Peek a Boo ! est un forum rpg dont la v4 a ouvert en février 2023. C'est un forum city paranormal où les personnages sont décédés ; après une vie pas très chouette, iels se sont vu offrir une nouvelle chance et évoluent désormais dans le Tokyo extravagant de l'au-delà.
起死回生
Des amis, c'est ce que nous sommes censés être. On se connait depuis quelques temps maintenant, même si je n'ai jamais vraiment compté les jours depuis notre rencontre. Ce n'est pas comme si tu étais mon petit ami. Je n'ai pas besoin de date officielle.
Aujourd'hui c'était à mon tour de choisir des défis. C'est comme ça que l'on fonctionne, toi et moi. Je ne sais même si l'on s'est déjà donné rendez-vous pour autre chose qu'un truc illégal. Parce que oui, ce n'est pas vraiment un défi gentil qui est prononcé à chaque fois. Tu n'es peut-être pas celui qui m'a fait sortir en fille en pleine ville, tu m'as déjà donné du fil à retordre. Plusieurs fois j'ai même dû abandonner. Tu vas sacrément loin dans l'idée, tu pousses le vice parfois à la limite de la décence. Et tu le sais, pourtant, je n'ai pas de limite. Je peux me promener nu dans la rue, me jeter dans le lac depuis un pont, faire croire à une idylle amoureuse à un petit jeune naïf ... Je peux faire beaucoup de choses mais parfois, tu vas trop loin.
Ok, je veux bien l'avouer, je ne suis pas non plus innocent dans l'histoire. Faire cramer l'école, c'était mon idée, et on aurait pu aller au bout si cet imbécile ne s'était pas pointé dans le couloir. Dans tous les cas, je pense malgré tout que tu vas toujours plus loin que moi. Et si je ne connais pas grand chose de ton passé, je sais que ce n'est pas anodin, toutes ces idées.
— Qu'est-ce qu'on fout là ?
Pourquoi je pose la question, alors que c'est à mon tour de donner un défi ? Histoire de donner un air mystérieux à cette nouvelle péripétie. Ridicule et inutile. Surtout avec le ton que j'ai employé.
— Devine où ils mènent, ces égouts ?
Je n'ai pas choisi le meilleur des endroits. Et en plus, mon idée n'est pas forcément la meilleure. Elle n'est même pas complètement terminée. De base, le défi c'était " se promener dans les égouts " mais comme tu trouvais ça trop facile, j'ai décidé que ce ne serait que le début. Sauf que ... et bien ... je n'ai pas de suite. Il va falloir que j'improvise, tu sais, et ça ne va sans doute pas être très facile.
J'ai beaucoup de choses en tête ces derniers temps. Lancer des défis et les réaliser ne sont pas mes préoccupations premières et pourtant, je suis quand même là, à marcher dans ces égouts. L'odeur est forte, l'eau croupie à côté de nous est verte, parfois noire. J'ai comme une envie de te pousser dedans mais je sais que les choses ne se passeraient pas comme prévues si je le faisais. Tu m'y pousserais aussi, et tu sais parfaitement que je suis de mauvais poil lorsque je suis sale.
Mais c'est de là que vient l'idée. Tu devrais nager dedans, n'est-ce pas un bon défi ? Je me redresse, fier de ma découverte. Je sais qu'en proposant ça, tu vas me le faire payer, et le prix sera bien plus élevé. Je ne sais pas où tu vas me trainer si tu acceptes, mais je sens que je vais hésiter avant de me lancer ou de faire machine arrière. Mais c'est le jeu, comme on dit.
— On s'arrête. Regarde ce petit fleuve purulent. Un bain et quelques longueurs pour garder la forme, ça te tente ?
Je ne m’étonne pas de l’entendre parler de la beauté relative des catacombes. Je m’y étais rendue, une fois, je ne sais plus trop où dans le monde. Ne voir que des os ne n’avait pas ému et pourtant, je n’avais pas été capable de prononcer le moindre mot. Toutefois, j’ai l’habitude de ce genre de réflexion de la part de Maxence. Cela fait suffisamment longtemps que je le côtoie pour cela.
