Guide de l'inclu­sivité et de la repré­sentation

Cette page contient de nombreuses références à des thématiques pouvant heurter certaines personnes, notamment le racisme, la lgbtqia+phobie, la psychophobie, la grossophobie, le sexisme... S'agissant de la majorité du texte, les passages ne sont pas floutés. Faites attention à vous.

Généralités

Lexique de l'inclusion et de la représentation

Biais cognitif discriminatoire

Un biais cognitif est une action du cerveau qui analyse très rapidement une situation à l'aide de conjectures, croyances ou attitudes apprises : ainsi, stéréotypes et préjugés amènent parfois à faire des raccourcis et à discriminer positivement ou négativement autrui.

Exemples de biais cognitifs :

  • L'« effet de halo » : la tendance à rendre plus positives ou négatives certaines caractéristiques d’un groupe ou d’une personne. On se forme une première impression en jugeant la personne physiquement, du fait de son appartenance à un groupe, ou par des informations reçues via les médias ou ses proches. (Par exemple, on se méfie d'une personne arabe car les médias dépeignent les arabes comme des voleurs)
  • Le biais de perception : la tendance à juger les autres selon des préjugés souvent réducteurs. (par exemple, les préjugés sexistes feront préférer un homme parce qu'on juge qu'il sera plus fort qu'une femme ; l'âgisme fera préférer une personne jeune parce qu'on juge qu'elle sera plus active qu'une personne mature)
  • Le biais de confirmation : la tendance à considérer plutôt les informations qui confirment une opinion préétablie, menant à une partialité. (par exemple, une personne qui ne croit pas au réchauffement climatique va se renseigner sur les erreurs scientifiques, adhérer aux théories du complot qui confirment sa pensée, etc.)
  • Le biais de conformité : la tendance à adapter son opinion à celle d'un groupe plus large. (par exemple, suivre un vote à main levée en voyant que tout le monde lève la main, même si on n'est pas d'accord)
  • Le biais d'affinité : la tendance à privilégier les personnes qui ont les mêmes centres d'intérêt et expériences que soi. (par exemple, privilégier quelqu'un qui a étudié dans la même université que nous parce qu'on la juge plus compatible avec nous.)
  • Le biais du statu quo : la tendance à éviter le changement. (par exemple, privilégier une personne blanche parce que nous sommes entouré de personnes blanches et qu'une personne racisée risque de changer la dynamique)
  • Le biais d'autorité : la tendance à faire confiance aux figures d'autorité. (par exemple, suivre aveuglément les opinions de son professeur, même si elles sont erronées)

Discrimination & discrimination systémique

Une discrimination est un traitement défavorable ou inégal de certains individus en fonction de critères intrinsèques (genre, origine ethnique, âge, handicap…) ou extrinsèques (éducation, lieu d'habitation, etc). Elle consiste à refuser à certaines personnes ce qui est accordé aux autres.

La discrimination peut être individuelle, mais elle est aussi souvent systémique : c'est-à-dire qu'elle est récurrente au sein de la société, qu'elle y est ancrée de façon structurelle et qu'il est donc difficile d'y échapper au quotidien pour les populations touchées. Ces personnes seront impactées dans de nombreux aspects de leur vie, par exemple pour accéder à l'emploi, à un logement, aux soins… Si les discriminations peuvent paraître isolées, elles sont en réalité quotidiennes et récurrentes pour les personnes touchées. De plus, elles dépassent souvent l'individu pour émaner directement des politiques ou pratiques institutionnelles qui régissent le quotidien des populations.

Risques

Ainsi, les personnes discriminées sont à risque pour des troubles tels que l'anxiété, la dépression, les troubles de l'humeur ; elles sont menacées par la précarité et les difficultés d'accès aux soins, qui entraînent bien souvent la mort.

