[encours 90%] Clément : "Soit toi-même, personne ne pourra te reprocher de mal le faire."

Dans cette scène peinte, où les forces françaises, sous le commandement de Philippe VI de Valois, affrontaient l'armée anglaise dirigée par le roi Édouard III d'Angleterre, une énième âme s’apprêtait à rendre son ultime souffle, entourée de cadavre.


Son esprit avait grande peine à s’orienter, nageant en pleine confusion depuis ce qu’il lui semblait une éternité. Les bruits par milliers qui l’entouraient étaient devenus un brouhaha de son incompréhensible et sa vision de plus en plus flou.


Mais aucun mouvement ne s’était fait, son corps ne réagissait point.


Sa vie continuait de se déverser abondamment de la plaie béante à son cou, bien plus que des autres blessures. Il avait mal, terriblement mal, une douleur s’estompant au profil de l’épuisement.


Les milliards de couleurs différentes, dansant sans aucune forme ni logique s’obscurcissaient et le silence trônait depuis il ne savait quand. Le froid le gagnait, malgré le liquide chaud contre sa peau continuant sa course sur le sol tel un ruisseau doux et incessant. Il sentait que c’était la fin, il savait que c’était la fin.


Dans les derniers instants de sa vie, avant que son âme ne quitte sa prison d’argile suite au dernier battement de son cœur, ce qui défila devant ses yeux ne fut pas l’intégralité de son existence, mais un souvenir d’enfance cher à son cœur.


L’astre solaire s’alanguissait et paressait sur le voile d’azur fourni de quelques strates blanches, ses doux rayons lumineux faisaient verdoyer, resplendir, le feuillage d’un immense arbre. La douce brise subtile en ce jour ensoleillé caressait délicatement les branches du vieil arbre, faisant doucement onduler les ombres percés de lumière de ces dernières.

Au pied de l’arbre, adossé à son écorce, un petit corps recroquevillé peinait à essuyer ses larmes coulant à flot et à réprimer ses hoquètements. Des pleurs que l'enfant ne parvenait pas à retenir malgré toute sa bonne volonté tant la douleur était vive.

L'enfant, accablé de chagrin, ne remarqua pas l'approche d'un homme jusqu'à ce qu'il soit à sa hauteur, genoux à terre et les mains reposant dessus.

-Quel est la raison de ces larmes, mon enfant ?

La voix exprimait une douceur et une affection profondes, familière à l’enfant qui releva sa petite tête rousse, le visage toujours baigné de larme et rouge. Les gouttes salées doublèrent et ses traits se tordirent davantage reconnaissant l’homme.

-Mon père. Gémit-il d’une voix tordue de peine.


-Les enfants t'ont-ils encore ennuyé ? Ou était-ce encore sœur Thérèse ?

La mine chagrinée, les larmes incessantes, le petit garçon serra ses genoux contre lui, détournant la tête en silence. L’une des mains chaudes d'affection du prêtre vint se perdre dans la petite chevelure écarlate en douces caresses paternelle tandis que l’autre fouilla une poche.

-Clément, peux-tu s'il te plaît lever la tête quelques instants ?

L’enfant obéit, d'un geste tendre le prêtre essuya les larmes avec un mouchoir blanc, sans que ni sa patience et ni son sourire ne fane face aux larmes persistantes.

-As-tu fait une chose répréhensible que tu n’oses me dire ?

-Non, père Uriel.

-As-tu mal quelque part ?

L’enfant serra davantage ses jambes entre ses bras, sans répondre, laissant l’adulte poursuivre sa tâche.

-Les autres enfants t’ont encore comparé à l’apôtre Judas Iscariote et sœur Thérèse les a laissé faire. L’expression de l’enfant confirma les paroles du prêtre qui lisait en lui comme dans un livre ouvert, l’homme poursuivit. Mon enfant, Judas avait effectivement une chevelure similaire à la tienne, mais tu es Clément et non Judas. En dehors de ta rousseur, tu es et tu restes un enfant comme les autres.


