avec peu de chance
Les codes complètement cassés, il n’est plus le même. C’est rare pour ne pas dire jamais que Phineas soit à l’heure. Mais à en constater la chemise mal repassée qu’il essaye de reboutonner, à se regarder dans la glace du métro. Les gens le dévisagent, comme d’habitude. Il dévisage sa montre : quinze minutes d’avance.
Il faut croire qu’il s’est décidé à faire les choses convenablement. Même un peu trop et ça se sent qu’il est mal à l’aise par tout le jeu qu’il délivre aujourd’hui. Le trop de parfum et les ourlets mal faits de son jean le trahissent. S’il n’y avait que ça.
Pour autant, il ne peut pas s’empêcher de tout modifier le temps d’arriver à bon port, de se dire qu’il n’en a pas fait assez. Il a un petit coffret dans ses mains, c’est peut-être trop con. Elle va mal prendre sa surprise. Devrait-il ne rien donner ? C’est encore plus bête.
Décidément, le poltergeist pense tout mal faire avec sa comparse. On aurait peur de la blesser. Il imagine déjà les crocs de son meilleur pote le guillotiner s’il commet un impair. C’est pour Shôta qu’il l’a fait au départ, d’être plus clément avec elle. Il existe bien un monde où elle aurait eu moins de chances avec Phineas si le vampire ne jouait pas, à son insu, le médiateur.
Avec de la chance, il semblerait qu’elle n’a jamais avoué à l’autre ce qu’il lui a fait subir.
Avec mansuétude, il a fini par lui laisser tenter sa chance, de se faire apprécier de lui.
Avec le temps, les rôles s’inversent ; lui veut se faire apprécier, avec un peu de chance.
Alors voilà pourquoi ce cadeau, cette tenue et tout le programme qu’il a prévu. Il n’y a rien d’ambigu dans la tête de Phineas, juste dans la façon de faire. Son niveau de sympathie amicale dépasse à peine ses compétences en drague donc pas étonnant que les deux se confondent. De fait, il mise tout sur la préparation, pour finalement se rendre compte, lorsqu’il l’aperçoit, que même dans ce domaine, il est dépassé.
« Je pensais être super en avance, moi. Comment t’as fait, t’as dormi ici ? »
Dans la foule faisant la queue pour les billets, il aurait pu la manquer mais Phineas sait où se placent les personnes introverties et repère son amie facilement.
Son arrivée n’est même pas marquée d’un bonjour, déjà d’une taquinerie alors qu’elle a fait plus d’efforts que lui. Sa tenue est plus travaillée, ça va sans dire. C’est pas la peine d’être désobligeant en ébouriffant ses cheveux de ce foutu cadeau mais il le fait quand même.
« Tiens. C’est une jaspe bleue. Je me suis dit. »
Non, vraiment, il ne fallait pas lui offrir et elle sait très bien à quoi ça sert ; à quoi bon ça sert d’expliquer et de s’enfoncer.
« Ça me rappelle le chemisier que t’as porté la dernière fois donc j’ai voulu t’offrir ça. »
Intérieurement, Phineas se frappe le front et sait qu’il n’a pas mieux rattrapé son coup. Un conflit intérieur entre le bon fond et la nonchalance qui conclut en une grosse bourde. Vite, qu’il change de sujet. mais peut-être qu’il va trop vite en même temps ?
Son cerveau ne réfléchit plus. Il demande quel film voir alors qu’iels l’ont déjà choisi au préalable, comme c’était l’heure convenue.
Sa langue se tord, il devient trop gêné par autant de maladresses en même pas trente secondes. Après ce spectacle, c’est sûr que le Phineas intimidant n’existe plus pour elle. Yoshi peut être rassurée, ou pas justement.