Soirée à la coule - [Céleste & Olympe]

Bon, Céleste est un peu mélodramatique, parce que se noyer dans cinquante centimètres d'eau, faut un peu le vouloir. Mais elle comprend, elle entend que Céleste a cette peur immense. Et puis, c'est pas le sujet, là, y'a plus important quand même.

Une sorte d'aveu, qu'elle n'a pas du faire à tellement de monde. Surtout qu'elle est encore jeune (c'est relatif, chut). Au fond, elle ressemble surtout à une adolescente qui fait sa première grosse bêtise, qui fait enfin face à une responsabilité pesante. Face à cette explosion de franchise coupable, un seul réflexe: Olympe la prend dans ses bras, comme pour réconforter un chaton qu'on aurait involontairmeent heurté. Elle ronronne pas, par contre, c'est dommage. Puis bon, c'est un peu gênant, alors elle la libère assez vite.

Difficile de trouver les mots dans ces cas-là, mais bon, elle fera au moins. Comme d'habitude.

"C'est pas grave de mentir, faut juste choisir à qui on ment." Comprenez ici, "pas moi". Et normalement, pas à ses amis, mais Olympe n'en est même pas à espérer ça. Et puis bon, elle était déjà là pour l'aider dans un sens, elle fait juste des heures supplémentaire, alors elle ajoute: "Tu peux me faire confiance, tu sais. Si t'as besoin de parler, je suis toujours là."

Voilà, elle s'engageait encore auprès de trop de gens, accordait encore son attention à ceux qui se jouaient d'elle, se perdrait encore de par sa bonté. Une histoire sans fin, vraiment, une incapacite à simplement accepter qu'elle perd son temps, son énergie, à se sacrifier pour les autres. Même ceux qui ne le mériteraient pas.

"Par contre, il faudra jouer franc-jeu avec moi, à partir de maintenant. Et m'acheter une glace pour te faire pardonner."

Et malgré toute la sympathie du monde coincée dans ce petit corps, c'était non négociable.

"Allez, je te laisse y réflechir un peu, je retourne faire quelques longueurs. Ça caille, hors de l'eau."

Elle savait laisser le temps à l'autre, le laisser digérer les paroles les plus dures, ou les plus douces. Une maturité qui venait avec l'âge, certainement.

Céleste le dit, le verbalise, elle prétend placer foi en Olympe, mais est-ce qu'elle le pense vraiment? Aussi magnanime soit-elle, la grecque a du mal à le croire. La vampire est un de ces cas qu'il ne peut que s'aider lui-même, la chimère ne peut même pas encore le comprendre, tentera de la tirer vers la lumière. En vain, peut-être, peut-être pas. Elle a gagné une glace dans tous les cas, alors ça valait le coup.

Quelques deux-cents mètre à se glisser entre les flots plus tard, la pieuvre émerge. La tête seulement, par contre. Maintenant qu'elle est à l'aise dans l'eau, plus question d'en sortir. Et puis, c'était un coup à tomber malade, toutes ces variations de température. Croyez bien que si Olympe pouvait dormir en milieu aqueux, plus personne ne la verrait jamais sur la terre ferme.

Elles étaient quand même venue pour tenter de vaincre sa phobie des eaux et des surfaces, après tout.

"Tu sais, un premier pas ce serait d'avancer vers le rebord. Toute seule, cette fois-ci."

Un rappel un peu mesquin, certes, mais Céleste avait effectivement été à quelques centimètres de la piscine il y a quelques instants. Et rien ne lui été arrivé. Parce que notre adorable petite chimère est très friande d'humour horriblement déplacé ou maladroit, elle ajoute quand même malgré la voix de la raison:

"Enfin, si c'est trop dur je vais m'en occuper à nouveau, hein. Attention..."

Et elle disparaît vers des profondeurs insondables.

Bon, Céleste se rebelle un peu devant l'espièglerie de la grecque, mais franchement, elle aurait du attendre. Quand Olympe émerge à nouveau à l'autre bout du plan d'eau, un détail à changé. La vampire a une bouée. Une bouée jaune. Toute ronde. Comme une enfant.