-Mon père, si je suis comme n’importe quel enfant, malgré ma rousseur. Commença l’enfant d’une voix nouée de peine, faisant suspendre tout geste au prêtre. Pourquoi suis-je rejeté et maltraité par tout le monde ? Pourquoi suis-je victime d'insultes et de mépris ? Les adultes me discriminent, les enfants me persécutent. Je n'ai pas choisi d'être différent. Je n'ai pas demandé à naître ainsi. Qu'ai-je fait de mal pour mériter ça, mon père ? Pourquoi Dieu me soumet-il à cela ? Vous m’avez appelé « Clément » pour que la vie soit clémente à mon égard, tout comme je dois l'être envers mon prochain, mais ce n'est pas le cas.

L'enfant se remit à pleurer et essuya ses larmes de ses manches déjà trempées. Une paire de bras le souleva haut dans les airs, lui donnant l'impression que le monde était plus grand, plus vaste, et que les branches étaient plus proches. La lumière du soleil qui traversait le feuillage dense se refléta dans ses yeux verts, le remplissant d'émerveillement et lui faisant momentanément oublier sa tristesse.


-Désormais, tu dois prendre de la hauteur pour respirer, Clément. Dit l’homme de foi d’un sourire tendre et rassurant poursuivant de son calme caractériel. « Si, au contraire, vous vous conformez à la loi du royaume de Dieu, telle qu’on la trouve dans l’Ecriture : Tu aimeras ton prochain comme toi-même, alors vous agissez bien. Mais si vous faites preuve de favoritisme, vous commettez un péché et vous voilà condamnés par la Loi, parce que vous lui désobéissez. » Jacques 2:8-9. « En effet, voici le message que vous avez entendu dès le commencement : aimons-nous les uns les autres. » 1 Jean 3:11. Tu n’as donc rien fait de mal, Clément. Ce sont les autres qui sont dans l’erreur. Les hommes rejettent par peur et incompréhension tout ce qui est différent d’eux, que Dieu et toi puissiez leur pardonner un jour pour leur péché à ton égard. Termine-t-il d’une voix désolée accompagnée d’un sourire sincèrement contrit.

Il vint caler l’enfant contre lui, un bras le soutenant comme assise et l’autre contre son dos pour l’éviter de tomber. Sa voix grave retrouva sa douceur habituelle.

-Dieu, ne nous inflige que des épreuves qu’il est possible de surmonter. Ce n’est qu’en surmontant leurs souffrances que les hommes trouvent le vrai bonheur, et ça, personne ne peut le faire à leur place. Mais cela ne veut pas dire qu’ils doivent le faire seuls. Ce n’est pas interdit ou un péché de quémander de l’aide à autrui, ni à Dieu, pour y parvenir. De sa manche, il vint essuyer les dernières larmes suspendues aux coins des yeux émeraude sans détourner son regard de celui de l’enfant. Et moi, je ne peux point t’aider si tu ne me confis pas tes peines, Clément. Tu veux bien me dire ce qui te chagrine encore.


La peine s’aggrava sur le visage juvénile, il fixa le sol, ses petites mains accrochées au vêtement religieux de l’homme le tenant toujours.

-Aujourd’hui, les autres enfants de l’église ont encore été méchants avec moi. Ils m'ont appelé Judas, enfant de sorcière, hérésie et mauvais présage, alors que je voulais juste jouer avec eux. Sœur Thérèse ne m'a pas défendu, ni les autres sœurs. Elle a même dit : « Une chose aussi laide et impure que toi doit rester loin des enfants. » Ensuite, elle a dit que vous allez vous débarrasser de moi car je ne fais que causer des ennuis et dérange les autres enfants de l’église. Ses yeux se remplirent de nouveau de larmes et ses mains se resserrèrent sur le tissu, sa voix se noua à mesure qu’il confessait sa peine. Elle a dit que les incidents se multiplient depuis mon arrivée, que je porte malchance, que vous vous occupez de moi par foi et non par envie, que je suis un poids et nuisible. Je ne peux m'empêcher de penser que tout ce qu'elle dit est vrai, puisque personne n’est heureux depuis que vous m’avez recueilli, mon père. L’enfant releva la tête, son visage baigné de larme, le nœud de chagrin demeurant présent dans sa voix. Ses petites mains froissent davantage le tissu sombre. Je fais tout mon possible pourtant, je vous le jure mon père que je fais de mon mieux pour m’intégrer et pour ne pas nuire à quiconque, mais je n’y arrive pas. Peu importe ce que je fais, je fais toujours les choses mal. Même lorsque je veux faire les choses bien, le résultat est encore pire. Je n’arrive à rien, j’en suis désolé mon père.