Ethnie & ethnicité

On appelle ethnie une population qui partage le même patrimoine culturel, à travers une même origine, histoire, culture et/ou langue. Une ethnie n'est pas rattachée à un pays en particulier, ses représentants peuvent être éparpillés partout dans le monde et avoir la même ethnicité quand même. L'ethnie d'une personne fait partie de son identité, et elle influe sur de nombreux aspects de sa vie : langue, coutumes et pratiques, apparence physique, style vestimentaire, mode de vie… Elle nourrit aussi ses luttes et quêtes de reconnaissance : car l'ethnicité est un concept social et politique, qui prend en compte le sentiment d'appartenance à un groupe. Il est fortement lié à celui de minorités, qui cherchent à faire reconnaître la place de leur ethnicité dans l'espace public.

Folie

La folie est un concept à la fois médical et sociétal : dans le temps, elle désignait les troubles mentaux associés à la perte de raison ou du sens commun. Mais elle désigne aussi tout simplement une déviance de la norme, une posture marginale par rapport à la société. Aujourd'hui, le terme a disparu des manuels psychiatriques, néanmoins il perdure dans le langage commun de façon dénigrante et insultante, si bien que les personnes folles ont choisi de se réapproprier le terme : à nouveau, on parle de fou, de fol·le, pour désigner quelqu'un.e qui a une santé mentale altérée. Le mouvement « mad pride » en particulier lutte contre les préjugés sur les maladies mentales, contre les disqualifications sociales et sociétales qui menacent les personnes fol·le·s. En effet, celleux-ci sont menacé.e.s par des discriminations, mais aussi par les abus des institutions psychiatriques.

Grossophobie

La grossophobie est une discrimination basée sur le poids des personnes perçues comme grosses. Elle repose sur des stéréotypes selon lesquels le surpoids serait dû à une mauvaise santé, à un manque d'autodiscipline, à une paresse… Les personnes grosses sont ainsi souvent humiliées, reçoivent des commentaires déplacés, voire sont discriminées sur de nombreux plans : on leur refuse ou soumet à conditions l'accès aux études, au travail, aux soins, souvent en invoquant l'inadaptation de l'espace de vie ou du matériel. Dans les médias comme dans les autres domaines, les personnes grosses sont sous-représentées et, lorsqu'elles sont présentes, elles sont souvent cibles de moqueries, définies par leur comportement alimentaire et tristes par rapport à leur poids.

Discrimination systémique

La grossophobie est systémique : c'est toute une société inadaptée qui laisse comprendre aux personnes grosses que leur poids est un problème et qu'elles devraient avoir honte.

Handicap

Un handicap est une limitation dans sa participation à la société, rencontrée par une personne faisant l'objet d'une altération des fonctions physiques ou psychiques. La personne est restreinte dans ses interactions avec son environnement par rapport à ses homologues valides, et rencontre des difficultés physiques, sociales, ou psychiques. La société est profondément inadaptée aux personnes présentant de telles altérations, ce qui conduit à des situations d'inaccessibilité et d'incompréhension. Une personne est dite « en situation de handicap » en raison de ces situations.

Le handicap concerne d'après l'OMS près d'un milliard de personnes dans le monde.

Identité de genre & expression de genre

L'identité de genre est la conception personnelle que chacun.e a de son genre : c'est le sentiment d’être une femme, un homme, les deux, ni l’un ni l’autre, ou ailleurs dans le spectre du genre. L'identité de genre peut correspondre au genre assigné à la naissance (cisidentité) ou en différer (transidentité). Dès les années 60, des chercheurs ont prouvé que l'identité de genre se développe dès l'enfance.

L'expression de genre est la façon dont un·e individu·e exprime ouvertement son genre via son comportement ou son apparence. L'identité et l'expression de genre peuvent ne pas correspondre, selon l'avancement d'une personne dans son processus d'annonce de son identité de genre (par exemple : une personne assignée homme à la naissance et qui n'a pas encore annoncé sa transidentité à sa famille peut avoir une expression de genre masculine mais une identité de genre féminine) ou simplement son envie.

Le genre étant une construction sociale, ses conceptions varient selon les pays, l'Histoire, les sociétés, et est souvent présenté sous la forme d'un spectre où les possibilités sont infinies. À noter qu'identité et expression de genre peuvent évoluer et changer au cours d'une vie.

