tu aimais, tandis qu’elle n’en avait que faire de toi ? La mort t’avait sauvée d’un mariage d’obligation, tout ça pour t’offrir une relation d’amour à sens unique. Non seulement à sens unique, mais en étant en plus son outil. La rupture a été encore pire cette fois, tu y avais cru et tu as eu tort. Isolée, une nouvelle fois, sans amis ni connaissances. Retour à la case départ, 22 ans après ton arrivée dans l’au-delà, 47 ans d’existance au total. De nouveau dans un appartement qui avait l’air trop petit et dans un monde qui avait l’air trop grand. Sans aucun appui pour t’en sortir. Peu après ça, tu as impulsé ton nouveau départ, seule cette fois, sans béquille pour te tenir debout. Guidée par des revues qui trainaient dans les parties communes de ton appartement à l’Agence sur le sport, tu as commencé par là. D’abord des poids pour travailler les bras, sans trop de régularité. Puis le temps t’y a fait prendre goût.
2004
Tu as fini par t’en sortir, à réussir à louer ton studio pourri, le même que celui où tu vis encore aujourd’hui, à te créer une routine autour du sport, c’était devenu une nécessité vitale, d’entretenir ton corps délaissé si longtemps. Course chaque matin, un peu de calisthénie, travail, de nouveau de l’entraînement le soir. Grâce à ça, tu as rencontré Alarick, ça faisait une paire de matin que tu voyais un zombie trainer dans une ruelle pas loin de chez toi. Et chaque matin tu l’avais ignoré. Pendant une bonne semaine en tout cas, un beau matin tes jambes t’ont emmenée en face de lui. Sans y réfléchir tu lui as dit “Salut, moi c’est Jules, je vois que ça fait quelques jours que tu traines par là, si tu veux j’habite pas loin, tu peux venir manger un truc et passer une nuit ou deux si tu veux”. Ce serait faux de dire que tu n’étais pas méfiante, bien au contraire. Tu n’étais même pas sûre de pourquoi tu lui avais tendu la main. Il te rappelait surement toi, dans sa catatonie et sa détresse.
2007
Il a vécu chez toi quelques temps. Finalement, ça a un peu cliqué entre vous. Et il est resté plus que quelques nuits. Et tu as appris à lui faire confiance. Il t’a un peu redonné foi dans les hommes, même s’il ne peut pas effacer un demi-siècle de haine. Tu as trouvé un confident dans Alarick, un petit frère à soutenir. Il n’est pas devenu ta béquille, il est devenu, quelque part, ta raison de vivre. Et tu as pris goût à cette entraide, tu as compris que c’était le vrai sens de votre existence. A toi, à lui, à tous. C’est comme ça qu’est née l’idée de créer Revenants En Difficulté. Ca avait d’abord été une blague autour d’un café trop amer, sans doute plus pour toi que pour lui. Puis ça s’était concrétisé rapidement et finalement tu y as trouvé un certain réconfort. L’idée que ceux qui arriveront après toi n’auront pas à passer par le même chemin de croix que toi. Peut être que ton rôle est plus dans l’ombre, toujours est-il que tu prends plaisir dans le secrétariat, que c’est ta force et que de toute façon, sans bonne organisation votre association était condamnée à échouer à terme.