La large main quitta le dos pour venir essuyer une nouvelle fois les larmes, puis elle vint englober chaleureusement la petite tête rousse pour l’amener contre une épaule large. Le petit corps s’écrasa davantage contre cette chaleur rassurante que ses petites mains accrochées au vêtement refusaient de lâcher, y trouvant du réconfort en plus des paroles.

-Merci de faire de ton mieux, merci de t’accrocher, et merci de continuer à faire de ton mieux malgré les échecs. Moi, j’ai foi en toi, je sais que tu parviendras à te faire accepter des autres. Tu es un enfant intelligent et persévérant, tu y arriveras. La voix demeurait douce et patiente tout comme le sourire inépuisable d’indulgence. Il se mit à tapoter délicatement le petit dos. Tu apprends très vite, tu connais sur le bout des doigts l’alphabet latin, tu parviens à écrire et lire beaucoup de mots, tu sais correctement compter, et tu connais beaucoup de versets de la Bible.


L’homme de foi remplaça les petits tapotements par des caresses.

-Clément. N’oublie jamais, je t’ai amené à mon église de mon bon vouloir. Quel serait l’intérêt de t’abandonner ? Il n’y a nul besoin d’avoir de motifs pour venir en aide à son prochain, et encore moins à un enfant injustement stigmatisé.


-Moi, j’aime la couleur de tes cheveux. Le rouge, malgré son association à l’innommable, est ma couleur préférée, car elle est également associée à la vie et à l'amour. C'est la couleur du sang qui circule dans nos veines et nous maintient en vie, mais aussi la couleur des pommes, des fraises, des baies rouges, des cerises, des roses rouges, des coquelicots, des bouvreuils, des renards, et bien d'autres choses encore. Aucune de ces choses n'est mauvaise ou nuisible, alors pourquoi le serais-tu ? Ces choses citées donnent le sourire et réconfortent, il en va de même pour ta personne. Moi, je suis remplie de bonheur quand je te vois.

L’enfant enroula ses bras autour du cou de l’adulte, enfouissant sa tête. Il ferma les yeux, se laissant bercer par le geste affectueux et par les paroles réconfortantes.


-Sache aussi qu'aucune naissance n'est une erreur en ce monde, car Dieu est Parfait contrairement à sa création. Si malgré tout, tu ne crois pas en mes paroles, et persistes à penser que tu es un enfant méchant, n'oublie jamais que le diable fut un ange au commencement et qu'il n'est jamais trop tard pour se repentir. « Si nous reconnaissons nos péchés, Dieu est fidèle et juste et, par conséquent, il nous pardonnera nos péchés et nous purifiera de tout le mal que nous avons commis. » 1 Jean 1:9.

L'enfant s'endormit doucement sans relâcher sa prise, et il n'entendit plus qu'un lointain fredonnement religieux apaisant.


Le crépuscule, toile enflammée par l’astre couchant, enveloppait toutes choses sous elle dans un linceul pourpre, sans honneur ni or. Les corps inanimés des chevaliers, le sang versé, les couleurs verdoyantes et chatoyantes, les armes abandonnées faisant miroiter des reflets écarlates.

Tout était baigné d’un rouge criant et brûlant, mais tout était déjà noir et froid.

Tableau écarlate où le jour s’enfuyait, laissant sa couleur rougeâtre se refléter et remplir les regards vitreux.

*Devenir chevalier avait été extrêmement difficile pour Clément, mais pas impossible.

Bien que la noblesse de naissance ait été le principal moyen d'accéder à la chevalerie, Clément, d'origine défavorable, a pu réaliser son rêve grâce à l'intervention du père Uriel. Ce dernier avait utilisé ses relations et ses connexions avec la noblesse locale pour trouver un noble prêt à prendre Clément comme page. Sa recommandation en tant que prêtre respecté et apprécié, ainsi que garant, avait eu un poids considérable, ouvrant ainsi la voie vers la chevalerie à son protégé.