LGBTQIA+phobie

La LGBTQIA+phobie est un ensemble d'attitudes hostiles envers des personnes en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, réelle ou supposée. Cela peut-être de la peur, de la méfiance, du mépris, du dégoût, ou de la haine, par exemple, qui conduisent à des comportements discriminatoires (refus d'accès au travail, au logement, aux soins, à l'éducation…) et violents (remarques humiliantes, injures, harcèlement, agressions…).

Nombre de personnes LGBTQIA+phobes considèrent que l'hétérosexualité et la cisidentité sont la norme et excluent les LGBTQIA+. La cishétéronormativité de la société n'aide pas : en effet, la place est réservée aux personnes cis et hétéros dans la plupart des domaines, du divertissement à l'éducation des enfants, et cela contribue à l'invisibilitation des populations LGBTQIA+.

Minorités

Une minorité peut être ethnique, religieuse ou linguistique : il s'agit d'un groupe d'individus qui partagent une même culture au sein d'un pays où celle-ci n'est pas majoritaire. L'ONU considère comme minorité tout groupe ethnique, culturel, religieux, linguistique qui constitue moins de la moitié de la population d'un Etat. Néanmoins, cette définition ne prend pas en compte le fait que certaines communautés sont minoritaires dans un pays mais majoritaires dans d'autres, et cela n'en fait pas moins des minorités dans le sens où d'autres communautés ont un ascendant sur elles. Les minorités font face à des discriminations, au racisme, et plus largement à de l'exclusion sur la base de leurs caractéristiques ethniques, religieuses, ou raciales.

Note

A noter que le terme "minorité" n'est pas apprécié par tou·te·s les concerné·e·s.

Neuroatypie / neurotypie

La neuroatypie désigne les personnes présentant un trouble neurodéveloppemental tel que l'autisme, le TDAH, ainsi que les troubles dys. Par opposition, le terme "neurotypie" désigne les personnes qui n'en ont pas. Ces termes visent à distinguer les personnes qui ont un fonctionnement neurologique atypique de celleux qui ont un fonctionnement plus lambda.

Les personnes neuroatypiques peuvent aussi inclure toutes les personnes avec un trouble mental, quel qu'il soit. Dans les milieux plus anglicisés, on peut aussi croiser le terme "neurodivergent".

Privilège

Le privilège est, en sociologie, un avantage qu'a une population par rapport à une autre ; typiquement, le privilège blanc désigne les avantages qu'ont les personnes blanches par rapport aux personnes noires dans la société, comme celle de ne pas faire quotidiennement face au racisme, ou celle de conserver des avantages sociaux et économiques par rapport aux populations noires. Une personne avec un privilège est potentiellement en position de domination sur une personne qui n'en a pas. On peut également donner l'exemple des personnes LGBTQIA+, qui doivent se battre pour obtenir des droits que les personnes cis et hétérosexuelles, privilégiées, ont toujours eu.

Racisme

Le racisme est une idéologie qui considère qu'il existe des races au sein de l'espèce humaine et que certaines sont inférieures à d'autres, conduisant à de l'hostilité à l'égard des groupes de population considérées comme inférieures. Le racisme, tel qu'il est vécu par les minorités racisées de nos jours, implique une dynamique de pouvoir des personnes racistes (de par leur privilège) sur les personnes visées par leur racisme. Il conduit à des injures, de la diffamation, des discriminations systémiques, basées sur des stéréotypes négatifs, visions erronées et archaïques de certaines populations racisées. Comme on le sait, le racisme sert de base à des idéologies politiques de domination qui mettent en place ségrégations, colonisations, esclavages, et/ou font preuve de violences qui peuvent aller jusqu'au génocide.

