Poison Ivy [Titine et Mino]

« Mal

Étonnant. »

Tu prends son pouls une dernière fois qui semble se stabiliser et repartir à la normal. Tu poses aussi ta main sur son front pour vérifier qu’elle fait pas de fièvre, mais ça a l’air d’aller. Ses joues sont un peu rouges mais ça ne t’étonnes pas vu ce qu’elle vient de vivre, tant qu’elle ne se met pas à transpirer à grand eaux ça devrait aller. Elle tousse, tu lui tapotes doucement le dos. Faudrait pas que ça reste coincée si elle veut à nouveau vomir.

« C'était quelque chose hein ?

J’imagine. Moi ça va, hormis quand j’ai du te rattraper on peut pas dire que j’ai fais grand-chose »

T’es même pas faussement modeste, tu le penses. Tu sais que tout le monde n’a pas la capacité de gérer ce genre de situation -que ça soit physiquement ou émotionnellement, mais tu n’as pas pour autant la sensation que c’était si exceptionnel. Tu as juste fait ce que tu avais promis : veiller sur elle. Éviter le plus gros du danger. Tu la regardes qui essayer de se redresser -en vain. Tu poses une main sur son épaule en douceur

« Tu devrais pas essayer de te lever pour l’instant. »

Faudrait pas qu’elle retombe direct. Elle mentionne l’eau dans son sac, tu le cherches du regard et tu le trouves un peu plus loin. Sans te lever, tu tends le bras et tu l’attrapes avant de le tirer vers toi et chercher la bouteille d’eau. Tu prends même soin de pas trop regarder ce qu’il y a d’autre -c’est pas tes affaires et puis c’est le sac d’une gamine, c’est privé. Tu lui donnes et tu relèves sa tête pour la poser en douceur sur tes genoux.

« Ça te va comme ça ? Si t’essaye de boire complètement allongée tu vas juste t’étouffer. Et j’uis content d’avoir évité le CPR donc »

C’est pour ça que t’es content de jamais avoir eu de gosses.

« J'ai été KO combien de temps ?

Mmmh, une grosse demi-heure environ. Peut-être un poil moins mais le temps que tu reprennes conscience … »

Pour elle ça n’a duré qu’un instant, pour toi ça été déjà plus long. Et tu sais que t’es pas encore libre, tu peux pas la laisser seule dans cet état ; même si elle a repris conscience elle reste encore très faible et ça se sent à sa petite voix.

« Et vous êtes un beau et gentil prince charmant »

Tu lèves un sourcil. Bon, peut-être qu’elle se remet plus vite que ce que tu pensais ; pour ton grand malheur.

« Tu devrais réserver ce genre de compliments à quelqu’un d’autre Mino, genre quelqu’un qui serait pas en âge d’être ton daron. »

Elle te confirme qu’elle est bien installée, tu hoches la tête. Tu la laisses boire à son rythme, après tout t’es pas à sa place. Mais elle a l’air d’avoir l’habitude ; t’as largement dépassé le stade d’être surpris. La serre est toujours aussi calme bien que la journée avance et tu commences à te demander si vous avez même le droit d’être ici ; depuis le temps tu t’étonnes de n’avoir vu personnes. Mais en soit ça te rassure, tu n’aurais pas aimé expliquer … La situation. Tu n’aurais sûrement même pas réussi à trouver comment expliquer ça.

« J'ai tenu ma promesse.

Oui, et j’ai tenu la mienne. On peut dire qu’on est quitte. »

Tu lui souris. Au moins on peut pas dire que t’auras voler ta nuit de repos ce soir.

« Je pensais que ça allait être plus long.

Ouai j’imagine. Je t’avoue que ça me va que ça n’ait duré que trente minutes, je commençais à avoir une crampe aux doigts à force de prendre ton pouls. »

En réalité tu aurais pu la surveiller des heures sans problème. Mais t’es pas obligé de lui dire ; ça pourrait lui donner de drôles d’idées encore. C’est que tu commencerais à la cerner au moins un petit peu.

« On n’a pas le droit de trouver son daron gentil ? »

Tu la regardes avec un air qui veut tout dire. Elle boude, mais tu préfères ne pas commenter. Parce que pour toi c’est pas vraiment ça le problème ; tu t’es déjà suffisamment impliqué pour cette gamine. Et tu espères bien remettre une bonne distance nécessaire, car au fond elle reste une inconnue. Quelqu’un dont tu ignorais l’existence il y a encore quelques heures. Et tu préférerais éviter qu’elle te qualifie par des noms comme « prince charmant » ; surtout que t’es probablement à l’opposé même de ce qualificatif.

« Ou interdis à quelqu'un de le dire qu'on le trouve gentil ? Après tout si vous étiez-

Oula, ça va aller ? »

Elle a de nouveau mal et ça se voit. Elle parle trop, elle bouge trop. Tu secoues la tête avant de la regarder dans les yeux, son crâne toujours posé sur tes genoux. Elle force trop et ça va finir par lui jouer des tours, sans parler que tu aimerais quand même réussir à la sortir au minimum debout plutôt que sur un brancard par exemple.

