Sur scène, Normann est un sourd muet.
Car sur scène, plus rien n’existe, rien d’autre que la musique. Il n’existe pas, le public non plus. Juste les notes qui vibrent, qui vibrent dans la salle tamisée de violet, de mauve et de noir, de ce cabaret à l’ancienne, à la française, d’un air parisien au milieu de la capitale tokyoïte. Normann se plaît dans cette ambiance, comme un retour à sa prime vingtaine, après son arrivée en France.
L’odeur des sièges en cuir.
Des rideaux en velours.
Normann a le trac, toujours légèrement avant de rentrer sur scène. Mais il est de ceux qui parviennent à le canaliser, l’accepter, l’adopter. Il s’en inspire, il le consume pour jouer. Comme une force intérieure.
Puis il se nourrit - de la musique, des sons, de la mélodie qui envahit la salle, de ce blues au violoncelle qui tire en longueur et en hauteur. C’est une énergie contagieuse qui se dégage de ses cordes. De la rage également. De la fatigue. Sur scène, Normann n’existe plus, il laisse place à cet autre lui, ce vrai lui qu’il cache pourtant derrière pseudonyme. Car c’est bien sous le nom de Karl, que Normann se produit. Un reste de sa vie, un reste de Paris.
Les notes s’évanouissent.
Le morceau se termine.
Karl salue rapidement.
Et Normann s’enfuit.
*****
Comme à son habitude et quelques scènes après, il se plaît à aller s’adosser au bar, un regard en arrière et un verre de gin. Il écoute sans distraction les autres passages sur la scène, quelques acrobates actuellement alors qu’il commande. Le menton dans le creux de la main, et le regard posé sur les artistes.
Karl n’est plus.
Normann est revenu.
Un remerciement à la barmaid, avant qu’il ne se retourne. Et un sourire tranquille sur les traits - te voilà de nouveau, il pourrait en rire car ce n’est pas la première fois qu’il te croise par ici. Tu n’es pas vraiment discret, tu ne passes pas inaperçu. Difficile, lorsque l’on fait presque deux mètres. Jamais il ne te voit lorsqu’il passe sur scène, car jamais il ne regarde le public - Normann joue pour lui, avant tout.
Son verre à la main, il vient se glisser à côté de toi - il est vrai que tu sais trouver de bonnes places pour observer la scène. Devant vous se joue un spectacle de tissu aérien. Léger et souple, tout impressionnant que l’athlète peut l’être.
“Impressionnant, n’est-ce pas ?” En face, l’artiste fait une vrille. Pendant un moment, il revoit Armoise, et il sourit doucement, avec une forme de tendresse perdue.
“Je vous vois souvent par ici, mais jamais sur scène. Peut-être que je passe les mauvais jours, ce ne serait pas impossible après tout.”Résumé
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Normann spotted Zech pour la 347° fois au cabaret, et décide de venir l'aborder parce qu'il aime bien parler, le vieux