how long is forever ? ft. Mikan

TW HEMATOPHOBIE

Mikan aurait aimée que les rues du Tokyo des morts soient restées les mêmes, mais en deux siècles il est évident que tout a eu le temps de changer.
Les habitant.e.s, les rues, les bâtiments, rien que les infrastructures lui donnent le tournis. La ville était plate de son temps, mais à présent les immeubles surplombent la capitale comme de nouvelles montagnes futuristes.
C'était étrange de se promener dans une ville si familière et pourtant si loin de l'image qui lui était restée en tête.

La modernisation de la société ne lui avait pas échappée, même à l'étranger, mais elle avait toujours espéré que Tokyo reste figée dans le temps, comme elle l'était dans sa mémoire.
La chimère se rendait bien compte à présent que c'était un songe bien idiot et qu'il allait falloir pour elle revisiter la ville pour la connaître à nouveau.

Après ses premiers jours de retour Mikan s'était rendue compte que les seuls piliers inchangés de la ville étaient ses vieilles connaissances, celles pas encore tombées en poussière. Pour ses bars et restaurants préférés, ils s'étaient tous transformés avec le temps, voir avaient laissés place à de nouvelles enseignes qui lui étaient étrangères.

Toutes ? Peut-être pas. Après s'être renseignée auprès de vieux lémures, Mikan avait retrouvée les traces de la rue où se trouvait feu sa librairie.
Enfin, leur librairie.
Apparemment lae nouvell.eau propriétaire l'avait changé en sorte de café, mais Mikan n'avait pas eu plus d'informations que ça. Juste que les lieux avaient gardés de leur charme malgré le temps qui était passé, et qu'avec un peu de chance elle y retrouverait un tant soit peu de confort et de nostalgie d'antan.

Alors après sa journée à débouler dans Tokyo, à visiter les alentours et traîner dans les boutiques, la chimère finit par se décider à poser bagages au café.

Il devait être assez populaire vu le monde en terrasse, Mikan perdue un peu l'espoir de se trouver une place mais entra tout de même, maintenant menée par sa curiosité.

Etrangement, l'endroit n'avait pas drastiquement changé, Mikan retrouva de vue quelques meubles d'époque qui avaient juste été rénovés comme il faut.
Les nouvelleaux patrons devaient aimer l'ambiance qu'elle avait laissé.

Par contre les rangées de livres avaient disparues pour laisser place à des tables et des clients agités.
Les pauvres serveurs ne devaient pas savoir où donner de la tête, et Mikan eu de la peine pour elleux.

Au moins l'endroit était encore vivant, ça la soulagea quelques instants. La relève était assurée.
Se pourrait-il que… ?
Non, après deux siècles Polar avait dû passer le flambeau. Mikan la retrouvera bien autre part dans un détour de Tokyo.

Pourtant la tornade blanche qui s'agitait autour des tables lui était bien familière, cette tignasse était après tout reconnaissable entre milles.
Ces plumes aussi d'ailleurs, elle en écarquilla les yeux.
C'était peut-être une autre chimère harfang, ou bien ?

Mikan s'approcha d'un pas avant d'apercevoir les pupilles orangées qu'elle connaissait si bien. C'était ellui.

Elle resta tout aussi stupéfaite que Polar lorsque leur regards se croisèrent.
Pour elle, c'était la nostalgie qui lui monta à la tête.
Deux siècles sans se voir, ce n'était pas rien, elle se serait jetée dans ses bras si Polar n'avait pas l'air si perturbée de la voir.

Mikan n'avait presque pas entendue le verre se briser, contrairement à la salle, mais en le voyant éparpillé au sol elle se précipita immédiatement au secours de son ami.e

Me regarde pas comme ça, on dirait que tu as vu un fantôme, s'exclama-t-elle en posant ses sacs de shopping à leur côtés.

Mikan s'agenouilla pour récupérer les morceaux de verre, d'abord les gros, puis les petits qui lui laissèrent du sang sur les doigts. Elle sourit faiblement pour ne pas inquiéter Polar mais le mal était fait et elle lâcha précipitamment les morceaux sur le sol.

