TW: troubles alimentaires, meurtres, panic attacks
"Pourquoi est-ce que tu pues? "Alarick ouvre la bouche pour répondre à la jeune fille mais cette dernière affine son sourire et il soupire, pousse les mains sur ses hanches.
“Très drôle tiens.” Il la regarde courir en rigolant, réfléchit un court instant avant de s'éclipser ailleurs.
Est-ce qu’il pue vraiment? Est-ce que sa chaire est en train de s’échapper de nouveau? Il a pris la potion, il s’est embaumé, il n’y à pas de raison pour puer, il ne veut pas puer, il est terrifié à l’idée que quelqu'un pourrait le sentir.
Agrippé au lavabo, à regarder le blafard connard qui lui renvoie son image, Alarick est victime d’une image d’autrefois.
L’encre de la lettre est tarie par les larmes, bavure d’un papier qu’il a lu tant de fois auparavant. Alarick n’a pas le choix, il sait qu’il doit faire ce qu’il faut pour aider sa famille, il l’a promis à une mère délirante qui ne parlait que de son plus vieux fils. Alors il se rend devant le bâtiment. Son cœur bat un peu fort, il a une pensée pour la petite qu’il a laissée avec sa mère, quand il lui a claqué un doux baiser sur son front avant de partir, il savait quelque part qu’il ne reviendrait pas. Rick passe la porte de l’entrepôt, cherche du regard son frère, connard d’incpaable qui brillait par sa présence avant de devenir l’ombre de lui-même, à traîner avec des gens à ne pas fréquenter. C’est un bon petit frère, c’est un bon membre de famille et lorsque ses pas résonnent contre le sol froid, il regrette d’être ce qu’il est. Markus est là, debout, impatient, prêt à lui sauter dessus et lorsque Rick lui dit ne pas avoir l’argent dont il a besoin, il regrette encore plus d’être venu.
Il le voit trembler, comme si la décision de ce qui allait se passer n’était pas la sienne. Il pleure, il chouine, il s’excuse et Alarick n’a aucune idée de ce que son frère est devenu. Ils allaient danser ensemble à Gärtnerplatz
il n’y a pas si longtemps. Markus chouine, prétend, pleure qu’il n’a pas le choix, qu’il faut qu’il le fasse, qu’il faut qu’il le pardonne et quand il lui arrache ses appareils auditifs, Rick n’y comprend plus rien, il le regarde sans être capable de discerner ce qu’il marmonne mais à cet instant il le déteste. Lorsque Markus lève l’arme, la pointe sur son front, Alarick n’y croit pas. Parce que c’est son grand frère, parce qu’il chouine, parce qu’il y a tant de choses qui ne coïncident pas et il ne comprend pas.
Respiration saccadée, Alarick attrape l’essuie-tout, frotte avec telle violence son front, essaie de faire disparaître ce qu’il y a comme cicatrice ici, il essaie de faire disparaître les preuves et lorsque rien ne part, il enfourne le papier dans sa bouche. Frotte contre le fond de sa gorge, la sensation de brûlure d’un papier qui n’a pas sa place ici mais il l’avale, comme si le geste pouvait le calmer. Ironiquement, ça l’aide à récupérer sa respiration.
***
Elle a du mal à signer les quelques mots qu’elle veut lui dire et Alarick sourit doucement à la tentative. Il vient hocher la tête, regarde avec attention ses petits doigts se battre avec les gestes. Elle arrive finalement, le regarde avec des yeux si pétillants qu’Alarick ne peut que lui sourire et hocher la tête. Il peine à la regarder sans penser une minute à celle qu’il a laissée derrière. Mia est grande maintenant, adulte, plus proche de l’âge qu’il avait lorsqu’il a quitté le monde et il pense à elle bien trop souvent. Injuste, tout ça est injuste.
