TW et CW : religion, trauma religieux, violence, violence physique & psychologique, attaque à l'arme blanche, vomissement, sang, meurtres
1893, campagne galloise non loin de Cardiff. C’est là que Wynn est né. Très rapidement, il se retrouve seul avec son père, un prêtre anglican. Sa mère, frêle et fragile de naissance, n’a pas survécu après l’accouchement. Une tragédie, mais surtout une épreuve de Dieu selon son père.
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L’enfance de Wynn ressemble à toutes les vies campagnardes décrites dans les livres ; sombre et monotone. La mort à chaque coin de rue et son père ne manque pas de lui rappeler. Il n’a eu qu’un privilège : son père étant un homme de Dieu, il a pu apprendre à lire et à écrire assez tôt. Ce n’était pas sans arrière-pensée évidemment, puisque dès ses 9 ans son père a forcé Wynn à l’aider avec la paroisse. Chanter avec la chorale, faire passer le panier pour la quête, se mêler aux autres pour prier … Mais aussi faire le ménage dans l’Eglise, se charger des courses et de la distribution de repas pour les plus démunis. Lui, il mange peu puisque son père s’intéresse plus à la vie et la santé de ses brebis que celle de son fils. Une époque où un enfant n’est qu’une aide au labeur quotidien.
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Aider à l’Eglise n’est plus suffisant. Wynn a 16 ans et il est temps pour lui de travailler et de ramener de l’argent à la maison. C’est un ado calme, effacé qui ne parle jamais. Son air sombre et l’absence de vie dans ses yeux commencent à faire peur aux brebis de son père et c’est ce qui pousse ce dernier à l’envoyer à la mine. Wynn s’y plie sans rien dire et il rejoint rapidement les milliers de mineurs gallois qui s’échine dans les mines de charbon. Il est grand mais frêle, ce qui est pratique pour se faufiler dans les zones difficilement accessibles –et dangereuses. Il n’est pas très apprécié à cause de son côté réservé, mais il gagne quelques faveurs en acceptant systématiquement toutes requêtes, même les plus coriaces. Il sait qu’il risque sa vie, mais il n’a pas conscience de la valeur de cette dernière malgré tous les sermons que son père ait pu délivrer.
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1914. Une date pivot pour le jeune Wynn : sa première rencontre avec des idées politiques. Avec l’engagement. Avec un groupe. Après plus de 5 ans de dur labeur comme mineur de charbon, il s’est fait quelques amis parmi ses collègues. L’avantage d’avoir un ami comme Wynn, c’est qu’il n’y a pas besoin de parler pour rien, puisqu’il parle très peu. Ses amis et collègues le surnomme
« Dafad ». « Mouton », à cause de ses cheveux bruns bouclés … Et aussi parce qu’il ne remet jamais en question un ordre. Il n’en pense rien car il ne sait pas si c’est fait avec de bonnes intentions ou non. Et puis un jour un collègue s’emporte pendant une pause déjeuner : il parle des conditions de travail désastreuses, de l’abus de leur employeur, du danger que ça représente de travailler dans les mines.
Wynn se contente d’acquiescer sans rien dire comme à son habitude. La seule chose qu’il comprend et sur laquelle il est d’accord, c’est qu’on meurt facilement dans les mines. Il en a vu des collègues mourir en 5 ans. Pour le reste il ne comprend pas et sur le moment ça ne l’intéresse pas trop ; sauf que son collègue interprète ses acquiescements de manière bien différente. Il se met à parler de pleins de concepts qui sont totalement inconnus pour Wynn comme le capitalisme, le « work labor », les classes sociales … Alors Wynn écoute, puisqu’il ne dit jamais non. Pendant plusieurs jours, plusieurs semaines, ses collègues et lui se réunissent pour manger loin des autres. C’est comme ça qu’il découvre la politique mais surtout, qu’il découvre qu’apparemment il a le droit de rêver d’une vie meilleure. Qu’être passif n’est pas forcément une bonne chose, en tout cas selon ses collègues. Parfois le soir il se surprend à repenser aux paroles échangés le midi et à se sentir … Agacé ? Floué, plutôt.
