[coloc BROSSARD] le lion n'est pas mort ce soir

C’est qu’il y a des jours où tu as juste envie de dormir Eulalie et aujourd’hui en fait partie tu es rentrée plus tôt des ruches petite mine et tu t’es jetée sous les draps pour te noyer dans les bras de Morphée lors d’une sieste fort méritée enfin voilà ça c’était le plan mais évidemment Eulalie ici ça ne se passe jamais comme prévu c’est que je ne sais pas ce qu’ils trafiquent dans cette colocation mais ils en font du bruit depuis tout à l’heure tu te tournes et te retournes dans ton lit puis tu pousses un grognement les yeux rivés sur le plafond non c’est pas possible ils vont jamais s’arrêter ?

Tu hésites tu n’as pas envie de les affronter pas maintenant pas aujourd’hui mais voilà tu n’en as bientôt plus le choix ça te picore le bout des doigts tu le sens dans tes phalanges ça t’agace ah ça oui tu t’assoies au bord du matelas le soupir las tu jettes un coup d’oeil à l’état de tes avant-bras oui tout va bien la potion est toujours en effet sale habitude que tu as prise pour la surveiller cette malédiction qui t’effraie bon un pied après l’autre tu te lèves et tu avances jusqu’à ta porte main sur la poignée tu as un léger temps en suspens

est-ce que c’est une bonne idée ?

Je ne sais pas mais c’est la seule que tu as alors tu ouvres dans un grand fracas les sourcils froncés une main dans tes longs cheveux en bataille tu bailles avant de lancer dans un torrent de mots piquants :

— C’est pas bientôt fini ce bou-...

Il y a barrage dans ton flot tu écarquilles les yeux devant la respiration du lion qui gronde il n’était pas là avant pas vrai oh ciel il bouge tu le vois qui s’étire dans un ronronnement qui ferait presque trembler les murs tu portes ta main gauche à ta bouche pour réprimer une mimique de stupéfaction tu penches légèrement la tête le sourcil arqué tu termines ta phrase :

— … -can ?

Un lion un vrai lion bon d’accord il y a toujours eu des lions mais cette fois-ci celui-ci est bien vivant c’est pas vrai ils ont ramené un lion Eulalie regarde ; tu regardes et en effet le lion est bien vivant il trône à côté d’un Ethan blessé et connaissant Ethan celui-ci l’a sûrement bien cherché tu ne peux réprimer le sourire satisfait qui se dessine sur ton visage alors ça c’est parfait tu te dis même

que c’est bien fait

tu croises les bras contre la poitrine et tu t’adosses au mur juste à côté de la porte de ta chambre c’est vrai tu n’es pas à plaindre tu aurais pu te retrouver nez à nez avec le fauve un peu comme Vela qui vient de rentrer et qui l'assomme d’un coup de violon tu l’écoutes et tu acquiesces avec un petit rire nerveux finir en charpie tu te dis que c’est comique après tout tu ne le crains pas c’est déjà ton cas

tu te décides finalement à ouvrir la bouche mais peut-être aurais-tu dû t’abstenir sur ce coup je peux difficilement te défendre Eulalie tu sais ?

— Bah quoi ? Me dites pas que vous flippez à cause d’un pauvre lion ?

Toi tu flippes un peu mais tu ne le montres pas tu as l’habitude de l’artifice et surtout l’envie de leur brûler les ailes ça leur fera les pieds tiens ; c’est pas la grosse bête qui va manger la petite, pas vrai ?

Tu entends Phineas qui parle de balancer du poulet et tu trouves l’idée stupide c’est-à-dire que tu as juste envie d’être corrosive en vérité tu le fixes un instant tu pourrais attraper ses restes et les jeter oui tu le pourrais mais tu ne le fais pas à la place tu siffles :

— Et pourquoi tu lui balances pas toi-même, d’abord ?

Tes yeux roulent. Cette journée est interminable.