Il crie, il pleure, se débat contre des liens qui n’existent pas. Le déni à laisser place à la colère. Il refuse de rester là, refuse de retenter sa chance dans le monde des vivants. Ce n’est pas une question de choix, c’est une réelle obligation, il se doit de retrouver sa fille, se doit de retrouver sa femme et se doit de retrouver son frère. INJUSTE. Il veut retourner là-bas, la serrer dans ses bras une dernière fois, il veut aimer cette femme un dernier jour, il veut voir sa gamine grandir, il veut tabasser son propre frère, il veut lui montrer, lui prouver, il veut comprendre. Il veut des réponses à ses questions, qu’on lui explique pourquoi on lui a arraché sa vie de cette façon.***
Rick a le portefeuille léger tandis qu’il rentre avec toutes les potions. Il gratte nerveusement à l’étiquette, regarde cette dernière avec une certaine amertume. Le coin a le goût de la colle et tandis qu’il le fait fondre sur sa langue, il n’a aucun plaisir à se remémorer les personnes auxquelles il se retrouve obligé de quémander.
Il était naïf, il était seul et effrayé et il était prêt à croire tout ce qu’on pouvait lui dire. Mort sans ses appareils, Alarick s’est retrouvé ici sans ses derniers, dans un silence des plus pesants, avec une langue des signes dont il ne comprenait pas un seul mot et incapable de formuler l’idée qu’il voulait retourner là bas, dans le monde des vivants, qu’il refusait sa mort. Mais quelqu’un l’a entendu, quelqu’un a cru en lui et Rick lui a tout donné, de son être à son argent, promesse d’un quelque chose qui fonctionnerait et lorsqu’il avait eu la potion entre les mains, il se souvient avoir pleuré de soulagement.
Le Rick qui se tient devant le miroir à l’instant T n’est pas si différent de celui qu’il fut après avoir bu la potion. Il aurait pu se questionner, aurait pu demander une preuve, un quelque chose mais il était si désespéré qu’après une courte considération, Alarick avait descendu l’intégralité de la fiole. Regard dans la glace, il regarde l’abruti avec un soupir. La douleur n’avait pas particulièrement d’importance à ses yeux, il était sûr d’y arriver, de repartir, il était sûr d’avoir la chance d’être de nouveau vivant. Alors la douleur avait raison d’être. Puis il n’y avait que la douleur, que la sensation que son corps fondait et encore une fois la seule chose qu’Alarick pensait en boucle et en boucle c’est à quel point tout était
INJUSTE.
***
Pourquoi tu portes des appareils?
Parce que j’ai perdu mon audition quand j’étais encore vivant.
Comment t’as fait?Il baisse ses mains un court instant. Elle n’est plus un enfant, il n’aurait pas besoin de lui mentir mais Alarick a quand même peur de ce qu'il pourrait dire. Cependant il relève les mains doucement.
Quand j’étais petit j’ai eu un accident de voiture avec ma famille. Mes deux parents sont morts sur le coup et mon frère et moi on a survécu mais- mal.Il repose ses mains un court instant. Mal. Markus a perdu son bras, jamais vraiment survécu à l’accident, il a laissé une énorme partie de lui-même dans cette voiture et toute sa vie Alarick lui a chercher des excuses. Toute sa vie il a tenté de l’aider et c’est lui qui l’a finalement tué. Il n’a pas la réponse, n’aura jamais la réponse du pourquoi mais il subit.
***
Sa main tremble, le rasoir entre ses doigts glissent et en quelques secondes la douleur emplit son crâne. Il visualise, il subit, la vision de la mort de quelqu’un qu’il ne connaît même pas. Pendant un long instant, Alarick n’est pas lui-même, victime d’un contrecoup des plus désagréable et il reste là, incapable de faire agir son corps.
Au début il comprenait, avait accepté l’idée, l’appréciait même peut-être, au début il pensait pouvoir en faire quelque chose. Et puis la douleur et les crises surprises et l’envie de vomir, mon dieu l’envie de vomir.
Quelque chose vient frotter sa jambe, la vision glisse, la sensation de la mort disparaît et Alarick peut finalement faire un pas en arrière, se laisser glisser contre le mur de sa salle de bain. Il combat la sensation de bile au fond de sa gorge. Zakzak vient frotter doucement son museau contre l’homme avant de poser sa tête sur sa jambe. Rick se bat quelques longues secondes pour retrouver une respiration correcte, vient finalement poser doucement une main sur le pelage de l’animal pour lui gratter entre les oreilles.
“alles gut zak, ich-” Les deux ne bougent pas pendant de longues minutes, il se mord la langue, souffle une nouvelle fois avant de fermer les yeux.