Whitewashing

A l'origine, le whitewashing est un terme de l'industrie du cinéma qui désigne le fait de faire jouer à une personne blanche un personnage racisé. Au XXe siècle, on n'hésitait pas à recourir au blackface ou au yellowface pour grimer des acteurs blancs en acteurs noirs ou asiatiques, mettant en scène des stéréotypes et des clichés néfastes pour l'image de ces populations. De nos jours, si ces pratiques sont désormais mal vues, les rôles continuent d'être whitewashés en supprimant tout bonnement l'ethnicité de rôles à l'origine racisés, rendant les personnages blancs. Dès lors, l'industrie ne laisse que très peu de place aux acteurs racisés et réattribue le peu de rôles qui leur sont adaptés à des acteurs blancs.

RPG

Ce concept peut être appliqué à de multiples milieux, notamment le RPG où le choix des faceclaims ne doit pas oublier de prendre en compte l'ethnicité des personnages dans leur œuvre de base. Les personnages racisés étant déjà rares, évitons de supprimer leurs origines pour les rendre blancs.

Xénophobie

La xénophobie est la peur et le rejet de celleux qui viennent de l'étranger par rapport à soi. Elle se distingue du racisme en ce qu'elle peut toucher des populations blanches, se basant aussi bien sur la race présumée ou la couleur de peau que sur l'origine géographique, la culture ou la religion.

L'importance de la représentation

La représentation, c'est donner de la visibilité à des minorités qui n'en ont que très peu, de façon à changer les mentalités les concernant. En RPG comme ailleurs, on croise en majorité des personnages blancs, cis, aux corps maigres et/ou musclés, valides. On manque alors énormément de personnages racisés, de personnages gros, de personnages trans, de personnages avec des handicaps… Dans un milieu, certes niche, mais qui souhaite créer et refléter des sociétés, c'est surprenant de ne pas prendre en compte leur diversité !

La représentation permet de rendre des minorités plus visibles, mais aussi de combattre les stéréotypes négatifs qui peuvent y être associés. C'est important dans tous les domaines culturels, en particulier les films, séries, livres où les personnes issues de ces minorités ne peuvent que rarement s'identifier à des personnes qui leur ressemblent. Imaginez être une petite fille noire qui n'a dans ses dessins animés que des héros masculins et blancs ? Comment s'identifier et grandir avec des modèles parlants ?

Le RPG fait partie de ces domaines culturels où la représentation est nécessaire, d'abord pour refléter correctement la société, mais aussi pour permettre aux minorités d'exister, pour donner envie aux gens de s'y intéresser et de produire, pourquoi pas, des ressources adaptées, des LS d'avatars racisés, gros, non-binaires, voire même des univers sur ces thèmes. Les forums RPG doivent assurer une représentation correcte des minorités, ne serait-ce que pour assurer à leurs membres qui en sont issu·e·s irl une place saine au sein de leur communauté. En tant que membre, créer un personnage de ce type permet de participer, à votre échelle, à changer les mentalités et à donner de la force à vos adelphes racisés, gros, trans, handicapé·e·s… Vous pourriez même donner à vos admins du grain à moudre sur la façon de mieux adapter leur univers à tous les types de personnages, et à rendre leur forum plus inclusif.

Respecter les trigger warnings

Tout le monde ne réagit pas pareil aux mêmes thématiques : certain.e.s peuvent avoir eu des expériences déplaisantes, voire traumatiques, et lire du contenu en lien avec leur trauma peut les y renvoyer souvent de façon inattendue, et donc violente. Ainsi, il est devenu indispensable de prévenir qu'un texte contient ce type de contenus avant de les aborder. On appelle cela des trigger warnings (TW) ou avertissements de contenu. Ils ont pour but de mettre en garde et de sauvegarder la santé mentale des personnes concernées, en leur permettant de s'y préparer ou, tout simplement, de ne pas les lire.

En ligne, les trigger warnings sont souvent moqués. Pourtant, ils sont extrêmement importants pour éviter aux concerné.e.s les attaques de panique, les flashbacks, l'anxiété… Ils permettent également d'éviter les tentations et rechutes pour les personnes avec des TCA ou des addictions, notamment les TW nourriture, tabagisme, drogues, etc.

Sur PaB, l'indication des trigger warnings est impérative.

