Soirée à la coule - [Céleste & Olympe]

Quand le vie lui joue des tours, quand tout semble s'effondrer et que les nuits se font de plus en plus longues, il ne reste à Olympe qu'un refuge: la piscine.

C'est son deuxième foyer, une retraite en somme, un sanctuaire au calme où se vider l'esprit pour y voir plus clair. Le tout est d'y aller quand personne ne s'y trouve, mais après les nombreuses années, notre héroïne sait ce qu'elle fait, en connaît tous les petits secrets. Et puis, la vue d'une chimère solitaire dans un plan d'eau au milieu de la nuit est une vision qui suffit à terrifier une belle partie de la gent masculine, accordant une certaine certitude de tranquilié.

Reste qu'aujourd'hui, elle ne devait pas être seule. En théorie, parce que rien n'assurait que sa comparse allait vraiment venir. Du peu qu'elle en avait compris, elle voulait vaincre sa thalassophobie pour éviter qu'un pirate ne puisse s'en moquer ou en profiter. Une affaire sans queue ni tête, mais Olympe n'est pas du genre à juger. Elles s'étaient recontrées dans une sorte de repère à chimère déguisé en bar à thé, les regards froids et un peu hostiles filtrant directement les entrées.

Mais quand Céleste apparaît enfin, ou plutôt quand la grecque sort enfin la tête de l'eau, braquant son regard sur sa silhouette grâcile, quelque chose cloche. Il manque quelque chose.

"Bonsoir..."

La salutation est un peu incertaine, prudente. Non vraiment, le sujet doit être abordé, mais notre protagoniste est presque aussi gênée que doit l'être la vampire. Elle prend quand même le temps de se hisser hors des flots pour s'asseoir sur la bordure.

"Ça va? Il te manque des... bouts."

C'était une manière comme une autre de le dire. Pour la milième fois de sa non-vie, Olympe en vient quand même à se demander comment elle parvient à toujours se fourrer dans les situations les plus gênantes qu'il puisse exister. Ou alors elle est juste très sensible au malaise. Allez savoir.

C'est presque drôle, mais Céleste se décompose sous les yeux intrigués d'Olympe. La voir perdre toute sa prestance, toute son attitude un peu hautaine, ça amuse un peu la chimère, qu'on se le dise. Ça humanise la vampire à ses yeux aussi. Malgré les airs qu'on se donne, personne n'est invincible.

Reste que dans un premier temps, elle répond à côté de la plaque. Assez logiquement, en fait, au vu de la suite. Pendant un instant, la grecque croît vraiment qu'elle se paie sa tête, mais attribue rapidement cet écart à la panique que lui cause le plan d'eau. D'ailleurs, à entendre qu'elle ne porte pas un de ses éternels manteaux (elle peut les enlever? C'est nouveau), notre pauvre héroïne ne peut s'empêcher de détourner le regard un instant. Les faiblesse de la tentation. Trahie par les faisceaux dansants, elle le remonte rapidement. Quitte à éblouir Céleste. C'est mieux. Disons quand même qu'elle préfère la version sans manteau pour conclure et passer à autre chose.

On dit que faute avouée est à moitié pardonnée, et Olympe a franchement le pardon facile, mais là, aujourd'hui, ça coince. Elle se relève, affiche une mine un peu boudeuse, franchement contrariée, et croise les bras. Peu de gens l'ont vue dans cet état, mais la circonstance est assez grave pour le justifier.

"C'est le genre de choses que je pense mériter savoir, quand même. Avant-coup."

Au fond, elle se fiche évidemment que sa comparse ne soit pas une belle abeille qui butine toutes les paquerettes les jours d'été. C'est le mensonge qui la blesse, la trahison de confiance. Le fait que Céleste, comme trop d'autres avant elle, l'ont pensée assez simple pour lui faire gober mensonge sur mensonge. Remarquez, elle croit toujours tout le monde, malgré l'expérience. Obstinée à être trop gentille...

Son phare naturel se fait plus fin, elle tente de fixer la boolicière dans les yeux en plissant les siens. Elle pardonnera tout, en temps et en heure, mais il faudra l'y aider.

"Et? Autre chose?"

C'était peut-être un peu difficile de le comprendre, surtout en pleine crise de terreur en face de la piscine, mais elle attendait des excuses. Ou les exigeait plutôt, parce qu'elle avait une ferme idée de ce qui se passerait si Céleste ne se jetait pas à ses genoux. Figurativement, hein. Elle est pas comme ça quand même.

Elle lui tourne le dos. Elle se retourne. ELLE OSE. Heureusement qu'Olympe est bien élevée, pour l'amour du ciel, parce qu'elle pourrait hurler des insultes en grec dans l'instant. C'est même pas l'envie qui manque.

Comprenez bien qu'Olympe est un monument à la patience même. Une idole de calme, un parangon de la tranquilité et de la paix. Mais personne n'est parfait, et les petites choses s'accumulant en montagne, le volcan en vient à gronder.

Non, il érupte.

Le pas lourd, menaçant, elle avance avec une fermeté nouvelle vers la fâcheuse. L'impolie. Assez rapidement pour lui passer les bras sous les aisselles, et commencer à la traîner vers l'eau. Inexorablement, un peu difficilement parce qu'elle se débat évidemment, mais la prise est ferme et décidée. Une leçon doit être enseignée ce soir, au diable la gentillesse et les sourires.

