Il faut qu'on parle - [LEMON] [Céleste & Olympe]

Je sais que c'est une blague (et quel humour...), mais je me figure pas vraiment la menacer avec une lame. Déjà parce qu'elle parviendrait à la retourner contre moi en trois gestes, ensuite parce que c'est juste pas dans mes manières, enfin parce que POURQUOI JE LE FERAIS. J'imagine que ça doit être son kink, qu'elle essaie de me le faire avaler subtilement. Ça reste haut delà de mes forces, je préfère pas me lancer dans ce genre de délires.

Reste qu'elle me parle de quelqu'un d'autre, je me demande qui avant de comprendre que c'est hypothéthique. Et ça m'amuse un peu, je dois me moquer.

"Ooooh, ma choupie. T'as peur qu'une vilaine tentatrice de la ville m'arrache à tes tendres bras?"

C'est elle que j'aime, aucun doute là dessus, et je comptais pas trahir sa confiance. On se l'était pas vraiment dit ni l'on avait pris le temps de le clarifier, mais je crois qu'on était toutes les deux dans l'optique d'une relation très exclusive. Et ça me va, j'en joue, je titille sa patience.

"Si tu savais le nombre de dames qui me courent après, t'en perdrais la tête."

Je soupire théâtralement, c'est absurdement faux, tellement que c'en est évident. Ou alors je suis juste aveugle aux avances que me feraient certaines, je sais pas. Mais dans tous les cas, j'espère juste observer une réaction. Par contre, peut-être que je sous-estime très grandement ce que ce sera...

Décidément, j'ai visé juste. En moins d'un instant, elle s'embrase, elle prend de la couleur. Au début, c'était drôle, je croyais qu'elle allait bouder et geindre, ou marmonner pour se plaindre. Mais non, elle s'énerve, demande des comptes.

J'imagine que mes amies m'auraient mise en garde, m'auraient conseillé de m'éloigner. Oui, oui, elles m'auraient toutes répété que c'était inquiétant. Mais moi, ça me touche. C'est la preuve d'amour que j'attends toujours, l'expression de sa passion pour moi et moi seule. Elle me veut rien que pour elle, me considère, sait que j'existe dans son monde. Tout les autres m'oublient, me voient apparaître et disparaître, des outils à la main. Au fond, personne ne s'est jamais tant intéressée à moi. Sauf elle.

Reste que je dois recoller les pots cassés, elle est remontée et c'est pas prêt de descendre.

"C'était une blague, chaton. Avant toi, j'étais pas célibataire par choix, hein."

Je sais pas si elle va entendre raison, si elle en est seulement capable dans son état. Je serai patiente, de toute façon, je le suis toujours.

"T'inquiète pas, j'intéresse personne. J'ai à peine quelques amies, en plus tu dois déjà les connaître."

Pas toutes, pas forcément, surtout que je sous-estime volontairement leur nombre. C'était le plus sage à faire, dans le contexte. Enfin, je crois.

Elle fait exprès de mal comprendre ce que je dis, j'en suis certaine, ou alors elle entend que ce qu'elle veut entendre. Je suis pas la plus habile avec les mots, je sais, mais faudrait qu'elle fasse un effort aussi. Et j'aime pas la voir comme ça, toute rebiffée, à se plaindre. C'est son penchant naturel, j'imagine, toujours penser au pire.

"Mais non, c'est pas ce que je voulais dire..."

Et pourtant ce que j'avais dit, dans un sens. Je comprends pas sa colère soudaine, elle réagit trop vite et trop viscéralement, ça m'étonne d'elle. Je l'avais toujours vue froide, distante, très détachée. En contrôle. C'est une toute nouvelle Céleste qui s'agite sous mes yeux, celle qui ne sait plus se retenir, qui m'inquiète un peu. Mais qui m'aime, tellement fort.

Je me rapproche, j'ose pas lui prendre les mains, j'ose pas l'enlacer non plus, je sais pas ce qu'elle attend de moi.

"Et je vais pas te quitter, enfin. Jamais. Je voulais même qu'on y passe du temps ensemble."