Vous devez avertir de la présence de sujets sensibles dès le début de votre post, et placer les passages concernés dans la balise <span class="tw">Texte</span> afin que le texte soit flouté. Tous les types de posts sont concernés, que ce soit la présentation de vos personnages, vos RS, vos rps, ou le flood.

Il est important de ne pas censurer vos trigger warnings, autrement dit d'indiquer clairement le trigger concerné (exemple : racisme, et non rac*sme).

Enfin, il vous est conseillé d'indiquer vos propres triggers dans vos profils, dans le champ "Triggers" prévu à cet effet. Ce champ est visible dans vos profils mais également dans les sujets que vous postez ; ainsi, l'ensemble du forum saura qu'il faut vous préserver sur ces sujets.

Éviter la grossophobie

Ressources :

Maladies mentales, handicap et antivalidisme

Écrire un trouble mental

PaB accueille avec plaisir les personnages avec des troubles mentaux. Nous avons cependant la volonté de déstigmatiser les maladies mentales, c'est pourquoi l'écriture de ce type de personnages doit toujours passer par des recherches éclairées qui vous permettront de traiter le sujet sans tomber dans le stéréotype, souvent nocif et insultant pour les personnes réellement concernées irl. En tant qu'espace qui se veut être une safe place, nous n'accepterons que les représentations correctes des personnes fol·le·s et neuroatypiques.

Nous vous conseillons donc de faire vos propres recherches, mais voici d'ores et déjà quelques guides sur les troubles les plus souvent représentés en RPG écrit, et les fausses idées à éviter.

  • Troubles anxieux (trouble anxieux généralisé, anxiété sociale, trouble de stress post-traumatique, trouble obsessionnel compulsif)
  • Troubles de l'humeur (dépression, trouble bipolaire)
  • Troubles du comportement (addictions)
  • Troubles de la personnalité (trouble de la personnalité limite / « borderline », trouble de la personnalité antisociale, sociopathie et psychopathie, trouble de la personnalité schizoïde)
  • Troubles psychotiques (schizophrénie, trouble délirant) (à venir)
  • Trouble cognitifs (trouble dissociatif de l'identité, amnésie, démence) (à venir)
  • Troubles du développement (trouble du spectre de l'autisme, trouble du déficit de l'attention) (à venir)

Autres ressources :

Écrire un handicap physique

Ressources :

Sexisme et sexualisation

Animes et sexisme

Les forums à avatars illustrés sont étroitement liés aux mangas & animes, dont la culture dépeint les femmes et les personnes LGBTQIA+ de façon particulièrement maladroite depuis que les Etats-Unis s'en sont mêlés. En conséquence, il n'est pas rare de croiser en RPG des représentations tout aussi maladroites de personnages féminins ou LGBTQIA+. Nombre d'entre nous ont par ailleurs grandi devant ces visions erronées.

Cette section du guide n'est pas là pour détruire les animes/mangas, on n'en nie pas les aspects positifs ni les thèmes plus profonds souvent abordés, mais on veut simplement vous donner des pistes pour déconstruire les quelques stéréotypes nocifs qu'on y croise souvent, afin d'éviter de les retrouver sur les forums.

Les héroïnes : hypersexualisées et infantilisées

Dans les Konbinis japonais, les magazines de mangas et les magazines érotiques sont indissociables : vendus dans la même section, les deux présentent des couvertures olé-olés avec des femmes hypersexualisées, en maillot de bain ou pires, même si le contenu n'a rien à voir. Vous vous dites peut-être que cette remarque n'a elle aussi rien à voir avec le contenu même des oeuvres, mais elle donne déjà une idée du traitement de la femme dans le milieu du manga, notamment dans les shônens, destinés au public masculin.

Les personnages féminins y sont beaucoup moins présents que les personnages masculins (sans même parler des héros, où les personnages féminins sont tout bonnement absents, la faute à une identification nécessaire du public masculin), et elles sont reléguées à un rôle secondaire, souvent de love interest ou de fan service. Les éditeurs de manga japonais n'hésitent d'ailleurs pas à aller jusqu'à faire des sondages auprès de leur lectorat pour déterminer si les personnages féminins d'un manga sont assez sexys. On cite souvent l'exemple de Nami de One Piece et sa poitrine grossissante au fil de l'anime, mais les sorties plus récentes n'échappent pas au phénomène malgré #MeToo.

