Par une amabilité d’emprunt, finalement, il parvient à lui soutirer quelques informations qui s'avèrent utiles. Méthode préférée des roublards, c'est avec un rictus écœuré qu'il s'y jette pour aborder son vis-à-vis. Il ne l'aime pas et le message a clairement été passé au préalable, certes, mais ce revirement trop brusque devient déjà trop toxique qu'il se met à tousser en supplément de son empourprement, témoignant d'un état inédit et improbable chez lui.
Manquant d'aigreur sur la langue, il se racle la gorge pour chercher une bile noire et acariâtre. De ses yeux aguerris de prédateur, il balaye toute trace de faiblesse qu'il peut dégager dans les paroles d'un fourbe.
Si doucement, si sournoisement, il se glisse comme un vice.
Fourbe. C'est ce qu'il est et rien d'autre donc absolument, il doit s'y méfier. Et ce n'est absolument pas comment Brendan agit puisque timidement et anormalement, il lui a tendu son téléphone. Certes, ce n'est qu'une pièce connectée qui lui importe si peu. Mais si on lui vole, il se mettrait uniquement en colère car ça reviendrait seulement à un vol de son éternelle vigilance.
Ainsi donc, dans ses singulières dernières défenses où il a été forcé d'abattre les poings contre le béton et le regard contre les arbres du bosquet, ses mots bredouilles sont l'ultime moyen de contrecarrer des plans fallacieux qu'il pourrait mijoter :
— Y a que des crétins comme toi pour mettre leur date de naissance en mot de passe.Mémorisant brièvement le mot de passe qu'il oublierait d'ici quelques minutes tant son esprit à autre à penser, il l'insère immédiatement sans maintenir un énième regard à l'adversaire à ses côtés qui pourrait, finalement, très bien, accomplir un coup d'estoc à ce moment précis pour le blesser et s'enfuir avec des coups de propriétés personnelles ; autrement dit, s'enfuir avec son téléphone.
Cela dit, l'issue est peu probable sachant que l'autre ne pourrait s'enfuir sans le vol d'identité qu'il désire peut-être.
Affirmatif, il attend bel et bien que Brendan lui donne son mot de passe et pour plus de confiance, il a donné le sien en premier. La seule réponse que l'américain lui offre et une réponse physique à la révélation ; il ne lui répond pas en paroles mais agit et compose le code qui se manifeste être le bon et pas une entourloupe. Ca ne sent pas encore le roussi mais bien le vinaigre, cette histoire.
D'un air suspicieux, l'arête du nez du brun se renfrogne pour faire plisser ses yeux et ne s'en détache pas, cette fois-ci, puisqu'il donne à son tour, une information quelque peu compromettante à sa survie. Néanmoins, il reste moins intime que le sans-nom qui lui a avoué sa date de naissance. Certes, il ne sait pas quoi faire de cette date qu'il oubliera forcément mais le révéler, c'est perdre un peu de sa couverture ; que d'ailleurs, l'ectoplasme cherche à se donner depuis le début même si le sang s'étant écoulé prouve qu'il n'est pas fait de métal.
— 1101. Code binaire.L'intensité de ses prunelles ne diminue pas et s'égare sauvagement sur tout le visage illuminé par l'écran de son voisin. Cette insistance pourrait traduire cet effet de cruelle et persistance vérité sur la langue de Brendan mais finalement, c'est un mensonge des mieux rodés.
On le juge peu intelligent mais il sait étendre sa culture sur certains langages. Encore qu'il ne le maîtrise absolument pas. Encore que cela ne veut rien dire ; hormis sa propre date de naissance mais à l'envers (Premier novembre). Finalement, on a bien fait de le prendre pour un
crétin.
Brendan accomplit un geste de vague avec la main pour laisser aller ce mensonge d'amateur. Il n'apprécie pas feindre mais ne pas dire quelque chose, selon lui, ne veut pas forcément dire que l'on ment. Drôle perspective des choses, en effet. Mais cette omission le rend tout de même quelque peu désabusé de sa personne.
Comme si les blessures cutanées étaient moins atroces que celles faites à l'esprit.
Il se mord la lèvre et relève ses mèches, contemplant la peau violacée à certains endroits de ce garnement là.
— Tu ferais mieux d'aller à l'infirmerie ou autre.S'excuser serait peut-être un peu exhaustif, de sa part. Mais son anxiété pour un diable pareil n'est pas négligeable.