Pretty little lie
Devant toi, l'étendue de ta commande s'étale sur ta nappe. Tu parcoures des yeux les couvertures des romans, tu feuillettes quelques pages pour vérifier qu'aucune ne soit cornée. Puis tu ris doucement à sa remarque.
— Allons, je fais déjà appel à plusieurs vampires ! Parfois même à l'étranger ! Mais j'admets que tu n'as pas eu de chance pour cette commande. Un imprévu m'a poussée à te charger d'une tâche que je réclame généralement à deux personnes. Je saurai me souvenir que tu es en mesure de l'accomplir seul, minaudes-tu en battant des cils, sur un ton plus familier, que tu comptes garder par la suite.
Ton excuse est complètement fausse. Tu as bien plusieurs contacts, mais pourquoi t'ennuierais-tu à doubler tes frais de livraison ? Il a juste été la malheureuse victime d'un de tes achats compulsifs. Ta liste, c'est littéralement toi qui t'es comporté comme l'on clique sur "ajouter au panier" sans réfléchir. Tu ne t'es pas préoccupé d'être
raisonnable.
Mais si tu peux, d'une part, retourner sa plainte contre lui en appuyant sur le fait qu'il semble tout à fait en mesure de se débrouiller,
et donc que tu as d'autant moins de raisons de diviser la tâche... et d'autre part, le galvaniser pour qu'il évite de se plaindre, en considérant que tes quelques
abus sont un gage de confiance plutôt que la marque d'un(e) client(e) impulsif(ve) capable de réclamer du jour au lendemain
des brouettes de commissions – c'est à peine exagéré, l'année dernière tu as été responsable du passage d'un
caddie de figurines d'occasion –, ça t'arrangera pour les prochaines fois. Dans l'éventualité où tu referais appel à lui.
— Pour ma défense, je n'imaginais pas que tu te chargerais ainsi comme une mule ! J'ai également un conseil pour toi. Investis dans quelques potions, tu te simplifieras la vie. Pas directement dans le monde des vivants, bien sûr, quoique je débattrais volontiers avec votre Roi pour certaines avant passage de la Porte – haha, tu utilises le conditionnel comme si tu n'étais pas déjà directement impliqué dans plusieurs discussions à ce propos avec Xamanek.
Mais dans celui des morts en revanche...Pour illustrer ton propos, tandis que tu récupères les livres dont tu inspectes les couvertures et quelques pages, tu débouches une fiole pour verser sur chaque tranche quelques gouttes d'un liquide vert vif. Celui-ci semble "absorbé", sans laisser de traces ; entre tes mains, les objets rétrécissent à vue d'œil, un par un, à la chaîne. Tu doses ainsi l'utilisation de la potion de rapetissement jusqu'à ce que chaque ouvrage finisse par ne plus faire que la taille de ta paume.
— Et voilà, commentes-tu avec satisfaction en les soupesant sans peine, leur poids ayant également été divisé proportionnellement.
Dis-toi qu'avant internet, je réclamais que l'on me rapporte des collections d'encyclopédies ! Tu m'aurais imaginé, rentrer chez moi avec tout ça sous le bras ? Ou pire, si j'avais dû me trimballer avec un cabas à roulettes. La faute de goût ultime.Tu fais disparaître l'ensemble dans ton sac. Quant au paquet
spécial... Tu commences par enfiler des lunettes espions, juste histoire d'avoir un aperçu du contenu sans tout déballer.
Ce que tu distingues te paraît conforme.Finalement, tu le ranges sans le transformer en une version miniature, celui-là. Pareil pour les œufs d'ailleurs ; en fait, tu as déjà essayé, il y a longtemps, et tu as eu la mauvaise surprise de découvrir que ça fonctionnait sur la coquille... mais pas sur le contenu. Tu as beau avoir amélioré ta formule depuis, tu ne veux plus prendre aucun risque.