entrée fracassante
ft. gulliver
Alerte rouge : présence humaine détectée dans le salon. À l’oreille, ils semblent être plusieurs. Catastrophe.
Oui, de toutes les colocations sur lesquelles Junko aurait pu tomber, celle-ci était sans aucun doute la pire.
Tout est trop grand, trop haut, ça résonne dans tous les coins, et surtout, aucune intimité. À son arrivée, elle avait l’impression d’entrer dans son pire cauchemar.
Au final, elle s’était habituée. Un peu. Un appartement aussi gigantesque que Gulliver avait le mérite de porter en son plus grand (pun intended) défaut un vrai joyau, puisque la jeune femme avait jusqu’ici pu cohabiter avec un groupe de personnes sans se faire remarquer.
Du moins, c’est ce qu’elle pensait dur comme fer.
“C’est déjà le cas de certains nouveaux-venus, qui se penseraient même discrets…”
… Oula. Oulala.
Sans trop réfléchir, l’ermite avait froncé les sourcils en s’approchant du bord de l’assise disproportionnée, de sorte à obtenir une vue sur ses colocataires sans trop se faire remarquer. Avait-elle bien entendu ? Étaient-ils en train de parler d’elle ?
Elle était restée là, immobile, pendant une poignée de secondes. À quatre pattes, tel un animal sauvage scrutant une meute de lions avec inquiétude.
C’était Monsieur Canne qui avait fait cette remarque, en s’adressant à Madame Musique. Junko aimait bien cette dernière, qui venait de s’installer quelques jours auparavant et qui s’était contentée de gracier les oreilles de la brune de ses belles mélodies depuis, qu’elle en soit consciente ou non.
Des preuves qu’elle avait récolté durant sa séance d’espionnage, ce petit apéritif était en l’honneur de son arrivée.
Le problème, c’était Monsieur Clope. Lui, qui avait semblé amusé par la remarque de l’autre homme, avait rapidement tourné la tête vers la “chambre” de la demoiselle, lui causant de se jeter en arrière pour ne pas se faire plus remarquer. Bien qu’à ce stade, ça semblait déjà cuit.
Enfin, il n’avait pas l’air de l’avoir vu, ou du moins n’avait pas fait de remarques là-dessus, puisque la joyeuse bande continuait de discuter l’air de rien.
Junko, quant à elle, était roulée en boule dans le coin le plus reculé de sa tente de fortune, les yeux dans le vide et le cœur battant. Oui, il fallait vraiment,
vraiment qu’elle fasse plus attention. Une seconde de plus, et elle aurait pu-...
BLAM.
L’échelle du canapé vint tomber avec fracas sur le sol, provoquant un bruit sourd qui fut, par chance, un peu amorti par la moquette du salon. N’empêche, certains auraient pu faire une crise cardiaque pour moins que ça, s'ils n'étaient pas déjà passés de l'autre côté.
Ce que la jeune femme avait manqué de calculer, c’est qu’au moment de sa magnifique roulade arrière de panique, elle avait légèrement heurté le bord de l’échelle qui trônait là. Celle-ci s’était alors mise à glisser, tout doucement, sans que personne n’ait l’air de la remarquer.
C’était plus cuit, là. C’était carrément cramé.
Petit à petit, une ombre s’était rapprochée du bord à nouveau. Juste une petite tête, l'air penaude, qui vint regarder les dégâts qu’elle craignait avoir causés. Et puis, finalement, une voix, calme et monotone :
“... Oups. Pardon.”