La fête de trop
Dehors, il fait froid. Ça te fait du bien, la panique que tu ressentais -et que tu ressens toujours, commence à redescendre. Un peu. Est-ce que ta caboche décide de te lâcher après toutes ces années de bons et loyaux services ? Est-ce que t’es juste trop fatigué par … Tout, en fait ? Tu dors peu. Tu bois un peu plus que tu oses te l’avouer. Tu fumes plus, aussi. Et tu cours, encore et encore. Le surmenage te pend au nez et c’est peut-être ça qui joue sur ce que tu penses avoir vu. Si seulement tu n’avais pas vu ça, car tu as des souvenirs douloureux qui essayent de remonter et ça te plaît pas. Heureusement, Rin semble accepter de te suivre et lorsqu’elle te rejoint tu la regardes avec un léger sourire qui sonne un peu faux, suivi d’un « Désolé » presque timide. T’aimes pas trop perdre ton sang-froid, ça te ressemble pas. T’es Constantine, après tout, t’as plus l’habitude d’être l’épaule tendu que celui qui s’accroche à celle des autres. Tu inspires, expires alors qu’elle te tend une clope que t’acceptes avec plaisir avant de l’allumer.
Elle te fait signe et cette fois-ci c’est toi qui la rejoins. Avec tes grandes guiboles t’as un peu plus de mal à t’asseoir et c’est moins gracieux que la gamine mais tu finis par t’en sortir, retirant ton écharpe pour lui filer en lui disant de mettre ça parce que.
« Quand même, y caille. »
Tu mérites bien ton rôle de tonton. La clope entre les lèvres, tu lèves le nez vers le ciel dans un silence de mort. Les pierres des escaliers sont froides mais ça te fait du bien et au pire, c’est pas comme si tu risquais d’en mourir. Quel comique. La voix de Rin finit par briser le silence et tu t’attendais à tout sauf …
« J’me disais… La première fois que j’ai vu un truc qui était pas vraiment là, c’est le jour où j’ai découvert que j’étais Polter’. J’veux dire, c’est pas déconnant comme théorie, non ? »
… À ça. Tu percutes pas, pas tout de suite. Tu grommèles des « mmh mmh » peu distinctifs comme si tu l’écoutais que d’une oreille alors qu’elle a toute ton attention. Mais l’info atteint ton cerveau avec du délai et quand ça arrive enfin tu sembles te figer ; et seule la fumée de la cigarette est en mouvement.
Quoi.
« Peut-être que c’est ton objet de prédilection, ce fameux collier. C’est plus glamour que le mien, j’suis un peu jalouse, j’avoue. »
Quoi, fois deux.
Tu sais pas si t’aimes beaucoup sa théorie. Tu préférais celle du surmenage, ou de l’abus de certains trucs douteux. Tu réfléchis à toute allure alors que tu poses tes coudes sur tes genoux repliés, l’air pensif. La panique est toujours là mais elle n’en est pas au point d’exploser et partir dans tous les sens. Tu te demandes pourquoi en tant que Polter’ elle l’aurait pas vu, si c’était ça. Tu cherches dans tes connaissances et de mémoire le terme objet de prédilection ça te dis un truc. Nan, définitivement t’aimes pas ça et ton air un peu palot parle pour toi alors que tu la regardes lentement. D’autant plus que c’est pas comme si c’était un simple collier que t’as vu. Mais elle sait pas, comment elle pourrait savoir.
« Rin. Ça peut pas être ça, non ? Je … J’uis pas un Poltergeist moi. »
Tu déglutis.
« Et euh … Bon euh mettons c’est ça okay ? Comment je peux savoir ? Je ressens rien de, j’sais pas, bizarre ? Enfin pas là … Quand je l’ai touché je sais pas, là ouai c’était bizarre. »
Petit silence. Ça y est la panique revient et tu fourres ta tête entre tes bras en soupirant longuement, la clope coincée entre deux doigts.
« … J’uis censé faire quoi moi maintenant bichette ? Je vais pas te mentir j’uis pas très à l’aise. Surtout que c’était pas … C’est pas le genre joli collier, tu vois. »