*Si d’ordinaire les jeunes garçons nobles entamaient leur formation à l'âge de 7 ans en devenant page dans un château seigneurial, Clément, lui, commença deux ans plus tard, à l'âge de 9 ans, accusant un certain retard dans l'apprentissage des arts martiaux de base tels que l’équitation et le maniement des armes légères. Ce retard avait alimenté les moqueries des autres pages de son âge le stigmatisant et s’amusant à l'humilier dans l'écurie.

Outre l'apprentissage, les pages servaient de valets d'écurie et accomplissaient des tâches subalternes telles que transmettre des messages, faire des courses et aider à s'habiller et à porter des armures. Clément était très souvent sollicité pour les tâches « ingrates », mais il n'a jamais exprimé de mécontentement et faisait tout ce qu'on lui demandait.

Les pages participaient également au service à table, considéré comme faisant partie de leur formation aux bonnes manières, à l'humilité et à la structure hiérarchique de la société noble. Cependant, Clément était exclu de cette tâche, on ne voulait pas de lui durant les repas, alors il mangeait toujours seul dans la pièce isolée lui servant de chambre, contrairement aux autres pages qui partageaient des chambres communes.

Les moments partagés avec le père Uriel autour de repas chauds avaient été ce qui manqua le plus à Clément pendant sa formation de page. 


*À 16 ans, Clément passa écuyer, qui d’ordinaire était à l’âge de 14 ans. Il était devenu l'apprenti chevalier d'un autre chevalier, Marcel, un chevalier de petite noblesse, connu pour sa rudesse et son mutisme. Marcel s’était porté volontaire auprès de son vieil-ami Uriel après avoir refusé de prendre Clément comme page sept ans auparavant.

L’homme n’avait montré ni méchanceté, ni bonté, à l’égard de Clément, se contentant de remplir le rôle pour lequel il s’était proposé auprès du prêtre, faire de l’adolescent un chevalier.

Marcel avait été un mentor très dur, n’allant jamais avec le dos de la cuillère lors des entraînements avec Clément contrairement avec les autres écuyers et lui imposait des entraînements difficiles lorsqu’il ne pouvait l’entrainer lui-même sans se soucier si l’adolescent pouvait en sortir blesser ou non. Ni il ne félicitait ni n'encourageait Clément, se contentant de lui dire « recommence » à chaque échec et « recommence encore » à chaque réussite, confortant Clément dans son idée qu’il ne fait jamais les choses correctement.

Ce que Marcel manifestait comme de l'acharnement ou de la froideur n'était en réalité que sa manière de témoigner son affection et son soutien à l'enfant de cœur de son amour non avoué. Contrairement aux autres, Clément n'avait ni talent ni  chance, et devait redoubler d'efforts pour se distinguer. C'est pourquoi Marcel le poussait à travailler davantage que les autres. Marcel se serait abstenu de se porter volontaire auprès d'Uriel, si Clément n’avait pas maintenu sa détermination à devenir chevalier après ses sept ans en tant que page, car ce qui attendait l’adolescent serait pire, plus éprouvant physiquement et mentalement, en raison de sa rousseur.

Marcel avait été indéniablement un mentor très dur, absolument pas communicatif et aussi rigide qu’un tronc d’arbre, mais malgré tout, un bon mentor. Il avait enseigné à Clément des compétences de combat avancées une fois avoir consolidé ses bases, le maniement des armes lourdes, et les devoirs chevaleresques, bien que ceux étroitement liés aux morales de l’église avaient été inculqués à un jeune âge par le prêtre Uriel.

Des codes de conduite et des obligations morales se résument en : une loyauté sans faille envers le roi, Dieu et l’église. Se montrer courageux et ne jamais reculer face au danger et sur un champ de bataille. Protéger les personnes faibles et sans défense. Porter secours aux nécessiteux. Honneur et respect, même face à un adversaire. Politesse et galanterie, en particulier envers les dames. Respect des lois et équité, rendre justice de manière équitable. Et participer aux croisades.

Le chevalier l'emmenait également à chaque tournoi auquel il participait, lui permettant d'observer et d'apprendre. Les tournois étaient des occasions importantes pour les chevaliers de démontrer leur habileté au combat, en se livrant à des batailles de cavalerie fictives, des joutes à cheval et des combats singuliers à pied. Ils permettaient aussi de gagner en renommée, parfois de l'argent ou des rentes, bien que l'on déplorait souvent des morts lors de ces événements.