Elle ne PEUT PAS s'empêcher de rire, c'est trop, c'est bien trop. Elle sait que c'est mal, c'est vraiment bas, mais franchement, c'est si irresistible. À toujours jouer cette personne froide et distante, désinteressée, Céleste avait creusé sa propre tombe.

Quand elle parvient à reprendre son souffle, c'est pas tellement mieux, elle tente de caser quelques paroles, la voix encore coupée par les accès de rire:

"Mais non, mais non, j'oserais jamais me moquer. Tu es magnifique."

Il lui faut encore trente bonnes secondes pour retrouver son calme, et culpabiliser un peu de s'être franchement, vraiment moquée, mais bon. C'est fait, c'est fait. Et puis une bouée jaune, pitié, elle tendait le bâton pour se faire battre.

Une fois le calme revenu (pour de bon), elle continue de la guider, de la rassurer.

"Au moins, tu risques rien avec ça." Si on lui demandait vraiment le fond de sa pensée, Olympe dirait que Céleste ne risquait déjà absolument rien parce qu'elle était là pour la repêcher dans tous les cas. Mais bon, la bouée était apparemment plus rassurante qu'une amie? Plus elle y pensait, plus elle se vexait. "Tu penses pouvoir tremper un pied dans l'eau?"

Petit pas par petit pas...

C'est sûr que se vanter d'être une parfaite incarnation de la beauté sur terre avec une bouée autour de la taille, c'est quand même extrêmement comique, mais croyez-le ou non, Olympe se retient de pouffer. Difficilement, quand même, mais parce qu'elle reconnait peut-être un fond de vérité dans les protestations de la vampire.

"D'habitude, c'est moi qui éblouit les gens, ça me changera."

Pas par sa beauté, cependant. Ou alors à son insu, parce qu'elle est extrêmement sourde aux signeaux d'interêts.

Elle guette du coin de l'oeil la progression de sa camarade, tout en traversant le bassin dans tous les sens, à jouer de sa liberté tri-dimensionnelle, à se moquer de la gravité. C'est presque si elle aurait pu applaudir alors que Céleste rentre enfin en contact avec son démon, mais c'était un premier pas minuscule. Il fallait saluer l'accomplissement vrai, la fin.

"La flotte va pas te sauter dessus, tu sais."

Ça tenait de l'évidence, mais le rappeler d'une voix calme et confiante, ça aide toujours. Ou alors ça l'énervera un peu parce qu'elle est sur les nerfs, tant pis. De toute manière, la chimère est pleinement hors de portée.

"Il y a quelque chose comme un mètre d'eau, au point le moins profond. Si tu peux au moins te tenir debout dans l'eau, je serais fière de toi."

Bon, elle n'avait jamais vraiment été pédagogue, alors elle tentait un peu d'entraîner Céleste comme elle avait vu qu'on motivait des enfants, mais ça se sentait. Pour l'heure, elle la laissait faire son bonhomme de chemin, lui donnait le temps qu'il fallait.

Que Céleste proposer de retirer la bouée, c'était pas rien non plus. Olympe en venait quand même à questionner la nature exacte de la proposition, ou plutôt pourquoi elle était énoncée, mais c'était pas clair. Ayant ruminé quelques secondes sur le sujet, elle se disait surtout que la vampire avait répondu ça au hasard pour se donner une contenance. La chimère doutait de sa capacité à retirer la bouée une fois les genoux dans la maudite eau. Elle continue à jouer avec ses craintes, par contre.

"Méfie-toi, il y a une chimère dans cette mer, on est dangereuses..."

Comme pour concrétiser la menace, elle s'immergeait pleinement, et traversait les flots à une vitesse inquiétante pour la rejoindre, puis reprenait de la distance tout aussi rapidement, avec une grâce certaine. Elle se mouvait comme dansant sans rythme, ses gestes et silhouette formant des sigles hypnotiques dans les reflets à la surface.

Avouons que l'idée de saisir Céleste aux pieds et tirer gentiment lui a effleuré l'esprit, mais elle est parvenue à se retenir. Ç'aurait été bête de devoir tout reprendre à zéro sur le discours de la confiance, de l'amitié, tout ça. Pour l'heure, elle rôde, elle guette, suit la progression laborieuse mais certaine de sa comparse.