Du sang pour la croa rouge - [TW: Sang, morsure] - [Mino & Huia]

Je sais pas trop ce que je fais là, ça me stresse un peu, mais tant pis. Si, je m'en souviens, je suis là pour l'argent. Enfin, ça c'est surtout l'excuse, en fait je suis morbidement curieuse de savoir ce que me veut la japonaise, face à moi.

Faut dire que ça partait mal, j'étais au calme en train de me triturer les canines après m'être mordue les lèvres une énième fois, elle m'a remarqué. Vraiment, je faisais pas la fière, j'aime pas trop ressembler vraiment à une vampire avec les crocs et tout le tralala. J'ai l'impression d'être ridicule. Mais bon, j'ai faim et j'ai pas le choix, super.

Passées quelques minutes, j'ouvre la porte de ma chambre, apparemment payée pour lui voler son sang. Ouais, ça me dépasse aussi, mais je dis pas non à quelques billets faciles. Je ramène les mains dans les poches et porte toujours ma casquette sur le crâne, faut dire que je suis pas en confiance. Mais elle est appétissante, j'ai déjà le goût du fer qui m'enivre. Ça m'aurait arrangé de savoir à l'avance que je peux pas trop boire le sang des morts, mais on apprend en faisant des erreurs, il paraît.

"Voilà. Ma chambre."

Elle est toujours aussi calme. Spacieuse. Enfin, si on exclut la pile de bouquins qu'on ma refilée qui prend un volume considérable sur un tapis. J'avais pas de bureau pour les ranger, c'est mieux que rien.

"Donc, tu veux... discuter, ou on s'y met direct?"

C'était une idée à la con, de l'amener là.

"Ouais, ouais deux lions. Longue histoire, y'en a un qui bouge."

J'ai pas tellement envie de m'étaler, c'est pas des supers souvenirs. M'enfin, ça fait un peu la discussion, j'imagine. Je m'asseois sur mon lit, l'invite d'un coup de menton à s'asseoir où elle veut. Je vais quand même pas lui sauter dessus comme ça à la sauvage. Je sais me tenir, quand même.

Non mais par contre c'est flippant, son sourire là. Elle m'a demandé de lui sucer le sang jusqu'à la dernière goutte (enfin à peu près) et elle a l'air la plus heureuse du monde. Déjà, la démarche m'échappe, mais là c'est glaçant. Et elle veut pas me mettre mal à l'aise, qu'elle dit. D'un côté c'est pas sa faute, elle a pas l'air capable de retenir son enthousiasme. En fait, sa question me fait me demander si elle est pas juste inconsciente.

"Bah, aussi mal que si je te mordais, quoi. Avec des dents normales. Y'a pas d'anti-douleur, hein."

Ouais, elle a pas l'air tout à fait au courant de comment ça marche, ici. Et ça me met la puce à l'oreille, je crois enfin comprendre. Elle espère juste devenir vampire en se faisant mordre, je suis sûre. J'ai pas envie de briser ses rêves, mais faut bien que quelqu'un s'y colle.

"Dis, tu veux devenir une vampire, c'est ça?"

Je cherche encore les mots pour lui annoncer que c'est impossible, j'attends sagement sa réponse. Non mais ça va me briser le coeur, de devoir calmer son ardeur joyeuse.

Okay, Huia, ressaisis-toi. Y'a quelque chose qui va pas avec cette gamine, et là ça commence à crever les yeux. Mais autre chose qui perce mes sens, c'est la faim. Et elle est juste là, c'est si facile, elle demande à se faire mordre. Tant d'efforts épargnés, ce serait bête de rejeter ce que la fortune amène...

"Non, non là ils risquent pas de bouger, je crois"

Je sais même pas comment l'agence avait réglé le problème, mais au moins, les deux se tenaient tranquilles depuis. Pour mon plus grand confort, j'avais pas fait la fière devant le tas de muscle félin. Je me sens un peu conne de pas avoir compris sa question, mais faut dire qu'elle l'avait posée bizarrement. Pis même, je saurais pas quoi répondre. Non, ça fait pas mal quand ça pousse, oui ça fait mal que j'arrête pas de me piquer avec. Fin de l'histoire.

