Tout va bien dans le meilleur des mondes - [Céleste & Olympe]

J'ai l'impression de commettre la pire erreur de ma vie, mais on y est. J'ai eu deux semaines pour y penser, deux semaines à sentir son absence en me demandant si elle m'aime encore. Je me suis imaginé le pire, milles fois, j'ai pas osé lui envoyer de message pendant son absence. Puis j'ai fait le premier pas, je lui ai demandé si elle acceptait qu'on discute. Et nous voilà.

Je crois que j'ai les yeux encore un peu rouges, mais c'est pas grave. De toute façon, elle sait sûrement que je passe mon temps à pleurer. Je toque à la porte timidement, puis avec plus d'assurance et de bruit. J'ai essayé de me faire toute belle, de mettre une chemise propre et les mêmes bretelles que le jour où on s'est embrassées pour la première fois. Je sais pas, j'espère que ça aide. C'est des actes de désespoir, laissez-moi tranquille.

"Salut, Cél."

J'hésite un instant, j'ose pas l'embrasser, mais je peux pas m'empêcher de la prendre dans mes bras. J'ai le droit, au moins, non? Je m'écarte rapidement. Je sais pas ce qu'elle a dans la tête, si elle veut me larguer, si elle tient encore un peu à moi. J'arrive pas à imaginer que c'est le cas, toutes mes pensées me soufflent que c'est fini et qu'elle va me jeter à la poubelle. Et que je le mérite.

"Je... Je peux entrer?"

Elle me ferme pas la porte au nez. C'est déjà bien, j'ai aucun mal à imaginer qu'elle l'aurait fait si elle voulait se débarasser de moi. Mais bon, j'imagine que c'est que le début des emmerdes, de toute façon. Et ça va être gênant comme situation, pour moi c'est sûr, pour elle je sais pas. Je sais jamais ce qu'elle pense.

Je m'asseois sur le canapé. Je commence à bien le connaître, j'y viens dès que ses colocs nous laissent un peu d'espace. Dès que je peux, en fait. Je suis collante, il paraît.

"Ça va..."

Je crois que j'ai jamais sorti un aussi gros mensonge de ma vie, mais c'est pour la bonne cause. 'Fin, ma bonne cause. Je veux juste qu'elle pense que je vais mieux, qu'on pourra refaire comme avant, comme si de rien n'était. Qu'on a toujours été heureuses dans le meilleur des mondes. L'illusion durera pas, je le sais, je regrette déjà de pas avoir dit la vérité, mais c'est plus fort que moi.

"Je vais voir un psychologue maintenant. Un ancien collègue."

Ouais, non, je crois que j'aurais pas dû en parler. Ou au moins pas commencer par ça, c'était probablement une gaffe. Pas grave, je me rattrape rapidement, je passe ça sous le tapis.

"Et toi alors? C'était bien chez les vivants?"

À défaut de poser des questions pertinentes, je peux en poser plein.

Ok, c'est bon, j'ai compris, ça lui plaît pas que j'aille voir un psy. Je m'en doutait, et en même temps j'ai aucune idée de pourquoi elle est si hostile à l'idée. Qu'est-ce que ça lui fait, à elle? La question m'obstine un peu, j'essaie de la chasser. Tant qu'elle me demande pas d'arrêter de le voir, c'est pas grave...

Après ouais, j'aurais peut-être pas dû lui demander comment ça s'est passé chez les vivants non plus. Elle y va pas tellement pour le plaisir. Même si je peux pas m'empêcher de penser que ça l'arrangeait bien de disparaître au bon moment. Bref. J'oublie.

"Quoi? Non." Vraiment, de toutes les personnes du monde, c'est sûrement pas Constantine qui me conseillerait de devenir violente. Certainement pas. "Il m'a dit que t'étais la plue belle femme du monde et que tu méritais tout mon amour."

Et c'est le retour de l'humour pour esquiver les sujets sensibles ou fuir -maladroitement- le malaise. Ma grande spécialité, je sais qu'elle va a-d-o-r-e-r. Bon, je suis pas totalement stupide, je sais déjà que ça va pas lui suffire comme réponse. J'inspire, je souffle:

"Non mais il m'a dit que je devais travailler à te faire confiance, à te dire ce que je ressens ouvertement, tout ça..."

