Will you still love me when I no longer be beautiful ?
Dès le moment où je réalise que Vale ne va pas bien, tout ce qui se passe dans mon cœur change de sens. Depuis le début de la conversation, comme à chaque fois qu'on a la même, je me suis senti victime de reproches, mis dos au mur et... vous l'avez senti, mais c'est une position dans laquelle je suis presque confortable. Pas que j'aime non plus, mais y'a un côté rassurant à être là, à voir plus puissant, plus stable, plus inébranlable que soit vous assaillir. Parce que... on se dit que cette personne-là, elle est solide sur ses appuis, elle a aucun problème, elle peut nous aider, nous servir d'appui dans la vie. Enfin quelqu'un sur qui se reposer, même si ça nous vaut des engueulades !
Eh bien mettez-vous à ma place à cet instant, après plusieurs minutes sans le réaliser, en train de voir ma béquille, mon support, le rocher sur lequel je pensais pouvoir m'accrocher encore longtemps... peut-être pour toujours, sans jamais l'assumer vraiment, je le vois chanceler, s'effondrer doucement. Et pour moi c'est... une vision d'horreur. Le voir tête baissée, sentir des trémolos dans sa voix, le voir abandonner un à un ses griefs à mon encontre et n'entendre qu'un « ouais » résigné car lui-même ne croit peut-être plus en moi, ou plus en lui... !
Et enfin la phrase terrible, « je m'inquiète pour toi » qui vous fait instantanément regretter les mille confrontations, les mille moments où vous avez épuisé petit à petit sa réserve, sa force, la volonté qu'il avait de vous aider, de vous faire aller mieux, de prendre soin de vous. Vous avez tout épuisé et quand, désormais, vous voyez le fond du réservoir, il est déjà trop tard. Et puis... vous avez plus que déçu cette personne qui compte énormément pour vous, vous l'avez amaigri, vous l'avez poussé à jeter ses forces dans cette cause perdue qu'est celle de s'occuper de vous, et vous avez tout pris avec joie car enfin quelqu'un s'occupait de vous, sans jamais regarder si cette personne ne sacrifiait pas un peu trop à cette tâche.
A quel point j'ai été égoïste... ? La vision de Valériane implosant sous le poids des responsabilités qu'il s'est fixé envers moi... elle me rend dingue. Et je pense que ça se voit sur mon visage. Mes yeux s'écarquillent, je perds mes mots, je reste silencieux un instant d'une longueur ridicule et qui m'effraie car chaque seconde passée sans faire quoique ce soit l'enterre un peu plus, par ma faute. J'ai toujours été tactile, sûrement trop, sûrement avec trop de gens ce qui diminue la valeur du geste que je m'apprête à faire, mais en un instant je réduis la distance entre moi et Vale et je pose mes mains sur ses deux épaules. A genoux, face à lui, j'essaye de capter le regard de mon mentor. Je n'y vois pas encore ses larmes, mais les miennes aussi commencent à naître sans que je n'y puisse rien. Je ne veux pas, me faites pas ça, me laissez pas faire du mal à la personne qui m'a rendu la mort supportable, je vous en prie, laissez-moi me racheter... !
- Vale, s'il te plaît, regarde, je suis là, je vais bien... ! Regarde-moi, Vale... !
Je ne le secoue pas façon panique médicale, mais j'adopte plutôt un ton doux, aussi rassurant que faire se peut, mais on ne peut y manquer les hésitations et variations qui trahissent ma tristesse, mon remord, ma peur aussi. Et si effectivement il lève les yeux vers moi, tout ça se lira dans mes pupilles qui ne seront jamais capables de cacher mes émotions au reste du monde. Et là, tout de suite, je ne veux rien lui cacher. Il a l'habitude de me voir vulnérable, de me voir pleurer, mais Valériane ne m'a jamais vu pleurer pour lui.
- Vale... J'ai besoin de toi. Je garde ce que j'ai dit, je n'ai pas besoin de toi pour survivre, c'est bon, malgré les difficultés je sais maintenant comment m'en sortir, mais... j'ai quand même besoin de toi, tu sais ? Pour... pour tout le reste ! T'es... t'es le seul ami que j'ai ici ! Le seul ami tout court, je ne peux plus voir ceux que je connaissais de mon vivant... ! J'ai que toi, Vale ! Je... je suis désolé de t'avoir fait peser autant sur les épaules... Je te promets que je peux me débrouiller, tout ira bien, mais j'ai besoin de toi et si je peux faire quoique ce soit dis-le moi, s'il te plaît...
Ce que je dis est tellement confus. J'en suis encore à lui demander d'être avec moi, mais peut-être que ce qui lui faut, justement, c'est de plus me voir ? Que je le laisse enfin tranquille ? Est-ce que ça, j'en suis capable... ? Jusqu'ici je me rassurais à chaque conflit avec Vale, me disant que quand je serais capable de me nourrir tout seul, je pourrais enfin arrêter de solliciter cet homme qui, visiblement, en a assez de moi. Mais maintenant que, et il faut l'admettre, je peux me débrouiller plus ou moins facilement, je n'ai aucune envie qu'on s'éloigne, en fait. J'aime bien Vale ! Laissez-le moi, s'il vous plaît... !
KoalaVolant