Sa vie est tellement d’un banal que même lui s’ennuierait à la lire.
Ses parents immigrent de Turquie en 1981 après le putsch militaire. Il est le dernier et seul garçon d’un couvent de sorcières composé de 4 sœurs. C’est un ménage moyen, ses parents sont enseignants à l’université.
Son parcours scolaire est plus que chaotique et ses notes oscillent entre passables et moyennes.
« Un vrai touriste aurait au moins pris des photos. » - M. Herrmann, prof. d’anglais de lycée.
Il sait que dans la vie, il a besoin de bouger, de voir des choses différentes tous les jours. Alors avec un diplôme en électronique rapide en poche, il s’engage chez les pompiers. Entre les deux, il fait une pirouette pour échapper au service militaire en Turquie. En tant que ressortissant turc, c'est obligatoire, mais quand on peut payer 2000€ pour s'en exempter, on ne s'en prive pas.
« Dernier entré, premier sorti » - Cpt. Köhler, instructeur
A la caserne, la taquinerie sur son gabarit loin de He-Man du Capitaine est quotidienne et il rit avec. Il est préposé au secourisme de chats, parce qu’ils aiment bien lui grimper dessus. Il a aussi une bonne vibe avec les enfants.
((but everything changed when the fire nation attacked)) A peine cinq ans. C’est court.
Et le voilà dans ce bureau, les yeux rivés sur un écran diffusant un film catastrophe de série B. Il a oublié l’inconfort de la chaise, l’amabilité et les dents pointues de son hôte.
Le spectacle de sa mort. La fumée noire, les rouleaux de flammes au plafond ; son corps rampant au sol ; son souffle dans l’appareil respiratoire.
Luim dont il ne voyait même plus les bandes réfléchissantes. Absorbé par le sauvetage de la dernière victime, il n’avait ni remarqué que ses collègues n’arrivaient plus à contenir le feu ni son prénom hurlé dans les flammes. Et que lui, ne pourrait plus évacuer.
La chaleur a grimpé, la lumière ébloui et le flashover a tout embrasé.
L’écran s’éteint, mais il a encore l’impression de brûler. Sur la moitié de son visage. Sur ses bras. Dans son dos.
Il entend à peine ce qu’on lui dit.
Trahison, disgrâce ! Drame et Tragédie !
La mort est difficile à accepter. Il avait beaucoup trop de choses sur sa bucket list pour finir comme une dinde qu’on aurait oubliée dans le four. Adopter tous les chats du monde, se laisser pousser les cheveux pour se lancer dans une carrière de chanteur de métal, publier son « Simplissime des 1001 recettes que vous allez 100% rater ».
Mais ce qui lui reste maintenant c’est une bucket list à refaire et la peur des étincelles.