En vérité je ne savais pas trop où les égouts menaient. Certainement à une station d’épuration, avant que les eaux désormais propres soient relâchées dans la mer ou quelque chose dans le style. Je ne suis pas forcément très au point sur le système utilisé. Dans tous les cas, ça va nous mener quelque part. Je ne compte pas que l’on aille jusqu’au bout. Il suffit que je lise les indications sur les murs pour savoir où remonter. Mais pour l’instant, c’est l’heure de s’amuser ici-même.
— T’es sérieux, là ?
Je ne peux pas croire qu’il soit vraiment en train de se déshabiller pour entrer dans l’eau. Même mort, on ne sait jamais ce qu’on peut attraper, et qu’importent les potions pour aider sur ce point. Je n’ai jamais tenté d’en prendre, mais je sais qu’elles existent. Ce n’est pas un secret. Ai-je confiance en ces trucs ? A moitié. Et de ce fait, je préfère m’abstenir sur des actions qui peuvent mettre mon corps en danger.
Je tourne la tête lorsqu’il enlève son caleçon, je n’ai pas vraiment envie de voir ses parties intimes. Suis-je gêné ? Peut-être. J’en vois beaucoup, je dois dire, je partage mon lit avec de nombreux amants, et je pense être suffisamment aguerri sur le sujet pour ne pas en avoir peur. Mais Maxence … c’est mon ami, rien de plus, et cela rend donc les choses plutôt pesantes. Je ne dis rien, malgré tout, et le regarde plonger.
— Attends, j’ai pas fini.
Je tire devant moi le sac à dos que je traine depuis le départ. Il a l’air volumineux mais en réalité, il est très léger. Peut-être par ma condition de vampire, ou peut-être parce que je n’ai pris qu’un petit objet pour pimenter les choses. Sans rien poser sur le sol immonde, contrairement aux vêtements de Maxence, je sors avec un grand sourire l’aileron de requin en plastique que j’ai acheté il y a peu dans une boutique de farces et attrapes.
— Ok, c’est moins drôle qu’à la plage, mais il faut bien qu’on le teste à un moment. Tu me fais voir le rendu avec ça sur le dos et toi entièrement sous l’eau ? Montre moi tes talents de nageur.
Il allait se rhabiller, je le sais. En même temps, il a relevé le défi. Il a nagé, plongé, fait tout ce qu’il fallait pour que je ne puisse que valider. Il a trouvé ça facile, cela peut-il signifier que l’action qu’il me demandera de réaliser sera acceptable ? Je reste sceptique malgré tout.
Je fais un pas en arrière après que Maxence m’ait touché la joue. Il vient sérieusement de faire ça ? Alors qu’il a plongé dans les égouts quelques minutes avant ? Et qu’il sait que je déteste ça ? Je reste livide plus par son geste que par ses paroles. Bien sûr que j’en ai vu, des bites. Autant appeler un chat un chat, n’est-ce pas. Plus qu’il n’a du en voir de toute son existence. Après tout, ce n’est un secret pour personne, je suppose.
— « Moche ou pas, ce n’est pas la question. T’es mon pote, pas mon plan cul. »
Maxence a l’air de s’amuser, dans l’eau croupie. Il nage, il fait des vagues, et soudain, il m’attrape le pied. Encore une fois, la puanteur des égouts me revient à la gorge et je me recule vivement lorsqu’il me touche. Vraiment, pourquoi j’ai eu cette idée alors que ça me dégoute à ce point ? Je dois quand même avoir un petit côté masochiste.
— « Tiens, attrape ça. »
Je lui envoie la serviette que j’avais prévue pour l’occasion, et frissonne à l’idée du défi qu’il va me lancer. Je sais qu’il ne plaisante jamais à ce sujet. Facile n’est pas un problème, c’est la saleté qui me dégoute. Vraiment. Et les égouts ce n’est clairement pas possible. Il faut vraiment que je trouve une échappatoire à la situation. Qui m’a filé l’idée de l’emmener ici, d’ailleurs ?
