The bittersweet leftovers
We've lost the game - Dropped the case and said goodbye
Au mépris, au dégoût, tu peux facilement opposer bravade, provocation et indifférence. Tu ériges une façade de résilience cynique, tu réponds aux grimaces malveillantes par des sourires arrogants dans ta misère, ta débauche, ta vacuité apparente. Te savoir déjà rejeté tout entier te libère, car si tu es perçu comme repoussant, les gens se tiennent à distance et ne peuvent pas d'atteindre. Distraits par le plus grotesque des pantomimes.
Mais la pitié. Elle suggère que quelqu'un se donne la peine de regarder d'assez près pour
te voir. Et qu'aucun de tes masques ne pourront jamais dissimuler à quel point en dessous, tu es vulnérable. Si réceptif malgré toi à cette attention des plus infimes, à cette marque d'empathie des plus ridicules.
Car avant d'être une parodie de toi-même, tu restes humain. Ou ce qu'il en reste. Ça fait remonter en toi une aigreur qui trahit que ça t'affecte,
te révulse. Car tu es faible et utilisable, c'est ce qui t'a perdu, et malgré ça ta gorge brûle d'en redemander. De la compassion, même fausse, même éphémère, quitte à ce que l'on te consume, te consomme encore.
Comme tu te hais. D'être si troublé à l'idée qu'il ait de la peine pour toi. D'être si apeuré de l'accepter. D'anticiper qu'il t'abandonne. De lui donner toutes les raisons de le faire. De ne pas comprendre pourquoi ce n'est pas déjà fait. De ne pas saisir ce qu'il y gagne. De ne pas réussir à accorder du crédit à l'hypothèse qu'il puisse juste, sincèrement, se soucier de ton sort.
Pourtant si tu as retiré ta bague, c'est justement parce que la supercherie te pèse et que tu es dévoré par le besoin de lâcher prise, n'est-ce pas ? Quitte à ne plus rien avoir derrière quoi te réfugier. Quitte à t'offrir en pâture. Ce à quoi l'on t'a si souvent réduit. Ce à quoi tu continues de te réduire.
Tu te hais. Tu te hais. Tu te hais. Ces pensées enflent et tu les visualises aisément se matérialiser en œdème qui te ferait exploser le crâne. Qui répandrait ta pourriture sur le sol. Celle de ta chair. Celle de ton âme. Ce concept bafoué.
Tu hésites. Puis tu portes la main à ton cou pour en repousser davantage le col de ta chemise. Ta voix n'a plus d'intonations.
— Elle était proche... Elle disait des choses insensées... J'ai senti une aiguille.Tu dévoiles des veinules noires qui fragmentent la surface cireuse et délabrée de ta peau. Contre ta gorge, sous ta clavicule. Elles partent toutes d'un point névralgique, une tâche d'encre sale, éclatée contre ta carotide enflée et effritée comme un morceau de fusain. Elle pulse. Elle propage le sang comme son vice. Peut-être qu'en tant que vampire, Xamanek peut-il encore en suivre le flux. Aussi corrompu soit-il, il circule, il maintient ton cadavre.
Et bizarrement il t'emplit les yeux d'une manière peu naturelle, brouillant ta vision d'une boue rougeâtre qui borde partiellement tes paupières, avant qu'un faible tressaillement d'épaules n'ouvre les vannes d'un écoulement macabre de larmes cramoisies le long de tes joues.
— C'est tout...Toutes tes inflexions manquantes, elles se condensent en ces deux mots qui tremblent, qui forcent un peu d'air dans un gémissement dissonnant, qui basculent d'une octave.
Tu as trop parlé précédemment. Trop temporisé. Désormais tu es à court de mots. À bout de souffle.
À bout.