Alors un midi il demande, il demande comment faire pour que les choses changent. Est-ce qu’en parler c’est suffisant ? On lui répond que non. Il faut agir car c’est les actions que les plus puissants retiennent et non pas les discussions. C’est comme ça qu’il rejoint le Parti Travailliste gallois. Au début il suit simplement ses collègues comme à son habitude. Il écoute passivement, ne parle jamais, mais il observe énormément. Il voit des travailleurs fatigués, parfois handicapés d’un membre, parfois tellement à bout que la mort semble être la seule solution. Ce sentiment d’être floué se mue en vrai agacement puis en une légère colère ce qui, pour lui, est énorme. Il se met rarement en colère, voir jamais car selon son père c’est un « péché » alors il faut réprimer. Ne rien dire. Accepter.
Cette fois-ci il n’accepte plus.
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1919. Une grève historique. Quelques affrontements. Sans en parler à son père, il y participe avec ses collègues. Il atteint timidement les 26 ans mais ses mains sont plus abîmées que celles de son paternel. Les douleurs dans le dos, dans les jambes, les douleurs dans ses poumons … Tout ça alimente sa colère au fur et à mesure des années. Les choses ne se sont pas forcément déroulées comme prévu mais Wynn, ses collègues et tous les grévistes espèrent que ce cri de colère, ces poings brandit en l’air permettront de faire changer les choses. Il se fait réprimander par son père qui a peur de voir son seul fils, sa seule aide, perdre son travail et être incapable de pouvoir contribuer au foyer. Mais Wynn est déjà adulte, un adulte qui a presque vécu la moitié de son existence au vu de l’espérance de vie à l’époque.
Alors pour une fois il s’oppose à son père. Il essaye d’expliquer maladroitement, ressortant les paroles de ses camarades travailleurs mais rien n’y fait. C’est un désaccord dans la cordialité qui se met en place : aucuns mots échangés hormis si nécessaire, aucun lien ne perdurera après cette altercation autre que celui inévitable du sang. Wynn n’a pas d’autre endroit où vivre, pas de femmes, pas d’enfant et aucune famille. Il devient encore plus renfermé à la maison mais il continue à vivre une vie à double facette : le fils effacé qui aide le dimanche et le travailleur révolté socialiste le reste de la semaine.
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1921. Le jour de sa mort. Comment s’est-il retrouvé là ? Tout lui semble si flou.
Il devait retrouver des collègues pour une réunion. Mais sur le chemin un homme aux cheveux couleur de feu lui est rentré dedans. Un homme pas très grand mais très beau et élégant. Si différent du genre de personne que Wynn peut croiser et ça l’a légèrement déstabilisé. L’homme lui a souri et lui a demandé où il allait. Wynn a répondu avec honnêteté, comme toujours. C’est là que l’homme lui a dit qu’il devait également aller à cette réunion mais que le lieu avait changé au dernier moment ; quelle chance de tomber sur lui. Wynn l’a suivi vers une maison qui semblait abandonnée, sans dire un mot et avant qu’il puisse comprendre ce qui lui arrivait l’inconnu lui a foncé dessus. Wynn a tenté de le repousser, de se débattre alors ...
L’homme lui a ouvert le bas ventre avec un couteau pour l’immobiliser.
Il se souvient vaguement d’avoir vu du sang. Beaucoup de sang. D’avoir essayé, par reflexe, de poser ses mains sur son bas ventre. Mais l’homme l’en a empêché avec une force bien supérieure à la sienne, avant de le pousser vers l’arrière. Il se souvient ensuite du plafond délabré de la maison, de l’odeur de fer alors que l’homme semble juste l’observer. Sa vue s’est brouillée petit à petit et alors que l'envie de fermer les yeux le saisit, il vit cette dernière image juste avant sa mort.
