lolly » emotions are your weakness, that's your greatest mistake

Lolly aimerait bien pouvoir effacer sa vie maintenant passée, celle qu'elle ne pourra plus jamais réparer ou continuer. On l'a arraché avec violence, elle ne pouvait pas dire qu'elle ne s'y attendait pas, mais il était trop tard pour le regretter. Elle aimerait bien pouvoir oublier tout ça, mais impossible quand tous ces souvenirs et ces traumatismes font d'elle la personne qu'elle est aujourd'hui, ou qu'elle prétend être.

Seulement, toutes ces choses qui restent en tête, elle ne les dit à personne. Elle les garde au fond d'elle et fait tout pour que cela ne ressorte pas, quitte à prétendre quelque chose qu'elle ne pense pas ou qu'elle ne veut pas. Elle a toujours fait comme ça.

Malgré tout, si ces souvenirs restent, il y en a d'autres qu'elle a quand même oubliés, parce qu'ils n'étaient pas assez marquants ou intéressants, parce que d'autres plus traumatiques prennent beaucoup plus de place.

Elle se rappelle de quelques brides malgré tout, elle tente de se souvenir quand même, se demandant des fois si elle manque à des personnes encore vivantes. Qu'est-ce que son père pense d'elle maintenant, est-ce qu'il pense que sa fatalité est méritée ? Il l'avait aussi prévenu, elle avait préféré ignorer parce que c'était un homme qu'elle n'avait jamais voulu écouter, mais peut-être que pour une fois, il avait eu raison.

Lolly se rappelle surtout de sa sœur cadette. Toutes les deux dans la même chambre de leur maison familiale à Liverpool. Lolly avait deux ans de plus qu'elle mais elles avaient été toujours inséparables malgré leurs deux caractères bien différents. Sa sœur était bien plus sage et calme, quand Lolly était intenable et ingérable. Elle se rappelle encore de son père qui lui répétait sans cesse qu'elle devrait prendre exemple sur elle alors qu'elle devait normalement être l'exemple parfait, c'était comme ça que devait être la sœur aînée. Parfois, peut-être qu'elle aurait voulu être un peu plus comme sa sœur. D'autres fois, elle se disait qu'elle faisait toutes les pires erreurs pour pouvoir la protéger, lui montrer tout ce qu'il ne fallait pas faire volontairement.

En réalité, Lolly n'avait jamais vraiment décidé de sa propre vie, c'était toujours les autres qui l'influençaient, toujours les autres qui lui disaient quoi faire. Mais elle laissait faire, juste pour recevoir un peu d'amour en retour, se dire qu'elle était importante pour les autres.

Lolly se rappelle très bien de ses premières relations amoureuses, des sentiments qui ne duraient jamais vraiment longtemps, peut-être parce qu'elle avait trop d'amour à donner à tout le monde, ou bien parce qu'elle n'était jamais assez intéressante pour ces garçons sur le long terme. Elle a attiré tout le monde, même des adultes alors qu'elle n'était qu'une pauvre adolescente qui fuyait son père. Au final, elle retrouvait une autre forme d'autorité sans vraiment s'en rendre compte, mais elle laissait faire, elle voulait y croire et était charmée par les mots doux qu'on lui susurrait, par les promesses, on lui disait toujours que ça ne ferait pas mal, et elle se laissait aller.

Lolly a toujours eu un attrait pour le danger malgré elle, elle aimait jouer, mais quand on joue trop on finit par s'abîmer puis se briser. Mais elle s'est toujours dit que c'était le destin, que la finalité n'était pas si grave quand on prenait en compte toute l'adrénaline et l'euphorie ressentie lors de l'instant présent. Elle a tout essayé, elle s'est laissée tenter à tout et n'importe quoi, son adolescence n'était qu'un synonyme d'expérience et de tests, savoir jusqu'à où elle pouvait aller.

Elle se dit qu'elle devait faire pitié à sa famille à force, les disputes avec son père devenaient toujours plus fortes, sa mère avait fini par ne plus se préoccuper d'elle, comme si elle n'existait pas. Cela faisait mal, Lolly n'aimait pas se sentir invisible. Heureusement, sa sœur n'a jamais arrêté de lui sourire ou de l'admirer, même quand il n'y avait plus rien à apprécier, même quand Lolly des fois se sentaient si sale de tous ces mensonges qu'elle racontait.

