Il faut qu'on parle - [LEMON] [Céleste & Olympe]

Elle se joue de moi, de mes sentiments, mais je l'autorise, ça m'amuse. Je lui ai volé un baiser, elle me le reprend, je tente de me défendre mais rien à faire. La crise est passée, au moins. Et je retiens la leçon, ne surtout, surtout pas taquiner sa jalousie. Un véritable champ de mine, qu'elle est, ma peluche à moi.

Et encore une fois, elle me surprend avec des projets. Le nouveau est moins morbide que les anciens, mais pas un sort qui m'enchante pour autant. J'ai pas sa passion pour les peluches, j'y peux rien. Je peux tolérer le compromis si c'est des peluches de bêbêtes marines, j'imagine.

"Enlève-moi si tu veux, mais je vais pas passer toutes les années qui me restent sous des peluches. Et je vais pas non plus te laisser m'appeler Princesse Peluche."

C'est quand même ridicule, comme nom. Je suis sûre qu'elle a fait exprès de tenter, en espérant que je sois trop gentille pour dire non. M'est avis que si je lui offre une peluche à mon effigie, elle va me quitter pour passer le reste de sa mort avec elle plutôt. Bon, je garde quand même l'idée du cadeau, au moins elle sera heureuse. Et puis ça la fera penser à moi quand je suis pas là.

Je sors de mes rêveries. Elle vient un peu de m'insulter, avec son affaire de surnom. Pas question que ça passe, je me pare de grandeur et je déclame, avec dédain.

"D'ailleurs, je vais même plus daigner t'accorder mon attention jusqu'à ce que tu m'appelles "votre Majesté", ou "ma Reine Olympe"."

Associant le geste à la parole, je m'écarte, je lui tourne le dos pour bouder face à la forêt. Bon, c'est prêter le flanc à toutes sortes d'assauts, mais c'est une question de dignité.

Céleste s'offusque, s'indigne de mon refus, je lève la tête bien haute en réponse. Des peluches, sérieusement. C'est mignon quand elle en parle, c'est adorable quand elle les tient dans ses petites mains, mais j'ai mieux à faire. Je sais pas si elle surjoue sa propre colère, ou si l'insulte aux peluches est vraiment grave, c'est pas clair.

Je la sens m'assaillir de tous les côtés, ça me fait rire évidemment, je me contortionne pour échapper à son emprise. Comme quoi, derrière les facades dures se cachent toujours des brins d'enfance. J'ai pas la force de lui rendre l'attaque, et puis ça n'en finirait jamais, je m'admet vaincue. Par contre, elle aurait du le sentir venir, elle aurait jamais dû me tendre la perche en vrai, je peux pas me retenir...

"Ah, ça me dérangerait pas d'être reine à tes côtés. Mme Olympe Raine, hm?"

Ouais, bon, ça me va mal comme nom. On va plutôt tabler sur Céleste Kýros, si ça lui va. Sinon, tant pis. Peut-être que je me projette déjà trop loin, je sais pas trop si l'idée du mariage lui a déjà traversé l'esprit. C'est trop tôt, non? Ça doit l'être. Mais moi j'y pense, parce que je suis irrécupérable, c'est dit.

Pour le moment, j'aurais juste à prétendre que c'était une blague si elle relève, ça passe. C'est pratique, l'humour, ça permet de prendre la température sans se mouiller.

"Et au risque de te décevoir, c'est nullissime comme titre, "princesse peluche"."

Je persiste et signe, je lâcherai pas le morceau, pour rien au monde. Je ne suis pas, ni ne veux être, une PELUCHE. Quand même, j'ai une dignité.

Dans la très longue liste des sujets à ne pas aborder: son nom de famille. Ou plutôt en faire des jeux de mots, manifestement. Décidément, c'est pas simple d'aimer Céleste, y'a tout un tas de précautions à prendre. J'aurais aimé avoir la notice plus tôt. Au moins, elle a pas l'air de relever ce qui se cache sous la vanne. Ou alors elle fait semblant pour ne pas du tout avoir à en parler. J'aime mieux la première option.