Celle du visage de l’homme juste au-dessus de lui, ses mains et ses lèvres couvertes de sang, qui s’approche de son cou.
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« Oui, tu es mort. Et j’ai pas l’impression que tu t’es beaucoup éclaté mon pauvre »
Alors la voilà, la mort.
Wynn est face à un homme, un homme aux traits qu'il ne reconnaît pas avant de comprendre qu’il est probablement asiatique. Il n’en a presque jamais vu, hormis dans quelques livres avec des illustrations plutôt grotesques après réflexion. Son regard perce Wynn de part en part, alors qu’il ressent encore la douleur de sa blessure au ventre et au cou bien que ces dernières soient, en réalité, parfaitement guéries. On lui présente sa mort mais la vision de l’écran semble effrayé Wynn qui n’avait jamais vu de projecteur, alors on lui donne un papier. Mort par morsure. Comment une morsure peut tuer un homme ? C’est l’un des rares moment dans la vie, ou plutôt la mort de Wynn, que ce dernier sort de son rôle de mouton. Il questionne ; pourquoi a-t-il mal ? Pourquoi est-il mort ? Qui était cet homme ? Mais ses questions trouvent peu de réponses et il ne retient de cet échange qu’une information :
« Tu es un vampire maintenant. »
Ce mot, vampire. Il l’a déjà entendu dans la bouche de son père lors de ses sermons. Des créatures contre Dieu, démoniaques, mauvaises. Des démons qui font dévier les purs du droit chemin. Pourtant il ne se sent pas plus mauvais, pas plus démoniaque. Et puis ce monde n’a rien en commun avec le paradis ; cela le perd encore plus. Il doit se relever, il s’exécute sans rien dire, sans savoir quoi demander de plus. Il lui faudra plusieurs heures d’errance dans les rues de cette ville inconnue avant de le voir craquer. Les larmes, les cris, le poing qui martèle le sol d’une ruelle sombre.
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Les jours passent. Wynn dort dehors, dans des recoins sombres, se serrant dans ses propres bras lorsqu’il a trop froid. Il est perdu, désespéré. Il ne comprend pas les habitants, la ville lui semble si différente de Cardiff. Si différente de son pays natal. Il a demandé de l’aide, mais son dialecte gallois est incompréhensible pour une grande partie des habitant.e.s. Ses notions d’anglais ne suffisent pas et il se perd dans les rues, dans les bâtiments puisqu’il n’a pas réussi à comprendre plus de la moitié des explications de l’homme qu’il a vu après son réveil. Et surtout, il ne comprend pas pourquoi. Pourquoi sa gorge lui fait mal ? Pourquoi son cœur est si douloureux ? Pourquoi est-ce qu’il bave et qu’il se sent aussi déshydraté ? Et surtout, pourquoi est-ce que ses dents sont devenues si longues ?
Après ce qui lui semble être une éternité, il rencontre une personne alors qu’il erre sans but. Cette personne était également un vampire, qui parlait un peu anglais et gallois. Il lui demande quoi faire pour arrêter cette souffrance, cette sensation dans son corps qui semble le tordre encore et encore. Il apprend donc qu’il doit boire. Boire du sang humain. Ça le dégoûte, il panique, il essaye d’argumenter : il ne peut pas faire ça. C’est contre nature, contre Dieu, contre tout ce en quoi il croit. L’inconnu se contente de lui répéter qu’il n’a pas le choix, qu’il doit prendre le Portail et retourner dans le Monde des Vivants pour se nourrir. Après des indications plus précises données maladroitement, Wynn s’est rapidement rendu au Portail sous l’Agence. Il ne voulait pas se nourrir ; juste trouver un moyen d’échapper à sa condition de vampire.