— « Vas-y mollo quand même, j’ai un rencard ce soir j’préfère éviter de devoir me laver au karcher. »
Je soupire quand j’entends qu’il ne compte pas m’envoyer dans l’eau. C’est déjà ça, car c’est vraiment la chose que je craignais le plus. Même s’il ne demande jamais à ce que je refasse la même action que je lui impose, il reste souvent dans le même état d’esprit. Et je peux alors en vouloir à mes sources pour leurs idées merdiques.
— « Alors, c’est quoi ton idée certainement pas brillante ? »
Mon aileron de requin traine au sol. Je sors alors un sac en plastique et l'emballe sans y toucher. Karcher ce soir, je n'y touche pas tant qu'il n'est pas décontaminé. Vraiment pas. On peut peut-être dire que la saleté est une de mes phobies. Et pourtant, ça ne me gêne pas de m'envoyer en l'air plusieurs fois dans la même soirée sans me laver entre temps ... avec le même partenaire, évidemment. Quoi que.
J’écoute le défi que Maxence me lance en restant de marbre. C’est donc ça, ce qu’il veut que je fasse ? Je trouve qu’il gâche sa chance de me donner un véritable défi. Même s’il veut mettre cela en ligne sur les réseaux sociaux, cela ne me dérange pas. Je crois ne jamais avoir parlé avec lui des textes que je composais, de la musique que j’écrivais et chantais de mon vivant. J’aurais pu devenir chanteur si je n’avais eu pas la frousse de me retrouver seul sur scène devant des centaines, puis des milliers de personnes.
Quoi qu’il en soit aujourd’hui, je n’ai pas peur de me ridiculiser même si je chante une chanson pour enfant. Je sais que je ne chanterai pas faux. Même si j’ai une réputation à tenir sur les réseaux sociaux, franchement, je n’ai pas peur de tout ça. Ce n’est pas de chanter dans un tuyau qui va me rendre ridicule.
J’ai cependant ma petite idée sur la chanson que je vais interpréter. Et quitte à être physiquement obligé de la chanter pendant soixante longues minutes, autant en faire profiter Maxence. C’est son défi et il n’a pas dit que l’utilisation de cette foutue glace – que je réservais à quelqu’un d’autre – est interdite.
Je passe mon sac à dos sur mon torse et sors de sous les vêtements une petite glacière. Même si nous sommes en octobre il fait encore bon sur la ville et j’ai toujours avec moi de quoi nous rafraichir. Purement physique, d’ailleurs, car je sais que l’eau ou les sodas ne me font rien. Il me faut du sang pour cela.
Dans ma main se tient cependant la glace achetée au magasin de farces et attrapes. Je vais en avoir une heure et je n’ai malheureusement pas de bouchon d’oreille pour ne plus entendre ce supplice. Maxence finira par l’avoir en tête, lui aussi.
Je commence à manger la glace sous le regard de mon ami. Va t-il dire que c’est de la triche ? A t-il au moins reconnu quelle est cette glace particulière ? Je me mets à rire tout en cherchant un tuyau. Heureusement que j’ai un minimum de force pour en détacher un du mur. J’ai peur de ce qui va s’en écouler.
En fermant les yeux, je dévore le reste de la glace et m’attaque au cornet. Je ne sais pas quand commence l’effet. Sans doute quand tout est avalé. Et d’ailleurs, une fois la dernière miette dans ma bouche, je me mets à deux mains pour attraper le tuyau. Je tire, il cède. Je me tourne en vainqueur face à Maxence. Je sais que je ne vais pas résister bien longtemps, je sens déjà l’air de la mélodie résonner dans mon crâne. Je n’ai d’ailleurs pas le temps de lui dire de se préparer que je commence à chanter. C’est parti pour une heure. Distraitement je regarde l’heure sur ma montre. Je peux parier que Maxence va rentrer chez lui avant la fin de cette heure, et qu’il me dira que l’on se retrouvera plus tard pour son défi.