Quand les deux infortunées se retrouvent tout juste assez près du rebord pour que la tortionnaire soit satisfaite, il lui vient enfin l'envie de souffler calmement, avec une tranquilité anormalement sereine dans la voix, comme un murmure:

"Je t'ai pas entendue demander pardon pour m'avoir menti, en fait..."

Elle détache deux secondes le regard de sa victime, s'assure d'être au niveau du petit bassin. Un enfant a pied là-dedans, la vampire ne risquerait vraiment rien à part de cogner un peu sèchement le fond. La chimère hésite un peu à la balancer comme un sac à patate, la livrer à son sort et la laisser se débrouiller un peu dans la piscine.

Mais sa bonne nature reprend le dessus, comme toujours (quoi qu'elle ne le laisse pas vraiment transparaître, dans l'instant).

"J'y tiens vraiment, vraiment beaucoup, tu sais?"

Elle venait peut-être de se faire une ennemie à vie, mais elle ne se ferait pas marcher dessus en rendant un sourire. Pas par elle, en tout cas. Pas aujourd'hui. Elle espérait quand même que Céleste ne lui en voudrait pas trop, comprenne la douleur que représentaient ses mensonges pour la pauvre chimère, se rende compte qu'elle a mal agi et sans raison. Peut-être, peut-être. Pour l'heure, c'est la menace du plongeon qui lui pend au nez.

Peu importe à quel point c'était prononcé dans l'urgence et dans la terreur, la grecque entend enfin ce qu'elle voulait entendre, et laisse son... amie? À voir, c'est pas certain. Bref, elle la laisse lui échapper, s'éloigner loin du rebord, alors qu'elle même revient y tremper le bout des appendices. C'était tendu, quand même, et elle n'est pas tellement fière de ce qu'elle a fait intérieurement. Mais elle assume pleinement.

"Tu vois, c'était pas si difficile."

Quoique si, si c'était difficile, il aura quand même fallu la tirer de force jusqu'au bord du gouffre pour lui arracher le premier mot d'excuse de sa vie, probablement. Mais c'était fait, au moins. La pauvre vampire ne pouvait peut-être pas s'en rendre compte, mais toute cette affaire allait très rapidement devenir un ragot dans les cercles de commérages reservés aux chimères...

À défaut de la regarder en face, elle fixe la surface, se demande quand même comment on peut la craindre à cet extrême. Elle qui y voit un monde fascinant en trois dimensions, un espace de liberté absolue, un terrain où être maître de soi et en paix avec le monde... C'est fou, ça la dépasse, mais elle en sourit. L'esprit humain est une machinerie fascinante.

"Bon, on tente de te débarasser de ta phobie des flaques d'eau, ou tu vas me bouder pendant des jours?"

Il faudrait encore qu'elle se retourne pour confirmer que la fausse chimère n'a pas décampé sans demander son reste, mais elle se dit qu'elle l'aurait sûrement entendue. Et puis en vérité, malgré le ton un peu taquin de la question, elle serait prête à comprendre que Céleste lui fasse vraiment la tête un certain temps. Mais voilà, à trop pousser les gens, on se prend forcément un retour de bâton.

Notre petite chipie se demandait quand même combien de bâtons n'attendaient que de rattraper la blonde.

Que l'on se le dise, Olympe s'était un peu attendue à ce genre de réaction. Pas exactement non plus, elle aurait pensé que Céleste l'insulterait de tous les noms et s'enerverait déraisonnablement une fois à l'abri. Mais ça reste dans les scénarios envisagés, et surtout dans les suite logiques de ses actions. La suite la plus logique en fait, mais elle avait tellement vu sa comparse être imperturbable et indifférente qu'elle n'aurait jamais pensé la voir dans tels états.

Son ressentiment disparaissait en une seconde, et déjà le remord prenait place. Trop gentille, on a dit... Bref, la coupable s'approche doucement, avec prudence parce qu'elle sait l'autre capable de lui tordre le bras dans le dos en un geste aussi. Mais elle n'est plus qu'une pauvre humaine, perdue à affronter ses démons, une âme peut-être innocente. La grecque s'abaisse à son niveau (méticuleusement et en logistique complexe, c'est plus difficile sans genoux) et lui tapote gentiment l'épaule.

Bon, la petite apeurée à l'air encore un peu rancunière, mais ça passera. Pour le moment, le réconfort c'est la priorité.

"Ça va, c'est fini, tout ira bien."

Elle se rend compte un peu tard qu'elle lui parle comme aux enfants du refuges. Une habitude qu'elle a prise devant pareilles crises, qui lui revient mécaniquement. C'est presque insultant, mais ça part d'un bon sentiment.

"Désolée, mais... Te voir juste partir, sans t'excuser ou t'expliquer, ça m'a mise hors de moi. Je fais confiance aux gens, ça me fait vraiment mal quand me ment."

Revenir à la base, la communication non-violente. Plus de jugement dans la voix, ne pas poser le blâme sur l'autre, toujours expliquer de son point de vue logiquement et simplement. Elle espère sincèrement que ça suffira.