Alors, dès ses dix-huit ans, Lolly était partie. Assez loin pour que personne ne tente de la retenir, ce n'était pas ses parents qui allaient essayer de toute façon. Au fond, elle était persuadée que c'était aussi un soulagement pour eux de ne plus l'avoir à la maison. Alors Lolly était allée à la capitale, à Londres.

C'est là qu'elle l'a rencontré. Elle pensait que c'était son premier vrai amour, parce qu'elle n'avait jamais rien ressenti de tel pour quelqu'un auparavant. Elle se sentait exister pour lui, elle était importante pour lui comme il l'était pour elle, mais c'était très vite devenu trop. L'amour n'était qu'une forme de dépendance, une manipulation menée sans peine. Lolly avait été aveugle, encore une fois elle avait laissé faire parce qu'il lui promettait une certaine sécurité, un endroit où rentrer quand elle se sentait perdue. Mais plus le temps passait et plus Lolly voulait trouver sa propre liberté, elle aurait aimé pouvoir être quelqu'un d'indépendant, ce genre de femme forte qui n'avait besoin de personne pour vivre.

Peut-être qu'elle aurait pu, peut-être. Mais elle n'en a pas eu le temps.
L'emprise qu'il avait sur elle était trop forte, plus forte qu'elle ne l'était toute seule. il avait tenté de l'isoler de tout, mais Lolly avait tenté de lutter. Parce que toutes ces agitations l'avait lassée, elle craignait sa jalousie. Il la voulait que pour lui quand elle voulait aimer le rester du monde.

Lolly voulait être forte, mais elle n'était que fragile. Il le lui avait dit.
Elle ne valait rien sans lui, et elle l'avait cru.
Il était plus fort qu'elle, et il avait raison.

La relation avait dégénéré, elle était allée trop loin.
Lolly ne voulait plus rester, mais il était trop tard pour fuir.
Elle le pensait aussi passionnelle qu'elle l'était, il était en réalité dangereux.

C'était un soir d'août, le couteau avait tranché sa peau si aisément, elle qui s'approchait tant du danger, elle en avait atteint les limites. La douleur et la peur avaient été si vives qu'elle s'était déjà abandonné à son triste sort, gisant sur le sol, avec lui au dessus d'elle qui continuait encore de la faire souffrir. Comme s'il ne l'avait déjà pas assez fait auparavant avec tous ses mots aussi tranchants que la lame qui continuait de faire couler le sang.

Il était trop tard pour pleurer.
Mais pas trop tard pour s'oublier.

Elle avait revu sa mort sur cet écran LCD, comme si elle le méritait, comme si elle n'avait pas assez souffert de toutes ses erreurs. Mais Lolly n'apprend jamais, on lui dit qu'elle ne s'était pas assez amusée, qu'il était temps de se rattraper, de continuer d'aller de l'avant.

Elle n'en était plus vraiment sûre.
Bien vite Lolly n'était plus qu'une âme un peu perdue, se ressassant ses derniers souvenirs, elle n'était plus que l'ombre d'elle-même.

Elle se cachait derrière des faux-semblants, se montrant toujours sous son meilleur jour, mais ce n'était que des mensonges. Une fois, on est venu la voir, on lui a dit qu'elle avait tout l'air de détester les hommes, les traumatismes encore en tête, elle n'a pas pu démentir. Elle a été franche, c'était la première fois qu'elle racontait sa dernière relation amoureuse, qu'elle a mentionné tous ces hommes qui ont pu profiter d'elle, puis elle a terminé par dire que son père n'était qu'un vieux con. C'était la première fois qu'elle s'ouvrait autant à quelqu'un, c'était aussi la dernière fois. Un peu comme une manière d'abandonner sa vie antérieure, elle a abandonné son plus lourd secret à une inconnue pour pouvoir devenir quelqu'un d'autre en retour. Elle a tendu son bras et a reçu sa toute première injection.

Lolly n'est plus seulement une âme perdue, elle est devenue chimère.

Depuis, elle se perd entre la réalité et ses faux-semblants, elle essaye tant bien que mal de retrouver celle qu'elle était avant d'avoir été brisée, mais difficile de rassembler les morceaux. Les mensonges prennent alors le dessus, mais c'est peut-être mieux ainsi.