Une matinée, une après-midi.
Il renseigne, range, commente, discute. Debout au milieu d’une allée, près d’un groupe d’étudiants qui s’inquiètent de trouver la ressource
parfaite pour un exposé sur un sujet si obscure et abscons que lui-même n’est pas sûr d’en comprendre le sens -ou l’intérêt. Mais il est loin de juger qui que ce soit ou quoi que ce soit, après tout ce n’est pas son rôle ; c’est même l’exacte opposé. Il sourit, ri même parfois, plissant suffisamment son regard pour que ses rides s’en retrouvent accentuées, ne rajoutant qu’un peu plus de véracité à ce poncif comme quoi les bibliothécaires sont de vieilles personnes. Notamment aigri, un raccourci qui se fait gentiment balayer d’un revers de la main et sans un regard grâce aux sourires doux et à la patience de Guillaume. Une journée calme, en somme.
Ses habitudes ont pourtant la vie dure et le voilà qui observe discrètement par-dessus ses lunettes les personnes qui défilent devant son bureau de renseignement. Un livre à la main, la tranquillité d’un début d’après-midi printanier lui permet de pouvoir lire sans avoir peur de manquer à son devoir. Les allées se vident, les tablent sont désertées et il mentirait s’il disait que cette vision ne lui apporte pas une forme de contentement. C’est toujours le nez dans son roman que le vieux bibliothécaire voit une tête peu connue du coin de l’œil. Discret, il se contente d’observer le visage de l’inconnu un instant avant de se replonger dans sa lecture. De visages nouveaux ce n’est pas ce qu’il manque, de tous âges et toutes origines.
Les minutes passent et il se voit bien obligé de reposer son livre et commencer à ranger les retours. Soupirant légèrement avant de s’étirer, faisant craquer quelques vieux os, le voilà armé de sa pile de livre à arpenter chaque allée, ranger, trier, réorganiser. Il fredonne un air qui semble si ancien que lui-même n’est pas totalement sûr de son origine ; est-ce un vieux chant de son époque, une composition originale de son mari ? Les souvenirs se mélangent et de toute manière, cela lui importe que peu. Ça l’occupe alors que sa tâche est
lente et
pénible. Au moins il y trouve du positif dans le fait de ne pas être interrompu toutes les deux minutes par des étudiant·e·s en panique, lassé·e·s ou arborant des cernes plus longs que n’importe quel vampire de fiction -ou même issu du Monde des morts.
Un voyage, un rangement, et ainsi de suite. Rien de bien passionnant. Suffisamment pour que l’esprit de Guillaume ne soit pas aussi concentré qu’à son habitude, ce qui expliquerait sûrement pourquoi il se retrouve les pieds pris dans la chaise d’un usager, faisant tomber la pile de livres qu’il tenait dans le creux de ses bras. Un joli bruit de chute sourd, il se retient au dossier de la chaise d’un mouvement brusque mais parfaitement calculé, croisant le regard de l’usager plus que surpris. C’est compréhensible. Un léger
excusez-moi entre ses lèvres alors qu’il se redresse, tape doucement ses vêtements comme pour se redonner une composition ; c’est le genre d’erreur qui lui rappelle son âge, réel comme vivant.
« J’espère ne pas vous avoir dérangez dans vos … »Il marque une pause. Difficile de ne pas remarquer l’écran, la recherche visible comme le nez au milieu du visage et le regard de l’usager.
Mmh.
« … Recherches. Permettez-moi. »Il récupère les livres tombés au sol mais également près du clavier de l’ordinateur avant de les serrer entre ses bras, le sourire doux. Doux d’une personne qui ne cache pas ce qu’il a vu, ce qu’il sait. Ça ne serait qu’hypocrisie de faire comme s’il n’avait rien lu -même si ce serait sûrement bien plus acceptable socialement parlant. Dommage que Guillaume ait déjà tant vécu, il oublie souvent que ce qui lui semble normal et naturel peut être source de gêne pour tant d’autre. Ou bien il le sait parfaitement et il trouve cela un peu
amusant ; qui pourrait le savoir ? Se penchant légèrement, il se contente de faire un geste de la tête en direction de l’écran avant de poursuivre.
« Je vous conseille vivement la recherche en navigation privée, surtout sur des ordinateurs publics. Bien, hormis si je peux vous êtes d’une quelconque aide comme, disons, trouver le titre d’un livre quel que soit le sujet, je vous laisse. Oh et, je m’excuse de nouveau platement pour le dérangement. »Il le salue d’un léger signe de tête avant de s’apprêter à tourner les talons et s’éloigner.
Résumé
762 mots
La tenue de Guigui ofc Du coup pour Guigui c'est une journée calme, ça se passe bien jusqu'à ce que patatra les bouquins et du coup il peut pas s'empêcher de zieuter l'écran de Val