Tout ça, là, les trucs contraignants et douloureux à faire. Les bons conseils que j'ai pas vraiment envie d'appliquer. Je sens venir gros comme maison qu'elle va pester alors je me prépare à l'impact.

Il fallait vraiment qu'elle me rappelle l'épisode de la potion. Bon, c'est bien sur ça qu'on s'est quittées la dernière fois, alors forcément que ça devait revenir, mais j'ai vraiment pas envie d'en parler. Je maugréé, ça va contre les conseils de Constantine, mais j'ai juste envie de passer ça sous le tapis.

"Commence pas..."

Et elle insiste pas, le ciel en soit loué. Je crois que ça aurait vraiment mis la mauvaise ambiance. Enfin, encore pire que là, vous me comprenez. Je sens que c'est une histoire qu'elle va réinvoquer à chaque fois qu'on aura une dispute ou quoi que ce soit du type. Elle est pas du genre à pardonner, ou à oublier.

Bon, elle m'écoute. Manquait plus que ça. Du coup, je sais plus trop quoi dire. Me rappelle rapidement de ma séance avec le psychologue, j'inspire, faut que je me lance.

"Bon, tu sais... Que je vis pas une période facile de ma vie."

Tu parles d'un euphémisme. Je suis un train qui déraille droit vers un puits à pétrôle. Bref, j'inspire à nouveau, je me retiens de pleurer (oui, encore) et je continue.

"Et je sens que j'ai besoin de ton soutien, pour continuer." Vers quoi, vers où? C'est des détails, tout ça. "Et donc je veux savoir si tu veux encore qu'on soit en couple ou... Ou si tu veux pas ça, et que t'as pas envie de te rendre disponible pour moi."

Voilà. Je peux pas faire plus concis, quand même. Elle voulait m'entendre, c'est cadeau, c'est donné.

Qu'on reste amies? Vraiment? C'est tout ce qui lui vient, bah génial. Franchement. C'est aucune des deux réponses que je pouvais attendre, et c'est presque pire que me faire larguer.

Et elle dit enfin ce qui finit de me crever le coeur. Elle sait pas si elle m'aime. Elle sait pas, apparemment. Sauf qu'il y a pas quinze jours, elle a été forcée de l'admettre, maintenant elle me raconte ces conneries. Elle ose me mentir, à peine on se retrouve elle me prend pour une conne. Mais ah oui, madame veut bien quand même qu'on se retrouve pour faire des galipettes, hein. Je sais même pas à quel jeu elle joue, mais ça me plaît absolument pas. Si c'est la vérité, c'est juste qu'elle m'aime plus, et veut pas l'assumer.

J'en ai marre. De tout, mais surtout d'elle. Faut que je la félicite, au moins je commence à ressentir quelque chose d'autre que de la tristesse ou un truc mou. C'est brûlant et vivant, je sens la chaleur dans mes veines à nouveau, je respire de la fumée. De la rage. Inextinguible, hystérique, parfaite.

"Tu sais pas? Tu sais pas!?"

Je me lève brusquement, je vois rouge. J'attrape un vase en flûte, tente de lui jeter tout ce qu'il contient à la gueule. Bon, les fleurs et la moitié de la flotte finisse par terre, mais au moins quelques goutelettes la touchent.

"C'est ça ta définition de l'amour? Me garder comme plan cul quand t'as plus envie de t'investir?"

Je peux pas lui imposer de me supporter, je le saurais si j'avais la tête froide, mais là j'ai plus contrôle sur mes pensées. Je veux pas réfléchir, je veux pas comprendre, je veux juste... Casser des trucs.

"T'es une ordure. T'es horrible."

Et le pire, c'est que je l'aime encore. Je peux pas oublier magiquement les moments qu'on a passé ensemble, je peux pas tout réécrire et prétendre qu'elle m'a jamais plu. Ç'aurait été trop simple...

"Je... Je veux plus jamais voir ta gueule nulle part."

Et je tourne la mienne pour partir, tout juste à temps pour pas pleurer devant elle. Elle mérite même pas que je pleure pour elle.