Même quand j'essaie je suis pas très utile, hein ?

Ses yeux n'arrivaient pas à la quitter même en se faisant disputer. Après tout ce ne sera pas la première ni la dernière fois que ça arrivera.
Même après deux siècles Polar n'a pas perdue ses habitudes avec elle et ça la fait sourire malgré la douleur.

Alors Mikan se laisse trainer, comme souvent, et laisse son sort entre les mains de son ami.e.
Iels sont toujours ami.e.s n'est-ce pas ?

Certes leur dernière discussion était assez animée mais le temps a fait s'envoler les problèmes, n'est-ce pas ?
Est-ce que Polar lui en veut toujours ?
Iel a l'air de s'être très bien débrouillé.e sans elle. La librairie, enfin plutôt, le café a l'air d'avoir du succès, et il est toujours debout après deux cents ans. C'est probablement la plus vieille enseigne de la ville, quoi qu'il y ait toujours des surprises dans le Tokyo des morts.

Les yeux rouge de la chimère détaillent le dos face à elle, ce sera tout ce qu'elle aura le droit de voir sur le chemin. Polar ne lui adressait pas un regard et peut-être que c'était un mauvais présage.
Iel devait lui en vouloir, mais Mikan n'était pas prête à se laisser abattre.
Elle savait se faire pardonner, toujours, c'était un enfant qui ne se faisait jamais disputer, un enfant qui jouait avec les gens sans aucune impunité.

On lui faisait toujours dos mais elle tendit ses mains et laissa ses doigts sanguinolent pendre au dessus du plancher.
Les gouttes pleuvaient sans un bruit dans la pièce renfermée.
Il faisait chaud maintenant que les courants d'air avaient été coupés par la porte close.

Mikan ne disait mot car elle savait que son ami.e avait quelque chose sur le cœur qu'elle voulait libérer.
Alors elle fut patiente, avec toujours ce sourire stupide aux lèvres.

Tu me reconnais pas ? Est-ce que c'est parce que j'ai coupé mes cheveux plus courts ?, répond elle en se retenant de triturer ses mèches de ses mains abimées.

Pourtant ils étaient toujours de ces couleurs qui n'en sont pas, de ce noir et de ce blanc bien singuliers.
Et ses yeux, étaient toujours d'un rouge perçant s'éparpillant aussi sur sa peau comme de petites tâches de rousseur.
Ou était ce son style vestimentaire qui la troublait ?
En deux siècles les tendances changent c'est certains, mais ce n'est pas un détail qui rend méconnaissable à ce point.

Moi je t'ai reconnu.e tout de suite

Voilà comment elle arrivait toujours à se faire pardonner, sans même s'en rendre compte elle arrivait à flatter de ses remarques innocentes et franche.

Polar était reconnaissable entre milles à ses yeux et ça ne lui servirait à rien de le cacher.

Les périodes ont changées, le temps est passé, iels ont évolué.e.s en de nouvelles personnes et pourtant, c'est bien Polar qui se tient devant elle, elle le sent, elle le sait.

Mikan rigole en ignorant le choc sur le visage de Polar et enchaine, ayant une idée en tête pour lui prouver que c'est bien elle qui se trouve à ses côtés.

Je suis Mikan Tamaki, j'ai 26 ans pour toujours mais je suis morte il y a 341 ans. On a fondé ce salon de thé ensemble, enfin à l'époque c'était une librairie. Je suis terrifiée par la foudre, je sais jouer de la batterie et fut un temps j'avais le droit de t'appeler Yura. Mais peut-être que j'ai perdu ce droit ?

Rien n'était moins sur, mais derrière ce sourire se cachait la certitude pour elle de pouvoir se réconcilier avec Polar.

Mikan ne peut que sourire à la pique de la chimère.
Elle lui avait manqué, elle et son franc parler. Ses mains autour des siennes, à prendre soin de Mikan malgré toutes ses bêtises. Ces soirées à penser ses plaies, à juste être ensemble, rien qu’iels deux.

