La fête de trop
Une ambiance festive. De la bonne musique. Des gens qui dansent. Les lumières tamisées. Les murmures couverts par les rires et les cris de joie. Les effluves d’alcool qui semble émaner directement des murs. Tu connais tout ça sur le bout des doigts, des soirées t’en as fait. Seul, accompagné, d’abord seul puis accompagné. Tu te fais des ami·e·s de passage, tu retrouves des connaissances et des potes. Ça se tape dans le dos, on se demande comment ça va depuis le temps. On échange les verres, les cigarettes, des regards, des coups d’épaules ou des coups de coudes. Et ce soir ne fait pas exception ; tu étais venu tout seul. Rapidement tu t’es mêlé à un petit groupe plus calme que les autres, en pleine discussion animé. Tu as participé, tu as ris, tu as passé un bon moment. La soirée commence à atteindre son creux et tu te demandes si c’est pas le moment de rentrer. Mais en même temps, tu te sens bien. Tu vas bien et ça, ça se fête non ? T’agis comme si ça arrivait jamais alors que c’est faux. Pourtant quand t’y pense, la mort ne t’as pas laissé beaucoup de repos ces derniers temps et tu as eu l’impression d’être sur un tapis de course lancé à pleine allure sans possibilité de t’arrêter et de souffler.
Alors là tu t’arrêtes et tu souffles.
Au bout d’un moment, tu décides quand même de déposer ton verre vide au bar ; tu es ce genre de mec un peu trop poli qui retourne son verre une fois qu’il a fini. Tu tapes rapidement la discussion avec la barmaid, le genre de discussion simple et sans prise de tête : le beau temps, comment ça va la vie, et dis donc y’a pas mal de nouveaux fantômes dans le coin. Un échange qui a le goût de la platitude rassurante, de la sécurité. Pas besoin d’effort et ça te fait passer le temps. Mais la nature te rattrape et tu lui fais signe en te dirigeant vers les toilettes. Sauf que c’est étroit, qu’il y a du bruit et surtout du monde. Tu te faufiles mais avec tes presque deux mètres et ta carrure c’est difficile de te faire une place et d’avancer.
Et ça loupe pas, tu finis par rentrer dans quelqu’un. Pas assez fort pour faire du dégât, mais apparemment assez pour que ça soit la bousculade.
« Oups, pardon je … Hé mais ! »
Cheveux blonds, yeux marrons. Pas aussi grande que toi mais avec une certaine force -ton épaule vient d’en faire les frais. Tu souris de toutes tes dents en essayant de laisser passer les gens qui continuent de te pousser pour avancer.
« Rin, bordel j’aurais jamais cru te voir ce soir ! Comment tu vas ? Attends »
Tu te colles contre le mur pour laisser passer avant de lui faire de nouveau face
« Dis donc ça fait un bail non ? Tu veux qu’on s’pose ailleurs qu’en plein milieu d’un couloir ? Enfin t’es p’tete pas dispo »