Leurs tenues sont très souvent dénudées, et l'on rejoint ici les tropes de pop culture qui placent souvent les femmes dans des tenues sexy au détriment de la praticité ou des réalités du milieu où elles évoluent (tenues de combat avec le ventre à l'air, tissus affriolants, etc). Les seins sont omniprésents dans les mangas & animes, sujets de discussions obsessionnelles, de blagues graveleuses, de touchers inappropriés : on a notamment le trope de la jeune fille très timide mais à grosse poitrine, celui du héros complètement obsédé, ou encore des situations comme le héros qui tombe sur l'héroïne et lui touche les seins malgré lui.

En RPG

Ces tropes relatifs aux personnages se retrouvent facilement en RPG, où les avatars féminins à forte poitrine sont légion ; les fanarts les mettant en valeur, les croppings peinant à les cacher. Difficile en effet de trouver une référence qui n'a pas de corps mince avec une très grosse poitrine, et même avec toute la bonne volonté du monde on est bien obligés de faire avec : de la cacher comme on peut, ou de l'assumer pleinement tout en tentant de limiter la sexualisation de son personnage.

Les hommes "pervers" trop adorés

Les personnages hommes ne sont pas en reste car, dans les fiches personnages, les caractères comportent souvent l'adjectif "obsédé", "pervers", "cochon". Le terme "pervers" dans le sens « obnubilé par les femme » est par ailleurs directement tiré de la culture anime : Sanji, Tortue génial, Onizuka, Jiraya… Autant de personnages portés sur la sexualisation féminine désignés fièrement par ce terme dans la narration.

Rappelons que la perversion se rapporte normalement à tout ce qui dévie de la norme naturelle, notamment pour désigner quelqu'un qui aime faire le mal. Ce qui ne semble gêner personne dans l'écriture des fiches personnages. Définir son personnage par sa déviance sexuelle, c'est créer un personnage oppresseur et mal inséré socialement, qui sera mal vu par les autres, voire qui les dégoûtera : ce que ne semblent pas vouloir leurs créateur.ice.s. Au contraire, iels ajoutent souvent ce trait de caractère à une personnalité tout à fait acceptée socialement, le personnage se veut même souvent attachant. Comme dans les animes.

Souvent considérés comme des personnages par ailleurs formidables, les personnages "pervers" sont souvent adorés par les communautés animes, au mieux c'est simplement considéré comme un petit défaut, au pire comme un ressort comique apprécié. Ils servent à ajouter des scènes de fan service où les femmes sont donc sexualisées : on peut mettre leurs seins en valeur, faire passer la caméra sous leurs jupes, parler de leurs culottes, les espionner dans leur bain… Autant de moments qui plaisent à une certaine partie de la communauté. Dans la vraie vie, les gens qui font ça sont hautement inappropriés, et devraient être rejetés. Il est normal qu'en RPG, ce soit la même chose.

Il est tout à fait possible de jouer un personnage avec des caractéristiques négatives, mais si vous choisissez de faire de lui un obsédé sexuel, la légèreté est à exclure. Il faut prendre en compte cette qualité de prédateur sexuel, le rejet qu'auront les autres personnages auprès de lui, et les oppressions systémiques qu'il va perpétuer. Il va de soi qu'un tel personnage s'accompagne de tous les TWs appropriés et de l'autorisation de ses partenaires de rp avant de commettre un acte inapproprié.