En tant qu'écuyer, Clément avait aussi en charge l'entretien des armes, le polissage de l'armure, le soin des chevaux, tenir le bouclier, ainsi que d'autres corvées du même genre. Cependant, ces tâches ne prenaient que peu de son temps par rapport aux autres écuyers sous les ordres de Marcel. Le chevalier s'assurait en effet que Clément consacrer plus de temps à s'entraîner qu'à effectuer ces corvées, ce qui suscitait la jalousie de certains sans qu'ils puissent l'exprimer ouvertement, sachant que cela irait à l'encontre du code de la chevalerie et entraînerait leur expulsion. Les paroles s’étaient donc fondues dans les regards pleins de haine et de mépris, ne faisant qu'accentuer leur intensité ainsi que les attitudes froides des propriétaires.

La chasse aux animaux sauvages et la fauconnerie faisaient également partie des compétences enseignées aux écuyers, et permettaient de fournir des plats de viande appréciés à la table du chevalier, où les écuyers étaient censés servir. Contrairement à lorsqu’il était page, Clément n'avait pas été exclu des repas et était même très sollicité par Marcel, qui invitait le prêtre Uriel à sa table lors des fêtes religieuses ou des événements sociaux importants.

Si Marcel, lui avait enseigné les compétences martiales, pour les compétences non martiales à acquérir, Uriel avait endossé le rôle de précepteur, terminant d’instruire Clément dans les disciplines littéraires manquantes, et lui enseigna la musique, la danse et la poésie. Des compétences qui s’étaient avérées inutiles tout au long de la vie de Clément, n’ayant jamais pu les pratiquer lors de festivals ou de cérémonies courtoises, étant exclu de ces événements. 

Lorsque Marcel avait estimé que Clément maîtrisait parfaitement tout ce qu'il lui avait enseigné, il l'a fait participer à des tournois juniors, conçus spécifiquement pour les jeunes écuyers. Ces événements offraient un environnement plus sûr, moins dangereux, pour apprendre les règles et l'étiquette des tournois, tout en constituant une opportunité de faire ses preuves. En effet, des performances exceptionnelles lors de ces tournois pouvaient conduire à l'obtention d'un titre de chevalier précoce ou à la reconnaissance des nobles et autres chevaliers.

Malheureusement, Clément avait eu beau montrer le fruit de ses entraînements, de ses efforts, briller aux jouets, emporter tous ses combats singuliers, rien ne changea, mais s’aggrava. Sa réputation non glorieuse s'était détériorée, n’a fait qu’empirer, allant jusqu'à être accusé de tricherie, voire de sorcellerie, et même hué par le public. Pour la première fois, Clément avait eu envie d’abandonner, de baisser les bras. Peut-être par persévérance ou entêtement, il avait continué de participer avec acharnement aux tournois pour être enfin reconnu et faire ses preuves.

Pendant ces tournois, le prêtre Uriel était toujours là pour soutenir et protéger Clément contre de fausses accusations, et Marcel était présent en tant que mentor, mais également protecteur de l’église. La participation régulière à ces événements avait permis à Clément d'acquérir une expérience de combat réel et d'améliorer ses compétences, mais au prix du peu d’estime de soi lui restant et d’aucun espoir de retrouver une bonne réputation un jour.


*À 25 ans, Clément avait été adoubé chevalier, alors que cela se faisait d’ordinaire à 21 ans. Il n'avait pas obtenu son titre de chevalier par des actes héroïques ou en se démarquant lors de tournois, mais grâce à sa dévotion envers des causes nobles. Marcel avait été le chevalier dirigeant la cérémonie dans l'église d'Uriel, prenant ainsi un risque considérable pour sa réputation, sachant que la gloire ou l'opprobre qui découleraient de la conduite du nouveau chevalier retomberaient sur lui.

Marcel ne s'en était pas soucié, même s'il ne l'avait jamais exprimé ; pour lui, Clément avait prouvé qu'il méritait le titre de chevalier. Malgré l’infamie, il était resté une personne intègre et vertueuse envers son prochain sans nourrir de rancœur.

Jusqu'à la bataille de Crécy, Clément avait continué à chercher à prouver sa valeur lors de tournois et en remplissant ses devoirs de chevalier, sans parvenir à changer les opinions négatives qui pesaient sur lui, mais bien à les empirer.