Je la laisse divaguer, délibérer. J'avoue que je maîtrise pas tellement la situation, au final. Pressée entre mes pulsions carnassières et ses volontés incompréhensibles. Plus je danse, plus je me sens capable de glisser. Mmh.

Ses mots indéchiffrables me ramènent à la raison, je sens son regard me chercher, alors je le fuis. Je comprends pas. Je peux pas comprendre. Et donc, je dois demander, c'est vital.

"Ah ouais, d'accord. Mais... mais tu veux te faire mordre pour quoi, alors?"

Oh, si je savais...

Sympa? C'est pas le premier mot qui me vient à l'esprit, quand je revois la scène. Le fauve et le vieux qui se battent, la violence. Je secoue la tête, elle se rend pas compte. Enfin, je crois.

Et la raison pour se faire mordre tombe, je reste muette un instant. "Pour voir". Ça me repousse un peu au début, puis je réfléchis, retourne l'idée dans ma tête. C'est vrai que je sais pas non plus, ce que ça fait. J'ai pas tellement eu le temps de sentir la douleur, peut-être que d'autres vivants souffrent plus longtemps. Finalement, vouloir tenter l'expérience me paraît raisonnable. C'est juste un éclat de curiosité morbide, je peux vraiment pas la blâmer sur ça.

"Ouais, je comprend."

Bon, elle est peut-être moins timrbée que je croyais. Quoiqu'elle doit en tenir un fine couche, quand même. M'enfin, je peux travailler avec ça. J'ai envie, de travailler avec ça.

Je respire courtement, je peux pas décoller mes yeux de sa chair. Tout le sang qui doit y circuler, tout le fluide qui tourne la dedans. Ça m'enivre. J'approche un peu la tête, sans m'en rendre compte.

"Du coup. Tu veux faire ça sur le lit, ou... peut-être dans la baignoire, ça sera plus facile à nettoyer. Ou par terre, je... C'est comme tu veux."

Je deviens impatiente, active. Un orage gronde, dans mon âme. Une volonté puissante, une soif insatiable.

Qu'elle s'inquiète de paraître démente, c'est un peu ressurant. Au moins, elle est consciente du bizarre de sa requête, et de l'inconfort que ça peut causer. Enfin, de toute manière, j'ai laissé tout ce genre d'inquiétude derrière, j'ai plus qu'une chose en tête. Mordre. Boire.

"Ouais, on devrait faire ça dans la salle de bain. Ce sera plus simple."

Je la prends par le poignet sans m'en rendre compte, avec peut-être plus de force que je devrais. Les pensées qui me traversent l'esprit sont de plus en plus polluées, teintées d'un rouge inquiétant. Mais je garde la raison, je la mène à bon port et prend soin de fermer à clé la porte de la salle de bain.

Je me rends compte de ce que je fais. Elle est là, comme une souris acculée, moi un chat aux crocs grondant. Tout dans la scène est explicite, elle est perdue dans un espace qu'elle connaît, moi qui bloque la sortie. C'est théâtral. Elle parvient à me surprendre, quand même. J'étais pas prête à ce qu'elle propose de se déshabiller.

"Euh, je... Enfin, tu peux garder tes vêtements. Enfin, je veux dire tu peux les enlever si tu veux pas les tâcher, mais... Je sais pas. Mais non on boit pas tout le sang, c'est pas faisable."

Ça me choque presque, autant d'impudeur. Pas vraiment que je sois prude, mais j'ai jamais réussi à me dénuder devant personne depuis que j'ai vu ma peau changer. Ça me fascine cette facilité qu'on les autres, ça m'embarasse beaucoup aussi, mais bon. La cliente est reine.