Poison Ivy [Titine et Mino]

Des boulots bizarres t'en as vu passer dans ta carrière. Y'a plus grand chose qui te surprend maintenant, même si ça peut encore arriver parfois. Tu te découvres des talents et des faiblesses depuis que tu fais Homme à tout faire à côté de ton boulot habituel de psychologue, et tu vois ça comme quelque chose de positif : après tout qui n'aimerait pas savoir nettoyer une cheminée ou grimper dans les arbres pour choper un chat, ou encore refaire la façade d'une maison ? Oui, c'est fatiguant mais y'a quelque chose de grisant pour toi dans tout ça. Mais parfois, les boulots un peu plus calmes ça te fait du bien. Donc quand tu as été contacté pour faire ce qui semble être une séance de jardinage tu as accepté sans problème. Pourquoi tu te serais méfier, après tout ?

« C'est bien vous monsieur Carter ?

Oui, bonjour madame... Masaki, c'est ça ? Vous pouvez m'appeler Constantine. Et me tutoyer, si vous le souhaitez ! »

Tu vérifies les messages sur ton téléphone pour te rappeler de son nom mais elle est plus rapide et te confirmes qu'elle est bien Mino Masaki. Quand tu relèves la tête, tu constates d'abord... Qu'elle est bien plus petite que toi. Ça te surprend pas vraiment, après tout t'es une perche sur patte, mais là la différence saute aux yeux. Puis tu remarques son style vestimentaire très atypique que tu connais pourtant bien et ça te fait sourire ; c'est quand même stylé, non ? Te voilà à te casser le cou en deux pour la regarder, sourire aux lèvres

« J'ai besoin d'un peu d'aide avec des plantes, il faut simplement faire attention avec elles. Vous vous y connaissez un peu en plante ?

Oula, euh... »

Tu te grattes la tête en laissant échapper un rire

« Je connais quelques trucs de base... J'ai des succulentes chez moi. Mais si vous me donnez les infos je ferais de mon mieux pour être prudent en les manipulant. »

Elle semble passionnée par les plantes et les fleurs, très passionnée même. Tu vois l'éclat dans son regard, elle trépigne même un peu. Elle a l'air jeune et au fond, voir quelqu'un être aussi impliquée et investie ça te touche un peu. Tu l'écoutes, tu secoues la tête négativement quand elle commence à te lister des noms de fleurs, de plantes... Ça ne te dit pas grand chose, jusqu'au moment où tu entends le mot laurier rose car le laurier tu connais, c'est même plutôt bon en cuisine. Enfin, de mémoire en tout cas

« Le laurier rose ça me dit quelque chose... C'est différent du laurier classique ou ...? J'ai déjà utilisé du laurier pour la cuisine mais j'avoue qu'en jardinage jamais. »

Tu sais pas trop ce qu'elle attend de toi : replanter quelque chose ? Nettoyer ? Désherber ? Mais tu la laisses te guider, après tout c'est elle qui t'as appelé

« Masaki oui ! Ou Mino, c'est pareil, je ne suis pas aussi à cheval que certains sur l'utilisation du nom.

Haha, c'est noté. Va pour Mino alors. »

Tu lui souris. Manifestement elle continue de te vouvoyer alors tu en fait de même. Elle semble vraiment très inspirée par tout ce qui vous entoure. Tu prends quelques secondes pour observer la serre et tu dois reconnaître que c'est un joli endroit. Tu en avais entendu parler -en même temps tu vis dans le coin depuis un certains nombres d'années maintenant, mais tu n'y a pas souvent mis les pieds. La serre est chargée de plantes, de fleurs et même de petits arbustes. Tu te rends bien vite compte que tu t'y connais encore moins que ce que tu pensais, vu ton manque flagrant de vocabulaire. Mais tu prends ton travail au sérieux, comme toujours, alors tu l'écoutes patiemment et qui sait tu vas peut-être apprendre quelques trucs ?

« Pour le coup ce sont pour des plantes plus rares que ça. Il faut simplement faire attention, et porter des gants.

Ah ? Oh euh merci... »

Elle te tend des gants de jardinage que tu enfiles ; enfin plutôt que tu essayes désespérément d'enfiler. T'as de grandes mains et les gants te semblent un peu... Juste. Mais à force de tirer, te tortiller tu parviens tant bien que mal à te protéger les mains avec. Elle même revêt des gants par-dessus les siens ce qui te fait lâcher un petit rire. Décidément c'est quelque chose, cette cliente.