L'antiseptique picote autant que Polar, mais comme elle, il nettoie impeccablement ses blessures.
Par réflexe, et par envie, les doigts de Mikan s’entremêlent aux siens le temps de ces quelques secondes.
C’est une chaleur familière qui en deux siècles n’a jamais pu être imitée.
Il faut qu’elle fasse attention, être proche d’iel aussi longtemps pourrait faire remonter des sentiments qu’elle préfère oublier. Ceux qu’elle a noyés il y a des années à coups de distance et de silence.

Mais leurs mains restent agrippées l’une à l’autre, et Polar continue son interrogatoire.

J’espérais, répond Mikan, l’esprit encore trop concentré sur la peau de son ami.e contre la sienne.

Des pansements viennent enrouler ses blessures et la jeune femme aurait préférée en avoir des colorés. Les bandages couleurs chair la laissent dubitative.
Elle vient les caresser, les fixer sur sa peau, puis retourne son regard sur Polar.

J’aimais bien la librairie mais le café a l’air de mieux marcher., Mikan ne peut s’empêcher de pouffer en répondant, Est-ce que vous faites du thé glacé ? Je dirais pas non à un peu de sucre.


La vérité c’est que Mikan aimerait bien lae garder pour elle un moment, mais Polar doit avoir des impératifs, au moins jusqu’à la fermeture. Si au moins elle pouvait boire quelque chose en attendant, ce serait parfait.
Que ce soit dans une heure ou deux, elle peut bien attendre, après tout ça fait déjà deux-cent ans qu’elles se sont séparées, quelques heures de plus ne sont rien à côté.

Polar a toujours été la plus sérieuse des deux. Mikan faisait les ébauches de leurs projets et Polar y mettait les touches finales.
Iel se démenait dans les idées excentriques de la chimère, grandes ou petites, Mikan n’avait qu’à demander et Polar achevait ses plans les plus fous.
Quand Mikan voulait sortir, Polar trouvait un moyen de transport convenable, quand elle voulait ne rien faire de la journée, iel trouvait une excuse à donner à son boulot.

Ce n’était pas étonnant que même sans elle, Polar ait réussi à si bien tenir leur commerce.
Non, son commerce, pourquoi Mikan avait toujours l’impression d’en faire partie ?

Pêche ! Et sans glaçons.

Ses mains joliment empaquetées de bandages, Mikan suivit son ami.e vers la porte, ayant déjà en tête de déballer ses achats sur une table pour les observer tout en sirotant son thé.
Spécifiquement ses beaux chouchous faits main qu'elle venait d'acheter dans une boutique à deux pas d'ici.

Mais Polar ne sortit pas, elle se ravisa et tourna vers elle. La lueur dans ses yeux trahit vite ses émotions et Mikan ravala son sourire comme à chaque fois que Polar lui avait montrée son visage teinté de tristesse.

Et ses excuses se creusent au plus profond de Mikan comme une lourde pierre tombant au fond de son estomac.

Jamais elle n’aurait pu penser que Polar se serait blâmée pour son départ.
Elle croyait avoir été claire lorsqu’elle lui avait étendu son projet d’aller aux États-Unis. Certes il n’avait pas été bien reçu et Polar avait bien eu l’air triste, mais penser que c’était de sa faute ?

Si quelqu’un devait en être accusé c’était bien Mikan qui avait pris la fuite au lieu d’être honnête avec iel.
C’est Mikan qui n’a pas gardé contact après leur dispute.

Peut-être qu’elle le lui aurait dit si elle était aussi courageuse qu’elle en avait l’air.
Mais il n’en était rien.

C’est dans le passé, ça sert à rien de ressasser… T’as rien fais de mal, on a juste… mal communiqué. J’aurais dû te prévenir bien avant que j’allais partir.

On aurait dit que sa phrase allait se finir d’un “désolé”, mais il n’en fut rien.
Mikan poussa la porte en première et s’éclipsa comme elle savait si bien le faire.
Ce petit bout de discussion sérieuse l’avait épuisée alors elle s’installa vite dans un coin de la pièce pour attendre sa commande.
Ses emplettes n’avaient plus l’air aussi excitantes après leur conversation.