À des années lumières d’imaginer ce qu’il peut lui passer par la tête, tu attends sa réponse sagement. Un peu trop, l’allure bon élève ça te va pas, pas du tout même. Et pourtant t’es là debout, à côté du siège, à le regarder lui et ses yeux. Ses yeux qui semblent se vider alors que tu retiens une vague de questions inutiles. Non pas inutiles par leur essence mais parce qu’il te répondra pas : tu le sais. Et à sa place t’y répondrais pas non plus. Alors tu gardes tes réflexions stupides pour toi, tu gardes ta langue dans ta poche et tu fais preuve de patience. C’est pas ton grand talent pour rien alors autant que ça serve. Tu quittes enfin le rivage desséché qui lui sert de regard pour parcourir du tien la petite pièce qui vous entoure. Tu repères rien qui manquerait et tu réagis en te murmurant un petit
mmh avant de prendre le sac. T’amorces de lui poser sur les genoux mais tu te ravises tout aussi vite avant de le passer en travers de ton torse. C’est tellement un bordel lourd et sans nom que t’as peur que ça lui écrase les jambes et pas au sens figuré. Il secoue la tête par la négative et tu réponds en hochant la tienne. Simple, efficace.
Parfois les mots sont inutiles entre vous.
« Partons juste.
D’acc. Tu me dis si je pousse trop vite. »Une inquiétude particulièrement
bête vu toute l’attention que tu mets à ne pas le cogner contre un cadre de porte ou contre un meuble, tout en roulant à une vitesse qui ferait bailler d’ennui un·e grabataire. Une fois dans l’accueil de l’infirmerie, tu t’approches du comptoir en gardant le fauteuil à portée. Qui sait s’il essaye à nouveau de partir en balade. Peut-être que ça t’a fait un peu plus peur que ce que tu pensais ; ça passera.
« Dites, vous auriez pas le sac avec ses affaires ? Celles qu’il avait en arrivant.
… Vous voulez vraiment récupérer ça ?
Bah, ouai ?
Sûr ? »Un sourire. Placardé sur ta tronche, celui que tu sers quand tu commences à en avoir marre de te répéter. Un hochement de tête. Le croque-mort te répond en soupirant avant de filer un sac opaque -et lourd. Heureusement qu’il est opaque d’ailleurs. Et bien fermé. Tu t’attendrais presque à voir un symbole façon
biohazard dessus mais heureusement iels sont pas allé·e·s aussi loin. Tu le glisses dans ta besace d’un geste qui semble un peu trop désinvolte vu son contenu, ce qui arrache d’ailleurs un sourcil levé de la part du croque-mort. Tu te doutes qu’il attend qu’une chose c’est de vous voir partir. Et ça tombe bien : toi aussi.
Et Basil aussi, probablement. Un coup d’œil dans sa direction et tu lui glisses la capuche de ton sweat sur la tête avec douceur.
C’est parce que t’as pas les bras assez larges pour le pousser et le protéger des regards en même temps. Alors ça fera l’affaire.
Un geste de la main pour saluer le croque-mort et son assistante -qui te répondent avec un roulement d’yeux et un sourire qui ressemble plus à une grimace agacée, et te voilà à prendre le chemin de la sortie. T’espérais enfin être soulagé de ce poids que tu ressens au fond de ta poitrine en franchissant les portes de l’infirmerie mais il en est rien. Au contraire, à chaque pas il semble s’alourdir. Grossir.
Peut-être parce que tu réfléchis trop.
Peut-être parce que tu t’inquiètes trop.
Peut-être parce qu’il y a toujours ce silence qui est en trop.
Au moins, ça devrait pas être trop compliqué de le ramener ; heureusement que c’est devenu plus facile de choper un taxi.
Tu te voyais mal conduire toi-même. Surtout sans bagnole.
Résumé
639 mots
les deux vont finir par être indésirés chez le croque-mort, ambiance