take five // ft. Yasuke

Pour montrer que tu es un.e bon.ne ami.e, tu scrutes le reste de la foule à la recherche des autres membres du groupe mentionnés par Yasuke. Tu les salues de loin, mais c'est beaucoup plus rapide que le regard que tu adresses à ton ami après - comparable à celui d'un chien qui a enfin compris qu'il fallait donner la patte et attend impatiemment sa récompense. Elle ne viendra pas, et tu le sais. Mais c'est pas faute d'essayer.

- Faudra que tu me les présentes, un jour ! Ils ont l'air sympa, tu le dis plus par politesse, parce que les regards interloqués que certains t'ont jeté pendant ton incroyable performance depuis le public, tu les as encore en travers de la gorge. Ne surtout pas le montrer - sinon, Yasuke se demandera qui est venu remplacer ce bon vieux Foulques, qui n'en veut jamais à personne, qui n'a pas été triste ou énervé depuis des années, au moins.

Et c'est en gardant ce sourire niais (qui énerverait n'importe qui d'autre que Yasuke, qui, c'est bien connu, a la patience d'une montagne qui veille sur une vallée depuis des millénaires) que tu l'écoutes, toujours aussi modeste. Bon, tu finiras par abandonner les encouragements et les compliments pendant une petite période, s'il est aussi doué pour les réfuter - et aussi obstiné, surtout. C'est juste que vous ne voyez pas les choses de la même façon, tous les deux. C'est étrange quand on y réfléchit, alors tu ne vas pas le faire. Dieu sait ce qui peut arriver à ton cerveau si tu en abuses.

- T'as tout dit..., tu admets. Moi, j'ai toujours trouvé ça un peu frustrant, donc quand je t'écoute parler, je me demande pourquoi je peux pas voir les choses comme toi...

Oh non, terrain glissant. C'est sûr qu'il vaut mieux s'ouvrir sur ces sujets en présence de Yasuke, plutôt qu'avec quelqu'un de moins compréhensif. Lui saura t'écouter si tu lui avoues les craintes que tu as concernant la musique, mais tu auras toujours avec toi cette peur du jugement, qu'on te laisse en plan parce que tu as osé demander plus de tes amis que ce qu'ils te donnent de bon cœur. Ce genre de doutes qui te garde éveillé la nuit.

- Après..., tu tentes de te rattraper avec ce sourire qui t'avait échappé une seconde plus tôt, peut-être que ça changera quand je me remettrai à la basse. Avec toi pour m'accompagner, en plus. Si j'en crois les élèves de ton dojo, t'es un super prof. Je compte sur toi, hein !

C'est peut-être la fatigue, mais tu ne comprends plus un traître mot de ce qu'il raconte. La comédie a donc ses limites, ta couverture ne dure jamais éternellement. C'est pourquoi tu te contentes de le regarder comme le ferait un poisson rouge. Que tu imites à la perfection.

Ouais, t'es peut-être un tout petit peu fatiguée.

Unique. Tu l'es, ça, tu en es sûr. C'est pas toujours pour le meilleur. Mais quand tu l'entends de sa bouche, ça efface les regards déçus et ceux qui te disaient "fatiguant". Ca en vaudrait presque la peine, d'être comme ça.

- Mais je suis toujours inspiré.e par toi, mon cher, clin d'oeil. Je ne pourrai jamais prétendre te copier, j'ai pas un centième de ton talent...

Tu fais exprès de pas comprendre, ou quoi ?

Laissons passer, comme à chaque fois. Yasuke est une montagne de patience. Mais il n'a sûrement pas toute la nuit pour tes sottises. Le connaissant, il doit avoir une routine extrêmement stricte... le genre de guerrier qui ne peut pas se permettre de perdre la moindre minute de sommeil. Dans ton cas, on est plus sur du free-style. Même s'il est vrai qu'il commence à se faire tard.

Avec les quelques forces qu'il te reste, tu finis par te lever (tu aurais peur de rester collé à la chaise, sinon). Une énième tape dans le dos de ton ami, à ce stade, il continuera de ressentir les coups longtemps après ton départ. Tu aimes que les gens gardent une impression de toi, après tout.

- Ca, on en parlera après notre premier cours ensemble, okay ? Tiens-moi au courant de tes disponibilités, je sais pas toi, mais moi je brûle déjà d'impatience.

Et c'est sincère, ce que tu dis. Ca ne t'empêche pas d'attraper ton manteau comme si tu devais partir de cet endroit le plus rapidement possible - alors que tu as juste hâte de retrouver ton lit douillet. Jusqu'au bout, tu seras dans l'excès de vitesse.

- Tu sais comment me contacter, ne m'oublie pas, ok ? Merci pour cette belle soirée, hâte de la prochaine !

Tu le prendrais bien dans tes bras, car c'est comme ça que tu aimes remercier les gens, mais tu n'es pas trop sûr.e de son rapport aux contacts physiques. Tu détesterais le quitter sur une note désagréable pour lui. Qu'est-ce que ça serait malaisant, en plus.

C'était beau de le revoir. Et de ne pas gâcher les choses, pour une fois.