description physique
D’aussi loin qu’il se souvienne, Sabri a toujours eu un physique atypique. La vie après la mort fut un peu plus clémente avec lui mais de son vivant, ce n’était pas loin du calvaire. Symbole protecteur pour certains, manifestation du malin pour d’autres, ce sont de loin ses yeux bleus qui lui ont posé le plus de problèmes dans sa vie. Pourtant, ils n’ont pas le bleu de la mer ou celui du ciel : c’est un bleu gris profond et délavé, que l’on pourrait manquer si l’on ne regarde pas d’assez près. Et Sabri ne passait pas inaperçu ; tout juste sorti de l’adolescence alors que la vie ne l’avait pas encore travaillé au corps, il mesurait déjà un mètre soixante-dix-huit, collant presque une tête à ses camarades. Il s’estimait heureux : il aurait pu naître avec les cheveux roux de son père ou pire, des taches de rousseur. À la place, la génétique lui offrit plutôt les cheveux noirs de jais et lisses que sa mère portait et sa mère avant elle. D’aussi loin qu’il se souvienne et encore aujourd’hui après moins de quatre-cents ans à fouler les couloirs de l’existence, Sabri a toujours porté ces derniers courts, et pas vraiment coiffés. Il a déjà essayé de les laisser pousser un peu plus longs que d’accoutumée mais ce fut un cuisant échec : Sabri a le crâne recouvert d’épis qui n’en font qu’à leur tête et deux d’entre eux donnent parfois l’impression qu’il a des oreilles de chat. Alors il passe ses doigts entre les mèches pour essayer d’y mettre un peu d’ordre et dix minutes plus tard… c’est comme s’il n’y avait pas touché. C'est dans les coups des vingt ans que sa chevelure sombre s'est parsemée de cheveux blancs jusqu'à presque former des mèches. Sa mère lui disait que c'était de famille, que lui avait eu de la chance quelque-part parce qu'elle avait connu ses premiers cheveux blancs à l'âge de seize ans. Sabri apprendra plus tard dans le monde des morts, alors qu'on n'arrête plus le progrès, que cela s'appelle une canitie précoce.
Quand il fut venu sa puberté, on l’envoya s’entraîner dans les camps pour devenir un futur soldat porteur des prestigieux intérêts de l’armée ottomane. L’activité physique marqua son apparence au fer rouge et la dota d’une carrure massive : des épaules larges, des bras lourds et des jambes épaisses qui flattaient sa silhouette déjà impressionnante au milieu de la foule albanaise. Depuis son arrivée dans le monde des morts ceci dit, il n’a pas retrouvé de bonne raison de s’entretenir si ce n’est la pratique d’un peu de boxe anglais de temps à autres. Il suffit de faire tomber la chemise pour voir la petite brioche qui s’est installé sur son ventre, les petites poignées d’amour qui dépassent de la chemise ou les pectoraux qui ne sont plus aussi fermes qu’ils l’étaient de son vivant. Incapable de se faire pousser une barbe, mêmes les efforts les plus poussés, l’huile de ricin, l’eau de romarin ou même la levure de bière ne donnent à Sabri qu’une pauvre barbe de trois jours clairsemée, et ce au bout de deux mois. En revanche, sa pilosité est davantage prononcée sur son torse, son dos et ses avant-bras. Il ne trouve pas ça esthétique mais s’en fiche et a la flemme de s’encombrer de potions pour pallier le problème qui n’en est même pas un. Sabri arbore également son lot de cicatrices, certaines qu’il a acquises de son vivant et d’autres dans la mort. La plus remarquable est celle en-dessous de son œil droit.
Légèrement cachées par ses cheveux, mais pas trop non plus, Sabri a les oreilles décollées. Il a longtemps été complexé par ce fait mais a appris à n’en avoir rien à faire. Les remarques à ce sujet le piquent un peu plus qu’il ne veut bien l’admettre, mais il fait avec.
