Il faut qu'on parle - [LEMON] [Céleste & Olympe]

"Mais non, reste."

Tout de suite, elle exagère, déforme mes propos. Elle fait exprès, en plus, je le sais, pour m'énerver. Ou causer toute sorte de réaction qui fera que je répéterai jamais ça. C'est pas sympa, mais en même temps, j'imagine qu'elle aime pas m'entendre me plaindre.

"Et j'ai pas dit ça..."

Non, je mérite quand même d'être heureuse, je donne assez de mon énergie pour ça. Et en plus je suis gentille, c'est quand même pas un secret. Et puis même, je le suis de manière générale, j'aime bien ma vie, encore plus depuis que Céleste est entrée dedans. Elle est malhonnête quand elle veut, l'abeille.

Mais bon, elle a peur d'avoir faim pendant les vacances. Je comprends pas trop où est le problème, elle aura juste à faire un aller-retour d'une heure, non? C'est quand même pas dur de mordre quelqu'un, si? J'y ai jamais vraiment pensé, faudrait que je me renseigne. Elle mérite une blague sur sa pauvre tête, quand même.

"Je te jure que si t'essaies de me mordre, je t'attacherai à un arbre toute la durée du séjour. Et si t'es sage, je viendrai te faire boire du thé le matin."

Je la sens capable du pire, la petite vampire. En plus mon sang doit pas être si mauvais, j'ai jamais goûté mais j'aime y croire.

Quoi, je donne vraiment l'impression de me lamenter sur mon sort en permanence? C'est ça qu'elle me dit? Je peux quand même pas dire que je me plains jamais, mais c'est pas non plus fréquent. Et que des gens me proposent de claquer des milliers d'ossements sur un de mes coups de tête, ça m'arrive pas tous les jours. Mais bon, c'est une preuve qu'elle se projette dans notre vie à deux, cette confiance, donc ça me fait plaisir. Elle mérite un bisou sur le front, je lui donne sans avertissement.

Et puisqu'elle s'indigne, c'est à mon tour de la taquiner. Suçeuse de sang, va.

"J'en sais rien moi, sur un coup de folie. Tu m'as dit être psychopathe y'a pas deux minutes, je me prépare."

Reste que je suis pas souvent gagnante à ce jeu-là, elle commence à flirtouiller encore, je prend des couleurs et perds mon calme. Elle est forte, elle est forte. Non pas que j'ai envie qu'elle me morde, franchement je me suis percée la peau assez de fois pour savoir par expérience que c'est jamais plaisant, mais elle fait la maline avec ses menottes. Oh, tu l'as cherché, à trop flirter on récolte ce qu'on sème.

"Qui a parlé de menottes?"

Je lui attrape les poignets, les tire à moi pour l'amener au sol. Désolée, ma grande, mais à tenir des perçeuses et des burins à longueur de journée, on développe un force suffisante pour éclater des noix entre nos doigts. Un jour je lui montrerais, parce que je suis pas peu fière.

"J'ai pas besoin de menottes pour te maîtriser, petite chose." Ma petite abeille, je joue un peu de ses mains, pas près de la relâcher. "Alors, qu'est-ce que tu vas faire pour te dégager, comment tu vas t'enfuir de là?"

Je la dévore du regard, relis pour la millième fois les traits de visage, m'amuse de son impuissance. J'imagine qu'au fond, elle pourrait me mettre un coup de genou, mais ç'aurait été la mort du romantisme. Je ne lui donne vraiment qu'une issue, j'imagine qu'elle peut le deviner toute seule.

Ah, apparemment c'est un sujet sensible, sa soif de sang. Elle se braque, me rappelle mon âge. C'est dur quand même, je me sens pas tellement vieille. Parce que le corps suit pas, probablement, mais elle a pas besoin de me le rappeler. Je comprends pas tellement ce qu'elle entend par m'enfermer, ça doit être une déformation professionnelle. Peut-être que ça les amuse de mettre des gens en cellule, je sais pas.

Reste que pour l'instant, c'est moi qui la retiens. En même temps, elle a pas l'air de se débattre, et pire encore: elle en demande. Elle me provoque, me moque, peut-être qu'elle obtient juste ce qu'elle désirait, au final. Mais j'aime répondre à ses attentes, j'aime servir après tout.

Je lui lâche les poignets pour lui saisir le visage, l'embrasse passionément sans prévenir. Elle me cherche, elle me trouve, je la laisse partir une fois satisfaite, me relève pour dépoussiérer ma chemise.

"Vous êtes libre pour cette fois, mais que je vous y reprenne pas."

J'ai essayé d'imiter sa voix, mais l'illusion est pas parfaite. Comme si j'allais rien faire, vraiment... Elle me connaît trop, sait tirer mes ficelles, sait où appuyer pour me faire réagir. Elle me fascine, vraiment, ma vampire.

Je contemple à nouveau le sol à mes pieds, tout ce qu'on pourrait y ériger. Rien qu'à concevoir dans mon esprit le chantier, j'ai hâte. Un peu trop.

"Dis, je crois que je vais vraiment m'y atteler dès demain. Quitte à commencer seule, ça me démange."

Elle va recommencer. Vraiment, c'est la première chose que je me dis, la première impression qui me vient. Et je sais, je sais à 100% que c'est vrai, c'est sûr en fait. Maintenant qu'elle a la combine, elle va me parler de menottes ou je sais pas quoi pour récolter son bisou à la demande. Je me suis encore faite avoir?

Et décidément, elle est partante pour claquer toute sa fortune, avec presque un entrain morbide. Peut-être qu'elle s'achète rien à part des peluches, et qu'elle commence à manquer de place. Tu m'étonnes qu'elle veuille m'aider à monter une retraite dans la montagne, ça va devenir un entrepôt à oursons et lapins de tissu.

"J'ai ce qu'il faut pour les fondations, t'en fais pas. Quand je voudrais installer une chaudière et un générateur, par contre..."

Allez, je tente un truc, je sais pas. Faut bien que j'essaie des choses, des fois.

"Faudra cracher les thunes, poupée."

Après ma démonstration de force de plus tôt, peut-être qu'elle me prendra un minimum au sérieux. Non, ça risque pas, en fait. Mais dans un sens, ça prouve que je suis gentille. Pas sûre que le mot poupée passe tout seul, faudra guetter sa réaction. Jusqu'à maintenant, chaton avait été toléré.

Ah non, ça lui plaît pas. Non mais j'aurais du le savoir, je me sens un peu conne quand même. Quelque chose me dit que si des spectateurs nous voyaient, ils se moqueraient de nous jusqu'à la fin des temps. Mais bon, y'a que nous deux, hein.

Je pouffe quand elle me parle de son coeur, quand même, c'est plus fort que moi. Il faut ça sorte, même si elle va pas aimer non plus, l'occasion est trop belle pour que je la laisse passer.

"Oui, bon. Que ce soit ta fortune supposée ou ton coeur, l'existence des deux reste à prouver."

Et je maintiens, y'a même un fond de vérité derrière la vanne. J'y peux quand même rien si elle présente autant d'émotion qu'un portrait austère. Quoique je suis parvenue à la faire sourire, quelques fois, mais c'est loin de prouver qu'elle a quoi qui ce soit qui puisse se rapprocher d'un coeur. Ça m'étonnerait même pas qu'elle aie un piston en acier à la place.

"Pis je trouverai plus d'utilité à tes ossements, je crois."

Je me prépare à l'impact, quand même, parce que je sens que mon affront va pas rester impuni. Elle m'aura taquinée assez de fois pour que je lui rende, c'est de bonne guerre.