« Alors vous pouvez en mettre dans vos plats, mais le gout serait particulier.

Mmh, je vois. C'est parce que c'est pas très bon ? Je sais que certaines plantes sont plutôt amères en goût »

Elle ne te répond pas mais tu n'en penses rien. Elle te montre les environs et tu continues de la suivre sans trop te poser plus de questions. Peut-être que tu devrais, finalement.
Parce qu'elle te montre le laurier rose. C'est vrai que c'est joli et tu acquiesces quand elle te demande ton avis ; c'est une belle plante très colorée. Puis elle te parle du fait que c'est une plante suffisamment dangereuse pour déclencher des crises cardiaques. Tu comprends mieux les gants tout d'un coup.

« En fait, vous n'allez pas faire de jardinage, mais je ne veux pas qu'il vous arrive quelque chose. »

Hein ?

« Votre vrai rôle, c'est que si je m'évanouis, il y a quelqu'un pour me ramasser.

Euh... Pardon ? »

T'as pas le temps de lui poser plus de questions. Tu l'as vu casser une feuille et d'un coup ton cerveau se met à s'accélérer quand elle porte cette même feuille vers sa bouche tout en te sortant un "Bon appétit" comme si de rien n'était. Bordel, pourquoi tu tombes toujours sur des originaux ? Vraiment t'as bien choisis tes métiers. Tes réflexes se réveillent aussi vite que tu comprends la situation et tu la choppes par la taille avec ton bras gauche tandis que ton bras droit lui saisis le poignet de la main qui tient la feuille -peut être un peu brusquement à cause du rush d'adrénaline de voir quelqu'un qui essaye basiquement de se donner une putain de crise cardiaque devant toi. Il faut le reconnaître, elle décolle du sol car tu la tiens fermement contre toi, lui serrant toujours le poignet pour éloigner le plus possible la plante mortelle de sa bouche.

« WOW WOW WOW mais ça va pas, tu va lâcher ça ?! »

T'as laissé tomber le vouvoiement qui se barre par une des fenêtres de la serre ; en même temps comment t'en vouloir vu la situation ? Tu as déjà eu beaucoup de situations vraiment étranges, bizarres et même carrément dangereuses mais tu vas devoir ajouter à ta carrière le fait d'empêcher une fantôme de... Mourir de nouveau ? Est-ce que ça peut même arriver ? Ou est-ce qu'elle finirait juste en poussière ? Et si elle s'était évanouie, est-ce que pratiquer le CPR aurait suffit ? Tu penses à tout ça tout en la tenant sans avoir à faire le moindre effort ; ta taille joue en ta faveur.

« J'te préviens j'ai pas l'intention de te lâcher tant que tu laisses pas tomber cette idée de merde ! Mais pourquoi tu veux te filer une crise cardiaque ?! »

Et elle crie, puis elle te hurle dans les oreilles. Heureusement t’as été à un paquet de concert dans ta vie -et sans boule quiès. Alors tu te contentes de la retenir en râlant que Bordel quand même c’est quoi ce délire de vouloir mourir encore tout en essayant de t’éloigner du reste de parterre de la plante hautement morelle. Elle a de l’endurance mais pas de bol, toi aussi. Elle donne des coups dans le vide et tu réussis à en esquiver quelques-uns, surtout ceux qui se dirigeait vers ton menton. Ou tes jambes. Tu roules des yeux et tu te dis que ça serait vraiment pas de pot que quelqu’un débarque ; on te prendrait probablement pour un type louche. En même temps la scène vu de l’extérieur est sacrément singulière : une grande perche en trench coat qui retient une petite gamine en gothic lolita dans ses bras façon début de german suplex. Tu soupires ; c’est vraiment pas la séance de jardinage que tu espérais. Adieu le silence, le fait de désherber des trucs en paix.

« Et pourquoi c'est une idée de merde, d'abord ?

T’as vraiment besoin d’un fucking dessin pour comprendre POURQUOI ?! T’es marrante j’ai pas prévu de me reconvertir en fossoyeur merci bien ! »

Tu jures dans un français bien crade. Ça y est, t’es énervé. Déjà oui, c’est une sacrée idée de merde et ça tu le défendras corps et âme. Mais en plus il faut être sacrément irresponsable de vouloir faire subir un choc pareil à un parfait inconnu, sans le prévenir comme si c’était parfaitement normal. Tu peux comprendre que prendre un rendez-vous pour assister une tentative de chute en poussière c’est délicat, mais t’as pas signé pour ça. Et elle continue de s’agiter.