Mais rien ne s’est passé comme prévu. La ville lui semble bien grande, immense même. Il se perd, il se sent de plus en plus mal. C’est au détour d’une ruelle derrière un bar que Wynn fera sa première victime : sa première morsure. C’est un homme âgé, titubant avec une bouteille à la main et marmonnant des mots que Wynn réussi à comprendre ; un colon anglophone. Il le voit tomber face contre terre avant de l’entendre ronfler bruyamment. Il n’y a personne autour et la nuit recouvre la ruelle d’une obscurité plus que bienvenue. Il s’est approché lentement tout en sentant la bave qui lui coule légèrement le long des lèvres. Petit à petit sa conscience semble s’effacer et laisser la place à quelque chose d’ingérable, quelque chose de violent qui ne demande qu’à être apaisé. Il se souvient d’avoir ouvert la bouche, tous crocs sortis, et d’avoir mordu la chair de l’homme. Le reste est bien plus flou ; le goût du sang qui le dégoûte sans pouvoir s’arrêter, les larmes qui coulent le long de son visage alors qu’il vide le vieil homme.
Il se souvient aussi d’avoir eu subitement très mal, comme s’il était pris de vertiges. Il s’est mis à vomir, beaucoup, juste à côté du cadavre de l’homme. A vomir encore et encore au point de s’être dit qu’il allait mourir ; pour de bon cette fois. Mais non. Il s’est relevé, titubant encore plus que l’homme. Il a essayé de le secouer, d’entendre son souffle mais rien. L’homme était comme mort. Alors Wynn s’est mis à marcher plus vite, s’accrochant à tout ce qui passait pour ne pas tomber. Il a eu peur, puis il s’est mis à culpabiliser ; son premier meurtre. Cette sensation de brouillard dans son esprit ne partait pas, sans savoir pourquoi. Il a réussi à retrouver le Portail tant bien que mal, l’air hagard et toujours très assoiffé. Son retour dans le Monde des Morts n’a été en rien un soulagement puisque pour lui, il était maudit. Condamné à se nourrir de sang comme un animal, condamné à vivre une mort qu’il n’avait pas désiré. Condamné à ne plus pouvoir revenir en arrière.
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Années 30 Les années passent. Elles passent à une vitesse presque effrayante, sauf pour Wynn. Après sa première morsure, il s’est mis en tête de repartir dans son pays natal. L’inconnu qui l’avait aidé pour le portail lui a aussi expliqué qu’il pouvait repartir aux Pays de Galles. Mais Wynn n’a jamais voyagé, n’a jamais quitté sa région alors il ne savait pas comment faire. A pied, caché dans des trains de frets, avec l’aide d’étrangers bien trop bienveillants … Le voyage a été long. Il ne se souvient pas de combien de temps il lui a fallu pour traverser l’Asie et l’Europe avant d’atteindre le Pays de Galles, peut-être 4 ou 5 mois ? Il ne se souvient pas non plus des détails de ce voyage, seuls restent quelques souvenirs dignes d’un rêve fiévreux de ces moments où devait s’arrêter et traverser les Portails pendant son périple pour se nourrir. Toujours le même mode opératoire : dans les ruelles sombres, tard le soir. Au fur et à mesure, il s’est mis à cacher les traces de morsures en traçant une ligne dans le cou de ses victimes avec un couteau, avant de repartir le plus discrètement possible.
Au fond, il lui restait encore une miette d’humanité et d’espoir. Il espérait si fort de pouvoir changer s’il revenait chez lui. Il a vite déchanté ; la faim était toujours là, si forte et détestable. Sa santé mentale s’est dégradée, jours après jours. Dans le Monde des Morts, il passe ses journées à dormir dans des bâtiments abandonnés ou à marcher dans les rues sans rien dire. A se nourrir à même les poubelles, ou grâce à la naïveté de quelques fantômes qui le prenaient en pitié. Il n’avait plus la force de faire quoi que ce soit d’autre et c’était la seule solution qu’il avait trouvée pour survire et résister à la faim le plus longtemps possible. Son esprit est dans un brouillard de coton permanent qui l’empêche de réfléchir correctement. Ses gestes relèvent désormais de l’habitude : dormir, marcher, se nourrir, cacher ses crimes et repartir. Comme un cercle sans fin, une errance infinie dans le noir. Parfois il pleurait, parfois non. Parfois il réussissait à échanger un mot ou deux, seul face à lui-même. Mais il n’arrive plus à parler aux autres ; de toute manière son visage émacié et son regard vide ont fini par faire fuir la plupart des autres fantômes.