La culture du viol et la question du consentement

Le manga banalise régulièrement le harcèlement et les agressions sexuelles : comme on l'a dit précédemment, le personnage du pervers est prétexte à tous types de fan service visant à montrer les corps des personnages féminins ; et c'est souvent fait contre leur gré ! En effet, elles sont marquées par des gestes et des réactions gênées, elles rougissent, se cachent, ou pour les plus courageuses se défendent par un coup. Elles se débattent, et cela augmente de sentiment de malaise au visionnage de ces scènes : mais dans les animes, c'est légion. En RPG, on retrouve parfois cette idée inacceptable que la "perversion" donne le droit de décrire ce type de situations qui tombent pleinement dans la culture du viol. Si les scènes d'agression sexuelle peuvent être écrites et autorisées sur les forums (avec le TW approprié), il est inacceptable qu'elles soient banalisées, ou qu'elles servent de ressort comique. Ce n'est pas drôle de jouer des scènes d'agression. Ce n'est pas acceptable de rire du non-consentement.

Pourtant, dans les animes, le consentement est souvent ignoré : on vole des baisers, on touche les corps sans autorisation… De femmes qui ont, par ailleurs, parfois l'air d'être des enfants.

La question du consentement se pose aussi bien dans les shônens que dans les shôjos. En effet, il est aussi souvent question de baisers volés puis finalement appréciés, de relations sexuelles accordées pour faire plaisir à l'homme. En outre, les personnages masculins se veulent parfois bad boys et se comportent très mal à l'égard des héroïnes : « Le problème, c’est le systématisme, le manque de recul de certains mangas où c’est normalisé. Le beau gosse est un rustre, mais comme il est beau, alors ce n’est pas grave ! » disait Bruno Pham, directeur éditorial d'Akata en 2018.

En résumé, que fait-on ?

  • On hypersexualise pas son personnage féminin : on réfléchit deux minutes à son style vestimentaire, on ajoute des détails réalistes sur son physique, on ne décrit pas ses sous-vêtements, sa façon de gémir (??), on ne fait pas rebondir ses seins (?????)
  • On ne centre pas son avatar sur les seins
  • On ne traite pas la perversion sexuelle comme un petit quirk attachant : on prend en compte le fait que le personnage est un oppresseur, on y met les TWs appropriés, on n'en fait pas un ressort comique, on vérifie que ses partenaires de rp sont à l'aise avec cet aspect du personnage sans imposer quoi que ce soit
  • On ne banalise pas la culture du viol : si on doit décrire des scènes d'agression (attouchements, baisers volés, viols), on y met le TW approprié, on n'en fait pas un ressort comique

Ressources :

Problématiques féministes dans le RPG écrit

Des personnages de RPG très loin des vraies femmes

Pour les personnages féminins, on retrouve aussi souvent l'objectification du corps dans les fiches. Lae créateur.ice mentionne sa taille de bonnet ou la couleur de ses sous-vêtements. Autant de remarques qu'il serait inapproprié de faire à propos d'une vraie femme, irl. Ce genre de détail est tout aussi inapproprié sur un forum RPG. En outre, les corps féminins présentés sont toujours minces à forte poitrine avec, comme on l'a dit, quasiment aucune référence d'avatars gros ou avec peu de poitrine. Dans les mangas, les corps féminins sont objectivés et dans les RPG, le phénomène continue. Il est temps d'y mettre un terme : la section Physique de la fiche de présentation est essentielle en ce sens, car elle permet d'ajouter des détails que l'on croise aujourd'hui très peu : poignées d'amour, vergetures, cuisses qui frottent… Ce genre de détails peut paraître anodin mais permet de sortir comme on peut des avatars aux silhouettes parfaites.

Par ailleurs, il est de bon ton d'aller au-delà du physique et de bâtir un caractère qui ne tourne pas qu'autour d'une féminité délicate et douce : les femmes ont des personnalités bien plus développées que ça, et d'autres préoccupations que de paraître la plus belle ou la plus douce possible. Dans les médias, il est courant qu'elles n'aient qu'un rôle faire-valoir, tourné vers la féminité ou son/ses prétendant(s) masculin(s) (car bien souvent, en plus, c'est hétéronormé). Il est important de sortir de ce carcan, de donner à votre personnage féminin un caractère riche, des intérêts complexes, qui la feront sortir de ce rôle.

Ressources :