[coloc BROSSARD] le lion n'est pas mort ce soir

La chambre a toujours été un refuge, une caverne d’ali-baba où les objets s’entassent, où les babioles d’une autre époque sont exposées, quand elles ne trouvent pas leur place au café. Raisons multiples de les garder ici plutôt que sur son lieu de travail. Et raisons supplémentaires depuis qu’une lâche personne s’est emparée d’une de ses décorations. Même plusieurs semaines après, le souvenir de ce vol n’a pas quitté sa mémoire, et a réveillé les rares sentiments de colère toujours présents au fond de lui.

Et c’est principalement pour cela qu’il se promène dans les appartements en ce moment. Retour régulier passé sous silence, les échanges avec les colocataires restent succincts : parler avec des inconnus n’est pas son fort, quand il n’a pas de café, thé ou petits gâteaux à leur offrir. Il n’est qu’une présence supplémentaire à l’étage. Les mains toujours remplis de manuscrits, feuilles raturées de centaines de lignes. Des livres recopiés pour la plupart, occupant la majorité de ses journées. Trésors protégés, et il n’attend pas la compréhension des autres âmes pour cette passion, dévorante depuis son arrivée.

Mais même lui finit par devoir communiquer.
En cette journée semblable à toutes les autres.
Il jette son coup d’oeil habituel aux lions empaillés, ne leur accorde qu’une attention minime avant de s’enfermer dans sa forteresse.
Et ne ressort qu’une ou deux heures plus tard, adressant un geste de la tête aux personnes présentes (seule politesse que son esprit l’oblige à tenir), manquant de faire tomber les lunettes portées sur le haut de son crâne (purement esthétique).

Prêt à partir, comme le fantôme qu’il a toujours été, il repasse devant les lions. Habitude qui le fait s’arrêter, aux traces de pattes qui se dessinent dans la poussière. Et les dites pattes qui ne sont plus du tout au même endroit.

« Quelqu’un a-t-il bougé le lion ? »

Parce que n’importe qui avait la force de bouger un lion empaillé.
Non,
Ce n’est pas le bon sens qui l’étouffe en cette magnifique journée.

Ishtar était nonchalamment allongé sur le canapé en train de lire tandis que les cohabitants de l'appartement s'affairaient à leurs activités, se contentant de leur adresser un faible sourire en guise de salutation lorsqu'il croisait leurs regards.

Kayden fit une remarque qu'il hésita à prendre au sérieux - personne ne lui paraissait assez excentrique pour s'amuser à déplacer cet hideux lion empaillé quand personne ne faisait attention, mais iel savait que l'autre vampire n'était pas du genre à s'alarmer pour rien. Il y jeta un coup d'œil distrait et conclut simplement qu'il détestait toujours autant la vue de cette créature poussiéreuse avant de retourner à sa lecture. Si cela ne tenait qu'à lui, cela ferait longtemps que l'animal serait passé par le fenêtre.

C'est alors que le lion, celui à côté de qui ils passaient nonchalamment depuis des années, avait pris vie : Ishtar se redressa et posa la main sur son couteau par réflexe
- comme si c'était ça qui allait lui permettre de terrasser un prédateur de 200 kilos. Peut-être que si le fauve dévorait Koa en premier, il n'aurait plus faim pour le reste des colocataires. Iel hésita à jeter son couteau de là où il était, mais ne voulait pas gérer les conséquences d'un lancer raté sur son colocataire lémure imprudent.

Qu'est-ce que tu fabriques encore à côté de lui ? Lança-t-il au jeune lémure. Tu vas le caresser, tant que tu y es ?

Si excité au pas de la porte : c'est le signal. Bon, ça prendra max quinze minutes, il peut bien leur mettre une playlist qu'iels bouderont pas d'attendre. Rapide salut avant de mettre en pause son stream. Bondissant de sa chaise, il sort la laisse.

« Y veut faire quoi, Chuchu ? Un ptit pipi. Oh non, un gros pipi ! Ein, l'heure du pipi, pépère. »

Les laisses et les toutous de sortie, les colocs le sont aussi apparemment. Si Phineas reste très prévenant pour ses chiens, il regrette instantanément que son shiba réclame la sortie deux minutes trop tard alors qu'il n'y avait sans doute beaucoup moins d'animation. Au pire, il a qu'à tracer parce que l'adolescent est si malpoli qu'il ne leur dirait pas bonjour. Il a bien d'autre chose à faire que s'allonger sur le sol et se réunir autour du lion empaillé. Il ne suit rien de la conversation, le casque sur les oreilles pour faire genre qu'il n'entend rien. Et pourtant, il entend quand même la remarque jetée par Alberto ; pour une fois il lui donne raison : c'est carrément colonialiste.

Mais bon, pas le temps d'enfoncer des portes ouvertes, il veut juste prendre la porte. Excepté que le plus agité des deux animaux n'est pas de cet avis. Alors qu'on s'apprêtait à lui enfiler le harnais, il se sauve. La conversation autour du lion a l'air de lui plaire.

Plus enjoué mais tout aussi malpoli que son maître, il bondit par-dessus le canapé, écrasant le ventre d'Huia allongée et bousculant Kayden par la suite. Au passage, Phineas le gronde tout de même. Puis, Chūken finit par arriver entre le lion et Koa. Au même moment que la fusée ne se fonde sur le blond, Ishtar semble menaçant, un couteau presqu'à sa disposition.

« Wow tu te calmes, le suceur de sang. C'est qu'un chien. Tu le touches, je te- »

Les manches remontées, son corgi tout tremblant sans aucune raison, Phineas se prépare au pire jusqu'à entendre son chien grogner au museau du lion, qui lui-même, commence à grogner pour finalement rugir à pleine puissance dans tout l'appartement. Le chien terrorisé, il s'en va s'enfuir aux pieds de la personne la plus proche de lui. Furieux qu'on ait perturbé son repos, le lion se décide à bondir sur un des colocataires inoffensifs.