Sabri donne un tant soit peu d’importance à sa garde-robe car il se doit d’être présentable dans son métier, mais autrement… il s’en fiche. Il n’a pas beaucoup de vêtements mais il met un point d’honneur à ce qu’ils soient toujours soigneusement repassés et à raison : chemises, pantalons de costume, cravates et veston sont les pièces maitresses de quasiment chacune de ses tenues lorsqu’il est en service. Autrement, il n’est qu’un homme : il enfile un jogging et va faire ses courses, comme tout le monde. Le tout se fait toujours dans des nuances de noir, ou éventuellement de gris et, s’il se sent fou pour la soirée, une couleur sombre et saturée.
Réfléchi
Enfant gâché, enfant bâtard, enfant désavoué, Sabri a toujours regardé le monde à travers un plafond de verre qui lui était interdit de franchir. Il n’est pas bien bavard, se donne des airs benêts parce qu’il préfère qu’on le sous-estime plutôt que l’inverse. Les apparences sont trompeuses : Sabri est un garçon dont les méninges ne s’arrête jamais. Il pense et mesure la plupart de ses faits et gestes et fait tout aussi attention à ce qu’on ne le croit pas aussi intelligent qu’il l’est vraiment. Quand on se fait marcher dessus, on apprend à avoir une longueur d’avance.
Impatient
Et c’est ce qui le sépare d’un vicieux calculateur. Sabri observe, examine, raisonne et agit. Parfois, il oublie une étape mais c’est parce qu’il ne supporte pas quand la musique ne va pas à son rythme. Il sait ralentir la cadence, mais seulement s’il a les rennes. Subir la lenteur des gens autour de lui a tendance à lui mettre les nerfs. Sabri s’impatiente, arrache le tournevis des mains et monte cette étagère à la con. C’est désagréable ? Il s’excusera plus tard.
Débrouillard
Son impatience, c’est aussi une question d’égo. Quand on a passé sa vie seul contre le monde, on apprend à se débrouiller. Sabri est capable et plus que ça, il le sait alors il n’hésite pas à le montrer. À chaque problème sa solution, parfaite ou imparfaite, Sabri n’est pas particulièrement appréciateur du travail bien fait, il est appréciateur de son travail à lui, car il en connait la valeur et qu’il trouve un certain confort dans ce qu’il gagne, fabrique, ou détruit de ses propres mains.
Orgueilleux
Mais surtout parce que Sabri ne demande pas d’aide. Qu’il se trompe s’il doit se tromper : c’est comme ça qu’on apprend. Il préfère échouer, recommencer, s’entêter plutôt qu’on l’épaule. Et c’est parce qu’il se fait confiance : il est persuadé d’avoir plus souvent raison que tort parce qu’il prend le temps de penser les choses. Il ne lui viendrait pas à l’esprit d’avancer quelque-chose dont il n’est pas sérieusement convaincu. Sabri estime que la plupart des gens ne prennent même pas la peine de réfléchir avant d’ouvrir leur bouche, alors pourquoi lui, qui effectue cet effort de bonne grâce, devrait-il se remettre en question ? Néanmoins, il sait redescendre pour s’excuser. Ce n’est pas toujours fait dans les règles de l’art, souvent à demi-mot ou même silencieusement, à sa manière.
Charismatique
Sabri respire l’assurance. Il est bien dans son corps et bien dans sa tête, ou en tout cas, autant qu’on peut l’être. Il est loin d’être dénué de conflits internes, mais il ne laisse pas ces choses-là, qu’ils jugent être des détails, transparaître dans son quotidien. Il estime qu’il doit bien présenter, inspirer la confiance aux autres, s’il veut pouvoir avancer dans la vie… enfin, dans la mort, plutôt. Alors il essaye de soigner son attitude.
Taciturne
Le charisme qu’on lui impute n’est pas celui d’un leader qui se fait entendre ou d’un grand orateur. En réalité, Sabri est davantage une force tranquille qu’on ne remarque pas tout de suite mais qui impressionne aux premiers abords. On se demande comment l’approcher, comment engager la conversation et si ce n’est pas dans un contexte professionnel ou qui le nécessite, Sabri ne fait pas forcément l’effort d’aller vers l’autre. Il reste dans son coin, ne parle que très peu et préfère se faire discret pour rester spectateur, encore plus s’il est extérieur à une situation. Il ne s’y greffera que s’il en a besoin, et préférera s’y atteler sans faire de vague, de sorte à ce qu’on le laisse en paix et à ce qu’on ne le dérange pas.