Chez les vivants, ses crimes ont donné naissance à une nouvelle légende ; Medelwr gwaedlyd.
« Le faucheur sanglant »
A force de se nourrir de façon aussi régulière, religieusement toutes les six semaines avec une moyenne de deux à trois victimes lorsqu’il vomissait un peu trop, et au même endroit, la rumeur d’un tueur a commencé à naître. Il était trop tôt à cette époque pour parler de « tueur en série », mais les gens ont commencé à avoir peur. La légende est restée longtemps, mais ça n’empêchait pas Wynn de se nourrir. Ses victimes étaient souvent des sans-abris ou des alcooliques en fin de soirée, isolés dans des ruelles mal éclairées. Parfois même des orphelins. Son instabilité grandit à chaque nouvelle victime mais tout particulièrement lorsque c’était des enfants ; il le voit comme le châtiment ultime. La punition maximale qu’il peut recevoir en tant que monstre, à ses yeux.
Malgré tout il parvient à rester sous les radars, autant dans le Monde des morts que des vivants. Buvant juste ce qu'il faut pour ne pas avoir de problèmes, mais pas assez pour arrêter cette sensation de faim. Il ne sait pas pour les groupes sanguins, alors il a tout le temps mal au ventre. Il vomit souvent. La douleur ne le quittait jamais vraiment, même lorsqu’il arrivait à se nourrir correctement. La violence est aux portes à chaque instant et parfois il y cédait quand il se retrouvait avec une victime un peu trop récalcitrante. Et puis un jour, il a perdu le dernier lien qui lui restait avec la réalité. Après ça, tout n’est qu’un vaste souvenir brumeux constitué de vagues images sanglantes et sombres.
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Années ???Depuis combien de temps ère-t-il, seul et absorbé par les ténèbres ? Il n’en a pas la moindre idée. Il ne se souvient pas non plus de pourquoi des gens sont venus le voir un jour, sans prévenir. Des vampires, ou plutôt des monstres comme lui. On essaye de lui parler mais il ne répond pas. On essaye de le toucher, mais il répond en repoussant la main de toute ses forces en poussant un cri bestial. Ça recommence, alors il chope la personne par la gorge à mains nues. Mais il est faible, mal nourris et fatigué ; il se fait facilement attraper et immobiliser. Il sent quelque chose qui lui attache les mains. Alors il tente de se retourner et de mordre pour se défendre, comme une bête qu’on essaye d’enfermer dans une cage.
La douleur de la claque qu’il reçoit restera gravé dans sa mémoire. C’est sec, violent mais aussi très froid. Il perd connaissance.
Il se réveille quelques jours plus tard, chez un de ces vampires. Attaché au lit, la bouche recouverte par un bandeau de tissu. Son esprit embrumé ne lui permet pas de bien comprendre sa situation ; il ne cherche qu’à s’enfuir le plus vite possible. Mais il est faible et toujours aussi assoiffé. Le vampire s’approche doucement et lui explique qu’il ne lui veut aucun mal. Qu’il terrifie les habitants et qu’il est temps que cela cesse. Rien ne fait sens pour lui, alors il reste immobile, sans dire un mot. Pendant plusieurs jours. Dans un état presque léthargique, la seule chose qui lui tient compagnie c’est la douleur. L’éternelle douleur. On le force à se nourrir alors il essaye de nouveau de s’enfuir ; en vain. Ce petit manège a duré un moment, au moins quelques semaines. Puis son esprit s’est légèrement éclairci, suffisamment pour qu’il puisse échanger avec l’homme.
