terminus. tout le monde descend ! — ft. sadie

Eulalie sonne comme l’hallali c’est-à-dire le cor qui entonne le combat animal aux abois Eulalie tu es en guerre avec toi-même il y a tant à dire mais si peu de mots oh pourtant les mots acides et piquants sont ton arme de prédilection celle dont tu uses et abuses comme de tes jolies potions jolie Eulalie tu passes une main dans tes long cheveux roux discret s’il y a une chose que tu es contente de ne pas avoir perdu c’est bien cela quoique tu pourrais plutôt remercier tes fournisseurs oh tu consommes Eulalie

du cache-misère des doux camouflages pour cacher la misère la peau en charpie qui tombe en lambeaux belle toxique tu es empoisonnée et tu empoisonnes par ton existence qui s’abandonne ah c’est douloureux ça te démange et dans le fond rien ne s’arrange non ne tombe pas pas encore pas ici pas maintenant Eulalie tu sombres mais c’est trop tôt regarde le monde est si beau l’est-il encore hein l’est-il encore quand elle n’y est pas quand elle n’y est plus je ne sais pas mais

tu regardes à travers la vitre le paysage qui passe et s’efface il fait gris le soleil éclaircit le ciel bleu qui s’ennuie drôle de vie parfois les vivants se recueillent sur leurs morts et parfois les morts se recueillent sur leurs vivants c’est ainsi et c’est aussi le but de ton excursion aujourd’hui tu prends le bus pour te rendre dans un lieu particulier un cimetière dans lequel on pourrait prier les êtres aimés c’est ce que l’on raconte parfois tu ne sais pas si c’est vrai on verra bien

tu soupires est-ce que tu en as vraiment besoin après tout le passé c’est le passé rien ne sert de tergiverser non c’est un mensonge tu le sais

tu n’as pas oublié

tu n’oublieras jamais

c’est inscrit dans ton corps tu ne peux pas l’effacer même si tu le voulais c’est en toi à jamais dans chacun de tes pas chacun de tes gestes chacun de tes souffles inspire Eulalie et regarde par la fenêtre ancre-toi et encre-le

derrière toi il y a Sadie drôle d’amie enfin je dis amie mais tu ne dirais pas vraiment ça toi drôle de connaissance oui je ne sais pas vraiment ce que c’est ce que l’on est en tout cas elle c’est une chimère qui déteste le monde et toi tu es une zombie qui déteste le monde et comme l’on dit qui aime bien châtie bien est-ce que ça s’applique ici je ne sais pas vraiment c’est ce que l’on dit mais

tu l’écoutes d’une oreille distraite faire les cents pas dans sa tête elle se plaint du voyage et ne fait pas dans la dentelle mais plutôt dans la dent-tout-court ça commence à te taper sur le système tu aimes le calme et la tranquillité ou du moins tu l’aimes quand tu l’as décidé à la vérité tu ne détestes pas être dérangée tant que cela mais tu gardes la face tu te le dois et toutes les offenses tu les vois tu soupires une nouvelle fois

bruyamment

ça ne marche pas vraiment alors tu affutes ton verbe et tu siffles entre tes dents :

— Tu pourrais baisser d’un ton, s’il te plaît ? On arrivera quand on arrivera, ça ne sert à rien de jacasser.

Moi aussi ça m’embête d’attendre assise là j’ai envie d’être là-bas mais je n’en dis rien je reste patiente oui parce que tu vois tout ça eh bien ça me donne l’impression d’être meilleure que toi

et j’aime ça.