— « L'hiver s'installe doucement dans la nuit - La neige est reine à son tour - Un royaume de solitude - Ma place est là pour toujours »
Je ne sais pas s’il connaît les paroles autre que le refrain. S’il est encore là dans une heure, il les connaitra sur le bout de la langue. Tout comme moi, d’ailleurs, car je ne les connais pas non plus.
— « Libérée, Délivrée ! Je ne mentirai plus jamais - Libérée, Délivrée ! - C'est décidé, je m'en vais - J'ai laissé mon enfance en été - Perdue dans l'hiver »
Je fais un semblant de pas de danse tout en chantant dans le tuyau. Je le sais, les lyrics sont affreuses, mais le timbre de ma voix est correct. Je chante juste comme on dit, et je pourrai toujours rejeter la faute sur cette glace quand la vidéo paraitra sur DeathTube. De la triche vous dites ? Non, seulement un moyen de se moquer de mon ami.
Il ne fuit pas. Il a du cran. Je serai parti depuis belle lurette si j’avais été à sa place. C’est tout de même moins drôle de chanter soi-même. J’aurais préféré donner cette glace à une autre personne. Le voir supplier que ça se termine. Ou du moins me supplier du regard, à genoux. Sauf qu’il n’y a pas de remède. Et pendant une heure, je vais chanter, sans interruption. Il m’est impossible de placer la moindre parole qui n’ait pas un rapport avec cette chanson. Franchement, je serai bien tenté de repartir pour le monde des vivants uniquement pour me repaitre de son sang jusqu’à ce que mort s’en suive. Et je ne suis certainement pas le seul à le souhaiter.
Maxence a fini de filmer. Je jette le tuyau dans l’eau croupie, et l’observe s’enfoncer sous la surface sombre. J’attends que ça se finisse. Et je sais qu’il va rester avec moi jusqu’au bout. Il veut son prochain défi. Sauf que je n’ai aucune idée, et que la chanson me donne mal au crâne.
L’effet ne semble pas vouloir me quitter tandis que je guette ma montre. Les minutes avancent, doucement. La chanson dure trois minutes. Ai-je besoin de spécifier combien de fois je l’ai chanté, durant cette putain d’heure ? Quand enfin il m’est possible de retrouver le contrôle, je ferme la bouche. Le silence s’empare de nous. J’ai mal aux zygomatiques et les masse doucement. Mon regard se pose sur Maxence qui semble patienter platement.
J’ai soif, et il m’est impossible de m’en détacher. J’ai besoin de m’asseoir, sauf que je ne peux pas. Pas ici.
— « Viens, on s’en va. »
Je monte l’échelle à quelques mètres de nous, pousse le couvercle avec force, et déboule je ne sais où. Il n’y a personne, c’est déjà ça. Nous sommes en ville, quelque part, mais impossible de mettre un nom sur ce lieu. Ce n’est pas vraiment pour me déranger, je n’ai pas envie que l’on sache que je sors des égouts.
J’ai la voix enrouée, rauque. Ça va plaire à mon partenaire, ce soir. Il aime quand je crie son nom au bord de l’asphyxie. Je m’assoies sur le trottoir et rebouche le trou qui mène aux égouts en appuyant sur le couvercle. L’avantage d’être un vampire. J’ai la tête entre les mains, je suis fatigué. Je ne pensais pas que cette glace avait cet effet. Quel idiot j’ai été, tout ça pour le voir déguerpir et gagner. Mais Maxence est coriace, et vu que j’ai triché, il va me le faire payer au prochain défi.
— « J’te propose un truc. J’suis clairement pas en état pour un prochain défi, et j’suis à sec niveau idée. Soit je t’en file un maintenant, et je te laisse préparer ta vengeance pour la prochaine fois. Soit on se préserve tous les deux et ça sera explosif. Tu préfères quoi ? »
Je ferme les yeux en m’appuyant contre le mur. Quel idiot je suis.
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