Et je vois qu'elle a fait un choix, entre moi et ses lapins en tissu. Je peux pas dire que ça me fasse plaisir, sur le moment. Mais d'un autre côté, c'est tout un pan de sa vie, ses peluches, et j'y étais apparue trop récemment. Je sais pas pourquoi c'est si vital pour elle, ni pourquoi elle me pose l'ultimatum. Je l'aurais jamais interdite d'en avoir, enfin.

"Je refuse pas tes peluches, je veux juste pas être leur princesse."

Déjà, une princesse qui se balade avec une caisse à outil, ça fait mauvais genre. Et j'ai plus l'âge, non plus, faites-moi reine ou rien. Quand à la domination du monde, je la laisse organsier ça dans son coin. Quoique non, attendez, elle en serait vraiment capable, faut que j'intervienne.

"Et avant de dominer la planète, faudrait déjà commencer par cette colline. Tu pourras planter un drapeau sur la terrasse, si tu veux."

Qu'on se concentre, quand même. Je crois qu'elle se rend pas compte du travail que ça va demander.

Je sais pas comment elle fait pour être si enfantine et si mature à la fois, c'est déconcertant. Ça me regarde pas forcément pour l'instant, j'imagine. Je lui demanderai quand même un jour d'où lui vient son amour des peluches, ça doit avoir une explication profonde.

Et j'apprends à mes dépends n'être qu'une conquête, au moins c'est le sous-texte. Même qu'elle se paie ma tête, la gamine.

"Hé!"

Ouais, j'ai rien à répondre, et en plus ça m'a un peu amusée. J'ai pas son talent pour la répartie cinglante ou méchante, ça doit s'apprendre. Incapable de rétorquer quelque chose d'intelligent, je la fixe en défiance, hésite un instant à la saisir pour la soulever de terre et lui montrer qui devrait se faire petite.

Et puis l'envie passe, elle me fait éclater de rire. Je sais pas si elle grossit le trait ou si elle fait exprès, mais elle a ce don de sortir les phrases les plus imprévisibles et terre-à-terre du monde. Il me faut une dizaine de secondes pour retrouver un brin de souffle, lui répondre.

"Vraiment, Céleste, tu vas finir par tuer l'idée même de romantisme." C'est pas grave, je vais compenser, faire le travail pour deux. C'est que je fais déjà toujours, dans tout, sur tout. Reste que ma curiosité est piquée, je me rengorge, je joue avec elle. "Mais si tu veux être "comme moi", je t'en prie. Montre-moi comment je suis, alors."

Je risquais de faire comme elle, parce que ce serait aller trop contre ma nature bienveillante. On peut pas tous faire les mêmes efforts.

Oui, mais oui elle a tort, enfin. Je suis pas une sorte de lopin de terre qu'on conquérit en y posant un pied, j'ai quand même une dignité. J'ai envie de m'insurger, tiens, faudrait que je trouve le courage de lui répondre, de la contredire. Ça lui clouera le bec, ça, tiens.

Mais non, j'ai rien à rétorquer. Ça serait mentir, en fait, elle m'a charmée et je suis à sa merci, c'est la simple vérité. Je crois que toutes mes amies me disent que je m'attache trop facilement, tôt ou tard, ça doit être vrai. Maintenant que Céleste est dans ma vie, je peux plus la concevoir sans elle. Ce serait si plat, si vide de sens...

Le temps que je me perde dans mes pensées, elle m'amène au sol pour m'embrasser. C'est surprenant, il aura quand même fallu qu'elle m'imite pour que ça arrive, mais c'est franchement la bienvenue. Le reste, par contre, c'est vraiment que de la moquerie. Oh, si elle veut jouer, je veux jouer.

"Ah. Ton compliment aurait pu me faire plaisir, mais je suis Céleste, je peux rien ressentir la plupart du temps, désolée. D'ailleurs, je te met un 5/10 pour le bisou, peut mieux faire."

C'est presque une invitation à retenter, mais je détourne la tête pour faire semblant de consulter mon portable. Qu'elle ose pas me dire que c'est hors caractère.

"Et puis tu m'attires moins physiquement qu'une peluche apparemment, pas de chance."

Là j'exagère un peu, mais des fois ça y ressemble.