Du sang pour la croa rouge - [TW: Sang, morsure] - [Mino & Huia]

Plus elle parle, moins je la comprends, finalement. Comment ça, c'est bizarre qu'elle meure pas? Bah non? Elle croyait qu'elle allait mourir encore? Je lève un sourcil, suspect de chez suspect.

"Non, 'fin, c'est normal. Mais tu peux pas tuer des gens comme moi non, c'est dans la salive il paraît. Faut être vampire."

Je sais pas vraiment ce qui lui traverse l'esprit, et c'est pas peu dire que ça m'inquiète. Elle doit avoir des pensées pas nettes, vraiment. Le pire c'est qu'elle le cache vraiment pas, ou alors très mal. Dans les deux cas c'est inquiétant. Elle s'excuse de pas être du bon groupe, je hausse les épaules. J'aurais pu demander, aussi, je suis pas maline.

"Comment ça, doués? On a pas de trucs surnaturels ou quoi, hein. C'est plus une contrainte qu'autre chose."

Enfin, à mon sens, j'imagine que les sadiques y trouvent leur compte. Je commence à me demander si c'est pas plus mal qu'elle soit pas vampire, elle. Elle a pas l'air bien stable.

Elle est vraiment beaucoup trop enthousiaste et investie, c'est anormal. J'arrive pas à détecter ce qui se passe dans sa caboche, mais y'a des idées malsaines là-dedans. Une eau trouble.

"Je sais pas, moins ils souffrent mieux c'est, hein."

Je me pose la question, quand même. Est-ce que ce serait pas plus excitant, s'ils s'éteignaient lentement? Si on les tenait entre nos serres, à les voir se débattre et user leurs dernières forces pour espérer inutilement survivre? Ce serait une expérience différente. Amorale, très amorale, mais pas nécessairement moins plaisante. Je sais pas.

"Mais, 'fin, je sais pas comment font les autres, mais moi je mords dans la rue hein. Faut juste faire gaffe aux caméras, mais ça risque pas grand chose. Y'a pas d'entraînement ou rien, on se démerde quand on crève."

Enfin, il y a des structures pour accompagner les jeunes vampires. J'ai juste décidé de pas m'en éloigner. Je réécris un peu l'histoire, c'est vrai.

"Par contre je crois pas que tu puisses voir ça. À moins que des tarés se filment, j'imagine, vous pouvez pas aller chez les vivants vous."

Merde, je viens de lui donner une idée, non? Elle va forcément payer quelqu'un. Qu'est-ce que j'ai fait?

Elle a vraiment une obsession avec la mort, ou la souffrance, c'est encore assez flou si c'est plutôt la sienne ou celle des autres. C'est dérangeant de voir ça chez quelqu'un avec une petite bouille toute innocente, le contraste est gênant. Est-ce qu'elle se rend compte, qu'elle passe vraiment pour une tarée, ou est-ce qu'elle est juste aveugle à sa propre apparence?

"Ça passe, faut juste faire ça vite et tard le soir."

J'ai jamais vraiment eu de problèmes, ou alors d'autres vampires ont couvert mes traces. Reste qu'on m'a pas fait la leçon, alors je dois pas être trop bordélique. Pourtant, c'est pas faute de laisser du sang derrière moi.

Puis elle me sort encore un truc bizarre, comme quoi l'important c'est de le vivre. Au bout d'un moment, ça fait trop, ma propre curiosité morbide prend le dessus. J'ai besoin de savoir, je peux pas juste laisser ça passer.

"Par rapport à ça, je me demandais..." Beaucoup de trucs, en fait, j'ai vraiment milles questions à lui poser parce que tout est étrange chez elle. Mais j'ai à peu près cerné l'essentiel, je vais droit au but. "C'est quoi, ta motivation? 'Fin ça ressemble à un délire masochiste, vouloir se faire mordre et tout ça, moi je juge pas mais... J'aimerais savoir, quoi."

Je crois que c'est le genre de question dont on craint les réponses. Mais bon, faut bien mettre le dernier mot à une phrase avant de ponctuer.

Et ça repart. Franchement, très franchement, j'aurais vraiment préféré qu'elle me réponde simplement "oui", que tout fasse sens, et qu'on passe à autre chose. Mais non, c'est jamais aussi simple, alors faut que ça soit "plus complexe".

Je fatigue rien que de l'entendre, c'est vraiment beaucoup pour une journée. Je sais pas dans quoi j'ai mis les pieds. En fait, je me demande vraiment si c'était une idée sage d'accéder à sa requête. Ça m'apprendra à aller à la facilité quand j'ai faim. Non seulement je suis pas rassasiée, mais en plus faut qu'elle me terrifie avec ses hsitoires. Mais bon, j'écoute quand même.

Et l'explication m'aide pas. Au moins, c'est une réponse claire, le problème c'est qu'elle soulève milles questions en plus. Je soupire.

"Non, j'ai pas envie de faire pareil, non. Me suis déjà faite mordre une fois, c'est assez."

Je sais que c'est pas de ça qu'elle parle, mais c'est ma manière de répondre sur tous les tableaux. Tu parles d'expériences malsaines, même les pires scientifiques de fiction en sont pas rendus à simuler la mort pour le fun.

"Le prend pas mal, mais c'est vraiment étrange comme délire. Maintenant tu fais ce que tu veux, j'm'en fous, mais j'espère que tu t'en rends compte."

Parce qu'elle en parle avec une facilité, c'est flippant. J'imagine qu'elle a pas trop pied dans la réalité, se rend pas compte de ce que ça signifie, ses actions.

Tout le monde est bizarre, qu'elle dit. j'en ai déjà vu plein, des gens se défendre vraiment maladroitement, mais là on atteint des niveaux d'absurdes rarement égalés. "Tout le monde est bizarre donc c'est normal que je le sois". Faut vraiment pas trop y penser sinon ça doit court-circuiter le cerveau, je crois.

Puis, après avoir exposé ses interêts malsains sans pudeur aucune, elle s'inquiète de moi. C'est vraiment trop sympa, je pourrais chialer une larme de joie. Non, vraiment, si je deviens son prochain sujet d'obsession, je vais commencer à flipper.

"J'ai déjà mordu et tué une vingtaine de gens, hein. C'est pas tellement différent de te mordre toi."

Ouais, je mens, c'est vraiment pas la même chose. Que ma victime survive et juge mes performances, c'est flou. M'enfin, je savais dans quoi je m'engageais, j'aurais du prévoir que ça en arriverait là. En fait, j'aurais du me demander pourquoi elle voulait ça avant de mordre. Comme quoi on est pas soi-même quand on a faim.

"Et c'est pas contre toi, mais... Si je peux pas boire ton sang, ça sert pas à grand chose de recommencer." Quoique pour elle, si, sûrement. Je sais pas trop quel mécanisme de l'esprit lui fait adorer ce genre de douleur, mais ça doit être puissant. "C'était une expérience intéressante, quand même. Je... J'ai l'impression d'avoir grandi, quelque part."

Y'a un truc, dans les abimes de la raison, qui luit un peu quand on mord sans l'intention de tuer. À savoir qu'on fait souffrir l'autre, qu'on déchire sa chair et qu'il le sent dans ses nerfs. À creuser, probablement, possiblement...