On lui explique qu’il doit quitter le Pays de Galles. Qu’il est trop instable, trop imprévisible et que ses meurtres commencent à devenir très suspect dans le Monde des Vivants. On lui reparle du Japon et de Tokyo, cette ville gigantesque qu’il avait tant détestée et on lui conseille d’y retourner. Il refuse ; pourquoi retourner là-bas ? Rien ni personne ne l’y attend, pas plus qu’ici d’ailleurs. L’homme soupir puis fini par lui confier quelque chose, quelque chose qui va bouleverser la vie de Wynn. Depuis des années, une rumeur circule qu’un vampire venu du Japon aurait fait quelques victimes près de Cardiff. Un vampire aux cheveux rouges. Wynn sent comme quelque chose dans son ventre, une sensation bien différente de celle de la faim : de la colère. De la rage. Une soif de vengeance. Très rapidement, il décide de repartir au Japon, n’ayant qu’une idée en tête : retrouver ce vampire.
Des mois plus tard, le revoilà à Tokyo. Son esprit est redevenu peu à peu flou, confus. Rien ne semble régler pour lui et seul son envie de vengeance le fait tenir. Sur place, il fait rapidement parler de lui à cause de ses agissements particuliers : il interroge les habitants en gallois sur un « vampire aux cheveux rouges ». Personne ne le comprend et sa colère monte de plus en plus. Et puis un jour, il finit par se faire aborder par un homme faisant partit de la Camarilla. Il tente de le repousser assez violemment mais se fait maîtriser avec une facilité déconcertante. Il se retrouve enfermé entre quatre murs, de nouveau attaché et cette fois-ci muselé pour éviter plus de débordements. On lui explique ce qu’est la Camarilla, une organisation par et pour les Vampires. Et que l’organisation ne peut pas laisser seul un vampire potentiellement dangereux, instable et incapable de se gérer.
Ça l’a mis en colère. Comment se gérer seul face aux ténèbres, ténèbres imposées par un parfait inconnu dont il cherche à se venger ? Difficile d’accepter sa part de responsabilité. Mais il a écouté malgré sa colère et sa rage. On le force à accepter l’aide proposée par l’organisation après de longues, très longues discussions. Lui qui n’a jamais connu le moindre soutien face à ce qu’il endure, il accepte sans vraiment y réfléchir plus que ça. Il se sent faible, fatigué et la douleur continue de le ronger. Même si son esprit lui semble un peu plus clair, la souffrance est toujours là. Et la part de clarté, revenu à cause de son envie de vengeance, rend tout ça encore plus difficile à supporter. On lui explique qu’il doit rester sous surveillance pour le moment. Il se contente d’acquiescer ; que peut-il faire d’autre ?
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Années 60 Il a raté tant de choses, mais tout ça lui semble bien insignifiant sur le moment. Son esprit s’éclaircit de jours en jours, notamment grâce à l’aide de Nécromancien.nne.s, mais la douleur continue de le transpercer. Il faut tout apprendre, tout défaire pour refaire. On lui interdit de retourner dans le Monde des vivants tant qu’il est instable, alors il se nourrit grâce aux autres vampires. Chaque “repas” est un vrai défi pour lui, la soif reprenant le dessus et le rendant violent, agressif, mauvais. Ce n’est jamais assez pour lui, alors il s’emporte. Il finit systématiquement enfermer pendant quelques jours, le temps que la colère redescende. Il subit de plein fouet les conséquences de n’avoir jamais réussi à dompter sa faim, d’avoir bu du sang sans avoir s’il convenait. D’avoir été malade, perdu et seul aussi longtemps.