Ça ma vexe qu'elle pense ça de moi, qu'elle m'accorde si peu de confiance. J'ai l'impression qu'elle ne prend pas au sérieux mes sentiments, la manière dont je les exprime, l'attention que je lui porte. Est-ce qu'elle se rend compte, au moins, de tout ce que j'essaie de faire pour elle. Rien que pour elle.

"Je t'aime, Céleste. Je t'aime, d'accord?"

Et je reste figée, incertaine et perdue. J'ai peur qu'elle parte, loin, avance pour me laisser derrière. Ce serait pas la première fois qu'on m'abandonne, qu'on me brise le coeur, mais certainement la première fois que ça soit par ma faute. Ça m'apprendra, à faire des blagues. Je serre les mains, les frotte méchaniquement, mal à l'aise. Je veux pas la perdre, je pourrais tout faire pour la retenir juste un instant.

Au final, au bout du bout, je le vois. Dans sa voix tremblante, sa demande d'amour, sa peau qui cherche la mienne comme un réconfort. Je passe mes bras dans son dos, accepte ses angoisses, pose ma tête contre la sienne. Céleste est complexe, rude, mais une bonne personne au fond. Je suis juste la seule à l'avoir senti.

"Je t'aime plus que tout. Plus que tout le reste."

Plus que moi-même, j'oserais jamais le lui avouer. Elle me le reprocherait, rationnaliserait trop, je commence à la connaître.

"Et je veux pas mieux ou pire, je te veux toi."

Ça non plus, elle voudra jamais l'entendre, je crois. Mais c'est le problème des pragmatistes, à toujours refuser d'entendre des choses simples parce que "c'est pas logique". Comme si les affaires humaines, pire encore les affaires de coeur, répondaient à quelconque forme de logique. Je peux pas tellement la blâmer, je me pose trop de questions aussi, seulement c'en est d'autres.

Il me semble qu'elle essaie de m'étouffer, ou alors de causer des dégâts à ma colonne vertébrale, mais je supporte tout. C'est que de l'amour, comme on dit. Je pourrai jamais lui reprocher de trop m'aimer, hein?

"Pas la peine de m'enlever, t'as déjà volé mon coeur."

Oui, oui, allez-y, moquez-vous, j'assume. J'espère un peu que ça va la faire rire, quand même. La situation devient trop sérieuse, trop pesante, ne me reste que l'humour pour fuir l'angoisse.

Je sens que je l'apaise, mon toucher ou mon verbe la calment, elle revient à la raison. Rien d'étonnant, elle qui pense toujours avant de ressentir, elle pourra pas supporter de se laisser emporter plus d'une minute. C'est quand même rassurant de la voir redevenir... elle, inexpressive, réfléchie. Au moins, je suis en terrain connu.

Elle me reprend sur la poésie, ça me fait rire, je savais rien qu'en le disant qu'elle allait souligner à quel point je suis risible. Tant pis, elle m'aime comme ça, je changerai probablement pas de sitôt. J'ai passé l'âge, de vouloir changer...

Et je découvre que la petite curieuse n'a pas pu s'empêcher d'écouter mon propre coeur battre. Bon, si j'étais pragmatique comme elle, je dirais que c'est un réflexe naturel humain et bla bla, mais puisque je suis bête comme moi, je lui souffle:

"Ouais, ça me fait ça quand t'es là."

Je veux pas lui laisser le temps de répondre à ça, elle va encore se moquer. Mes deux mains viennent saisir son crâne, je lui vole un baiser pour sceller ses lèvres et taire ses reproches. J'y met quand même des efforts, une part de la fougue qui m'anime, un soupçon de trop. Comme si j'allais la dévorer sur place, la plaquer au sol et lui montrer l'animal dormant sous le civilisé.

Mais ce n'est qu'une promesse en l'air, je me défile et recule, rictus au visage et reposant mes doigts sur ses épaules.

"Ça t'ira comme preuve d'amour, ça?"

L'endroit ni l'heure n'étaient des plus propices, mais s'il lui fallait plus, je connaissais un hôtel très cozy, en ville... Il suffisait d'un mot, d'une requête, d'un aveu.