« De toute manière ça ne change rien pour toi et ça n'est pas dangereux pour toi.

Ah bah oui c’est vrai que j’en ai rien à branler de voir une parfaite inconnue mourir devant moi, tss ! Tu t’écoutes au moins ? Tu te mets à ma place deux secondes ? Je m’en fous que ça soit dangereux pour moi, là c’est surtout toi qui m’inquiètes ! Et tu peux arrêter de remuer ?! »

Tu tiques, tu continues de râler comme un vieux tonton au langage bien grossier. Tu resserres ton étreinte pour lui faire comprendre qu’il est tant d’abandonner la lutte ; mais malgré tout tu prends un soin particulier à ne pas lui faire mal en la serrant trop fort. Tu secoues légèrement son poignet et t’arrives à lui faire lâcher la plante. Mais tu ne desserres pas ta prise pour autant.

« Ça n'est pas comme si je peux mourir, c'est pour la science.

C’est pas comme ça que ça marche la science bordel ! Et c’est pas parce qu’on est des fantômes qu’on est immortel·le, la tombée en poussière ça te cause ou bien ?! »

Nouveau soupir. T’as envie de te masser les tempes mais là, tes mains sont trop occupées.

« Écoute. J’veux juste pas avoir à gérer une potentielle mort mort de quelqu’un dont je connais que le nom. Et désolé mais t’es tombé sur le genre de gars qui va pas te regarder la bouche en cœur sans rien faire, donc est-ce que tu veux bien te calmer et m’expliquer réellement ce qui se passe ? »

« C'est un très bon métier à ce qu'il parait d'abord !

Raaaah »

Tu commences à avoir un peu envie de la déposer et de rentrer chez toi. Juste un peu. Mais tu inspires, expires alors qu’elle semble s’agiter un peu moins. Tu essayes de réfléchir -vite, de préférence, à une solution. T’as déjà eu des patient·e·s un peu compliqué et qu’est-ce que tu fais dans ce genre de cas ? Bah déjà tu les ceintures pas façon german suplex pour commencer car la plupart du temps, iels viennent vers toi volontairement. Bon. Mauvais plan. Peut-être que la poser pour parler ça serait un début ? Mais rien ne te dit qu’elle ne va pas détaler à la première occasion pour se mettre dans le gosier du laurier mortel et là, pour le coup, sa petite taille jouera en sa faveur. Tu expires longuement, entre l’exaspération et le soupir de lassitude.

« Bah voilà, tu dis que tu t'en fiches donc c'est bon !

C’est pas ce que j’ai dis … »

Simple constatation de ta part.

« Je sais ce que je fais et je vais très bien, ça n'est pas la peine de s'inquiéter pour moi ! »

Qu’est-ce que tu peux répondre à ça ? Maintenant que le choc redescend, tu te dis qu’au fond … Tu la comprends. Elle t’est aussi inconnue que tu l’es à ses yeux et si elle est prête à tester des trucs aussi dangereux, pourquoi elle se préoccuperait de ton inquiétude ? Ou même de ce que tu penses ? Tu aurais pu la laisser faire. Tu aurais pu décider de l’aider … ou non. D’appeler des secours … ou pas. Mais ce qui signifie aussi qu’elle était prête à t’accorder au moins cette confiance de l’aider s’il lui arrivait quoi que ce soit, à toi, un type dont elle avait uniquement le nom et un numéro professionnel. Non, clairement quelque chose ne va pas avec cette Mino. C’est limite aussi dangereux que son idée avec ces fichues plantes. Tu ignores l’insulte, ses sous-entendus sur la science et même sa réflexion sur la tombée en poussière. Comme si toi, avec tes quarante années dans le Monde des morts, t’y connaissais rien. Et voilà, tu tournes sale con. Merde hein.

« Donc je ne vais pas mourir, il n’y a rien à expliquer de plus, lâche-moi !

Je trouve qu’au contraire t’as de plus en plus de trucs à m’expliquer là ! »

Elle devient de moins en moins agitée et vu ce que tu sens sur ta manche et les bruits de sanglots, tu en conclu qu’elle s’est mise à pleurer. Et voilà, tu te sens mal … Tu arrives à te sentir coupable d’empêcher quelqu’un de faire quelque chose d’extrêmement dangereux. Il manquait plus que ça. Tu soupires ; il est tant d’essayer d’apaiser un peu la situation.