« J’pense que tu forces encore un peu trop. Si tu as besoin tu peux fermer les yeux, mon trench te tiendra chaud et j’attendrais que tu émerges. Mais j’préfère ça que de devoir t’emmener à l’hôpital, d’accord ? »

Elle te confirme. T’es rassuré, au fond de toi tu avais cette petite peur qu’elle te demande encore quelque chose -notamment quelque chose de dangereux. Mais il semblerait que ça lui suffise. Pour le moment. Elle semble inquiète après ta déclaration et tu ne peux retenir un petit rire ; non pas que la voir paniquer te fasses rire. Mais tu trouves ça quand même sacrément étrange qu’une gamine qui vient de s’empoisonner volontairement s’inquiète de ta crampe aux doigts.

« T’inquiètes, j’exagérais p’tete un peu. Mais juste un peu. »

T’as le sourire presque malicieux avant de te reprendre. C’est peut-être parce qu’elle est plus tranquille ou que tu as l’impression qu’elle se repose sur toi, mais ça te rappellerait presque ton rôle de parrain. Ou d’oncle adoptif. Pourtant ça partait vraiment pas sur les meilleures bases. C’est aussi peut-être parce que tu es vraiment trop gentil au point de prendre soin d’une môme que tu connais pas. Ça doit jouer.

« Ça ira… »

Tu la regardes, l’air absolument pas convaincu ; peut-être à cause de sa mâchoire qui se serre à vue d’œil.

« Peut-être qu'il faudra y passer quand même…

Clairement ouai. Repose-toi et si ça va pas mieux à ton réveille je t’emmènerai à l’hosto’ d’accord ? »

Tu marques une pause, un peu hésitant

« … Je pourrais rester un peu avec toi, si ça te rassure. »

Elle rigole, avant de se blottir encore un peu plus contre toi. T’es pas le plus à l’aise, mais tu laisses passer ; pour cette fois. Après tout ça reste une môme et même si elle a choisi volontairement de faire ce que tu qualifies sans soucis d’énorme connerie, tu as pas le cœur de la laisser dans la mouise. Tu prends donc ton mal en patience, observant la serre, pianotant sur ton téléphone qui traînait dans ta poche ; merci la technologie. Les heures passent petit à petit alors que début de la soirée pointe son nez. Tu sens qu’elle bouge un peu alors tu la fixes du regard. Au moins elle a l’air de sentir un peu mieux.

« Salut, ça fait deux fois que tu te réveilles aujourd'hui princesse. Comment tu te sens ?

Je ne vous ai pas bavé dessus j'espère ?

Mmmh … »

Tu fais mine de la regarder avec attention avant de lâcher un petit rire.

« Nan, t’inquiètes. T’as bien dormi deux, trois heures, est-ce que tu veux essayer de te lever ? En douceur hein »

« Ah oui. Quand même.

Ouaip. C’est que t’en avais besoin. »

Elle a l’air étonné ; pourtant elle connaissait les effets de la plante toxique non ? Tu préfères pas lui en demander d’avantage. T’as eu ta dose de cours d’horticulture pour plusieurs années.

« Je vais essayer.

T’inquiètes je vais t’aider. »

Tu l’aides à se redresser assise. Tu la retiens pour éviter qu’elle retombe, mais elle semble s’en sortir jusque-là. Alors tu la relâches pour se relever doucement -après tout toi aussi t’as des fourmis dans les jambes à force d’être resté assis aussi longtemps avec sa tête sur tes genoux. Tu t’étires puis tu te retournes vers elle pour tendre tes bras comme appui. Elle tremble un peu en se relevant mais tu la tiens fermement pour éviter qu’elle tombe -et qu’elle se fasse mal à nouveau. T’as l’impression de voir un poussin qui quitte le nid et tu retiens un rire. Tu ne la lâches pas, car tu sens qu’elle serait capable d’avoir les pieds qui se dérobe sous elle et se retrouver face contre terre. De toute façon c’est pas comme si elle était lourde.

« Heureusement que vous êtes là. Merci.

De rien. On va y aller doucement, reste accrochée à mon bras et si tu te sens partir tu me préviens d’accord ? »

Un pas après l’autre.

« Vous m'accompagnez jusqu'au croque-mort ?

Bien sûr, pis je resterais avoir toi jusqu’à ce qu’il donne son feu vert sur ton état d’accord ? Allez, on y va. »

D’une main libre tu ramasses ton manteau que tu lui mets sur le dos pour la couvrir -après tout il fait froid, tu prends son sac que tu cales sur ton épaule avant de te remettre à marcher avec elle qui s’accroche. Elle te colle alors tu suis son rythme ; et avec tes grandes jambes c’est pas le plus évident. Mais après tout c’est elle qui ne va pas bien, alors ça te semble normal. Tu pourrais la porter, mais tu dois l’avouer tu commences à fatiguer.

Sacré journée.