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Presque une décennie s’est déroulée depuis son retour à Tokyo et autant d’années à apprendre comment vivre sa nouvelle vie de vampire, comment se nourrir correctement et sans perdre le contrôle, les limites et les lois du Monde des Morts. Tel un chien enragé abandonné par sa famille, il réussit à se faire éduquer. Il se révèle finalement être un vampire … Très calme. Passif et discret. Le Wynn d’avant sa mort semble être revenu à lui, honteux et portant le fardeau de ses actions. Durant cette décennie, il s’est aussi éloigné des croyances familiales ; inutile de se flageller plus que nécessaire et de suivre une religion si éloignée de la réalité de la mort. Ça été dur pour lui, passant par toutes les étapes du deuil, mais il s’en est remis –et plutôt vite. Ce qui reste malgré tout ? Sa soif de vengeance. Certes, elle s’est atténuée avec les années, mais elle brûle encore. Il a interrogé la Camarilla, il a questionné chaque vampire qu’il a pu croiser : mais sa quête semble vaine.
Le plus difficile, une fois éduqué proprement, a été de lui apprendre la langue. Bien que passif et se laissant facilement convaincre, il a eu toutes les difficultés du monde à apprendre les bases. Lui qui n’a jamais vraiment connu les bancs de l’école, le choc a été très rude, avec l’absence totale de similarité entre le gallois et le japonais. Mais il s’y est plié, une souffrance de plus à affronter pour pouvoir continuer à vivre à Tokyo plus sereinement. Heureusement pour lui, entre temps, les morts ont afflué ; guerres et maladies se sont bien chargées de remplir les rangs des fantômes. Et parmi eux, beaucoup plus d’anglophones qu’avant. La pente de la rédemption est encore incertaine, mais il fait de son mieux.
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Années 70Wynn a fini par intégrer totalement la Camarilla. Il sait au fond de lui qu’ils ont accepté assez facilement aussi pour garder un œil sur lui. Mais ça lui va. Il a enfin un endroit où vivre et des choses à faire pour s’occuper, suffisamment pour ranger son envie de vengeance dans un recoin de sa tête. Il réussit même à sortir seul dans les rues du Tokyo des morts maintenant. Non sans une certaine angoisse, mais il fait avec. Après avoir appris à devenir un vampire décent, il doit apprendre à profiter de sa mort. Il devient assistant et s’occupe de l’accueil et de rediriger les nouveaux et nouvelles arrivant.e.s ; un boulot difficile pour lui car il n’aime pas parler. Mais tant qu’il n’a pas terminé ses études pour atteindre au minimum un niveau de fin de lycée, il ne peut prétendre à mieux. Alors il prend sur lui et même s’il sourit peu, il est très consciencieux dans son travail. Sa vie personnelle se résume à dormir, lire, écouter de la musique et se renseigner sur tout ce qu’il a pu manquer pendant ces cinquante décennies. Les relations sociales ne l’intéressent pas plus que ça, mais si on lui impose il subit, en silence.
Une vie monotone certes, mais qu’il n’échangerait pour rien au monde. Surtout après tant d’années de souffrances.
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Années 80Quelques années plus tard : la première et unique rechute. Il pensait réussir à s’en sortir en se nourrissant seul, mais il a perdu très vite le contrôle. Trop, même. Pour la première fois, il n’a pas réussi à se retenir et se contenter d’une ou deux victimes. C'est bien quatre personnes qui sont passées sous ses canines. A son retour, encore couvert de sang, il a tout confessé à la Camarilla et a demandé d’être enfermé le temps de reprendre totalement ses esprits. Il a également fait quelques travaux d’intérêt général ; la Boolice a statué qu’il n’avait aucune bonne raison de tuer autant de personnes maintenant qu’il savait pour les groupes sanguins. C’était sa première condamnation, alors il a effectué sa peine sans broncher. La culpabilité rongeait tout son corps, mais il semblait totalement impassible. C’est suite à cet évènement qu’il a demandé à être suivi par un psychologue mais aussi à toujours passer le Portail avec quelqu’un et ne plus se nourrir seul … Au moins pendant un temps.