« Bon, écoute. Je veux bien te relâcher … Mais. S’il te plaît, je veux pas de ton argent, je veux pas que tu me payes pour t’aider à faire quelque chose d’aussi dangereux. Je mets fin au contrat, alors maintenant que j’uis plus payé … »

Tu prends une inspiration

« J’te demande de pas faire ça. Je pourrais pas t’empêcher de te barrer, de courir et d’essayer de recommencer j’le sais bien. Mais je veux juste essayer de comprendre ta logique parce que là je vais pas te mentir … Je comprends juste pas pourquoi t’es aussi insistante avec ça. »

Tu finis par la reposer, la gardant cependant dans tes bras le temps qu’elle se calme. Si elle le veut vraiment, elle peut totalement te repousser et s’enfuir et tu respecteras son choix. A voir maintenant si elle respectera ta demande en échange.

« Ça n'est pas si dangereux que ça je te dis.

Prends-moi pour un con aussi … »

Tu fatigues. Tu sais pas si tu fatigues de la situation qui te draine à grande vitesse ou parce que tu commences à la porter depuis un moment. Elle est pas bien lourde, mais à force de s’agiter ça t’engourdis un peu le bras. T’es quand même encore loin d’avoir besoin de la lâcher pour respirer ou reposer un peu tes bras bien sûr, mais va falloir trouver une solution ; et vite.

« Un homme à tout faire qui ne fait pas ce pour quoi on le paye, bravo.

T’auras qu’à en parler à mon employeur. »

Tu te ferais presque rire tout seul.

« Parce que c'est fun. »

Tu la regarde, l’air surpris. Non, plutôt un peu choqué. T’as du mal à voir le fun dans le fait de risquer sa vie et même sa mort. Toi tu as risqué la tienne de vie un paquet de fois, notamment à l’armée. Et quand t’as été psy. Quand tu t’es mis en danger pour sauver des proches. Et ça t’as jamais paru fun, ou drôle, ou même intéressant. T’aurais préféré ne pas en avoir à passer par là. Alors oui, t’es peut-être un peu biaisé par ton expérience, par les conditions de ta mort et un tas d’autre paramètres, mais ça te surprend. Tu es d’autant plus surpris qu’elle a l’air parfaitement honnête dans sa réponse. Et tu n’as même pas envie de relever la suite de ses explications, de peur de finir par t’énerver pour de bon et la laisser à son sort. Mais non, tu respires, tu reprends le contrôle de tes émotions et tu essayes de te mettre à sa place même si c’est très, très difficile pour toi. Se sentir vivant en luttant pour sa vie, hein ?

« Et de toute manière on ne peut pas mourir, autant découvrir ce qui se passe dans ce genre de situation. Vous devriez tester, vous savez.

Je n’ai pas envie de tester, merci. Une fois m’a suffi. »

Tu n’aimes pas en parler, mais tu te dis qu’un peu d’infos pourrait servir à ouvrir le dialogue. C’est pas comme si tu comptais la revoir ou devenir son ami de toute façon alors qu’est-ce que ça change. Les pieds au sol, tu gardes ton étreinte car tu as encore peur qu’elle se lance et que tu ne sois pas assez rapide. Tu la vois relever la tête à chaque fois que tu lui parles ou qu’elle te répond ; elle est vraiment pas grande.

« Ça va ton coup ? Et ton poignet, j’espère que je t’ai pas fais trop mal. Désolé, j’ai réagi un peu à l’instinct. »

Tu prends une grande respiration. C’est le moment de te lancer.

« T’as peut-être pas l’habitude que des inconnu·e·s s’inquiètent pour toi comme ça, ça d’accord. Tu veux vivre le frisson, celui de lutter contre quelque chose qui serait mortel si tu n’étais pas déjà morte. Moi j’avoue que j’ai du mal à comprendre pourquoi tu penses que c’est normal d’embarquer quelqu’un qui a rien demander là-dedans. Et imagine je t’aurais suivi, ou que j’aurais chopé ta feuille là pour la bouffer à ta place, mmh ? »

Tu soupires.

« Imagine j’aurais eu de mauvaises intentions. T’en sais rien au fond, non ? Alors oui, j’ai du mal à comprendre et j’avoue que j’appellerais pas ce que tu me décris comme un truc … Fun. C’est pour ça que je voulais tes explications. »