Tu pensais avoir toutes tes chances. Tu pensais que ta détermination serait suffisante, que la borne prendrait pitié de toi et serait clémente, pour une fois. Mais encore une fois, tu n'obtiens pas ce que tu veux - ce que tu
mérites.
Chaque fois que ton personnage se prend un coup sur l'écran, tu le ressens dans ton propre corps. Parce que c'est ça, c'est investi. Parce que quand tu penses à ton porte-monnaie et aux pauvres ossements qui tremblent de peur à l'idée de partir pour la boisson de ce... cette crevette, tu refuses, tu dois donner le meilleur.
Ca ne t'empêche pas d'échouer lamentablement. Mais ce n'est pas grave, c'est que la première partie. Tu sauras rester civile jusqu'à la défaite de trop, pas vrai ?
HAZEL —
Super ta petite danse de la victoire, quand t'auras arrêté on pourra jouer sérieusement ?
Ce n'est que de la pure rage. Tu te contiens, ton pied tape contre le sol à la même vitesse que les coups qui t'ont été assénés. C'est frénétique. Tu brûles d'envie d'enchaîner sur la prochaine partie. Tu restes persuadée que le sort tournera en ta faveur, parce que tu ne pourrais pas tolérer un anéantissement total.
Ses premières provocations et moqueries étaient faciles à ignorer - pas comme tes skills qui, il faut bien l'admettre, ne sont pas ce que tu espérais. Cette fois ci, l'écran de game over te rend toute crispée, mais tu ne le montres pas. Non, mais tu mords tout de même l'intérieur de tes joues. Furieusement.
HAZEL —
Ouais, bon, c'est bien parce que je suis sympa.
Tu essaies d'être la fille cool, mais en vrai, tu as des flash-backs des soirs de Thanksgiving où on te demandait de jouer avec tes petits cousins insupportables.
HAZEL —
J'avais faim aussi de toute façon.
Le jeu t'a beaucoup trop énervée pour faire un round 3. C'est pour éviter à l'écran de finir en mille morceaux que tu te diriges d'un pas lourd vers le bar, réfléchissant à quoi prendre comme goûter pour ne pas passer pour une énorme menteuse. Sur le chemin, tes yeux te mènent vers la table d'air hockey, actuellement occupée par un groupe d'amis. Ils ont l'air de passer un incroyable moment. Tu les jalouse. Tu jalouse l'action de leur jeu, tellement plus réelle que celle faite de pixels.
HAZEL —
Fais-toi plaisir.
Tu lui tends une maudite somme. L'expression sur ton visage est parfaitement neutre, voire agacée, l'autre ado ne doit pas se douter un seul instant que cette générosité est une tentative inespérée de te faire un ami. Car tout est bon à prendre, à tes yeux. Surtout si le "tout" en question semble jouer de la guitare.
Tu montres la table d'air hockey du doigt :
HAZEL —
Petite partie, après ta crêpe ? Pour voir si t'es vraiment bon, ou juste un crack à Street Fighter.
Toi, si tu peux prendre de l'espace en jouant, tes compétences s'en retrouvent améliorées. Tu fais comme si de rien n'était, tu commandes une crêpe également, comme si vous étiez deux amis qui ont prévu de passer tout l'après-midi ensemble. Au fond, tu veux juste lui donner envie de rester.