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2023 Les temps ont bien changé et Wynn aussi.
Il n’a plus fait de rechutes, bien qu’il ait plusieurs fois perdu légèrement le contrôle et laissé la colère gagnée ; mais pas suffisamment pour se confronter de nouveau à la justice. Il réussit désormais à pouvoir se nourrir, seul, après beaucoup de préparation mentale. Une fois ses études terminées aux Catacombes, il a fait la demande pour devenir comptable. Un boulot bien plus simple pour lui : compter, taper des factures, saisir des budgets, les préparer … En somme, beaucoup moins d’interactions avec les autres. C’était un bon comptable, rigoureux et très sérieux. Il se prit de passion pour certains hobbies qui l’occupent en dehors du travail. Il a même réussi à fréquenter temporairement quelqu’un, avant que ce dernier fini par se lasser car Wynn ne parlait presque jamais de lui-même. Il ne ressentit rien de particulier après cette séparation.
Depuis tout ça ? Il travaille toujours pour la Camarilla. La douleur liée à la soif est globalement contrôlée, mais toujours présente notamment à cause de ses maux de ventre régulier. Sa soif de vengeance semble comme endormie, au moins pour le moment. Mais il lui arrive encore de faire des cauchemars, de ressentir des pulsions de violences et de perdre son calme. Extérieurement, il renvoi l’image d’un homme calme et un poil barbant ; mais il ne peut s’empêcher de se demander combien de temps reste-t-il avant de franchir de nouveau la ligne et de tomber de nouveau dans le vide ?
Combien de temps reste-t-il avant que le Faucheur Sanglant ne revienne ?Résumé de l'histoire & sources :
- Né près de Cardiff aux Pays de Galles le 30/04/1893
- Fils d’un prête anglican au sein d’une campagne, aide son père à l’Église de ses 6 à 16 ans
- Sait lire et écrire de manière rudimentaire pour aider son père qui lui fait l’école à la maison
- Se met à travailler dans les mines de charbons à partir de 16 ans
- Se syndique en 1914 auprès du Parti Travaillistes gallois
- Participe à la grève de 1919 des travailleurs et mineurs gallois
- Meurt le 12 juin 1921 d’une morsure d’un vampire après que ce dernier l’ait poignardé
- Comprenant assez mal l’anglais et n’ayant aucune connaissance en japonais, il se retrouve très vite perdu au Tokyo des morts
- Commet son « premier meurtre » avant de repartir pour le Pays de Galles
- Il reste là-bas pendant des décennies (des années 20 jusqu’à la fin des années 50) et sombre petit à petit dans la folie à cause de la faim car il ne sait pas se nourrir
- Fini par être abordé par des vampires gallois qui essayent de l’aider avant de lui avouer où vit potentiellement le vampire responsable de sa mort : il repart donc au Japon
- Une fois sur place, son comportement erratique et ses accès de colère arrive aux oreilles de la Camarilla et il est pris en charge
- Dans les années 60, il est surveillé et accompagné par la Camarilla qui lui apprend comment vivre comme un vampire sans être un danger
- Dans les années 70, il intègre la Camarilla comme assistant. Sa santé mentale semble retrouver un semblant de stabilité
- Dans les années 80, il fait une rechute et mord quatre personnes. Il est condamné à des travaux d’intérêts généraux après s’être dénoncé de lui-même auprès de la Camarilla puis de la Boolice.
- Depuis, il est comptable pour la Camarilla et il vit dans l’appartement qui lui a été attribué à l’origine par l’Agence. Il est suivi par un psychologue et sa santé mentale semble toujours impactée par ses années en solitaire, mais il réussi à se contenir. La majorité du temps.
Les mineurs gallois en 1919Wales in 20thWomens and mens workers in 1900s