last straw
Céleste se la joue méchante de dessin-animé, et c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase.
Son côté
“je suis mauvaise et c’est comme ça” te rappelle l’époque de ta crise d’adolescence interminable, et plus que t’énerver, ça te fatigue.
C’est ça, le mot : t’es fatiguée.
Si bien que tu prends même pas la peine de répondre à sa question avec un service théorique qu’elle aurait pu te rendre quand ça avait encore de l’importance.
Dans un autre contexte, t’aurais sûrement sauté sur l’occasion pour demander un petit nettoyage de printemps de ton dossier terni par tes nuits d’ivresses durant lesquelles il t’est arrivé de commettre un délit ou deux.
Mais là, ça te vient même pas à l’esprit, et tu lui réponds en te contentant de bâiller. Sans pudeur, la bouche grande ouverte, le regard ennuyé.
Comme si la révélation de la blonde t’avait fait passer par toutes les étapes du deuil, et que tu étais enfin arrivée à l’acceptation.
L’acceptation qu’elle n’en vaut pas la peine.
L’acceptation que t’as mieux à faire de ton temps.
Alors tu ne perds pas tes bonnes manières en venant débarrasser son verre sans prendre la peine de lui proposer de le finir. Une bribe d’agressivité passive est tout ce qu’elle mérite, après tout.
Tu passes rapidement derrière le comptoir pour ordonner votre vaisselle, puis tu te rassois en face d’elle.
Sérieuse, neutre, les yeux dans les yeux.
“Je t’ai mal jugée, j’crois.”
En temps normal, cette phrase toute faite implique du positif.
Pas aujourd’hui.
“... Écoute, j’te conseille de plus trop traîner là. J’vais pas te virer, hein, mais j’vais pas m’empêcher de répondre aux questions de la clientèle sur ton sujet non plus, et, contrairement à ce que t’as l’air de penser, ça plaira à personne.”
Tu te lèves à nouveau et t’étires de tout ton long, jusqu’à venir faire claquer ta colonne vertébrale : cette discussion t’a vraiment mis un coup, ‘faut croire.
“J’t’épargne le discours moralisateur si tu m’épargnes les excuses bidons. Tu ferais mieux de rentrer, Céleste. J’ai du taff qui m’attend.”
Une excuse bien futile pour fuir la scène, tant tes horaires sont flexibles. Mais te connaissant, un bon
“j’y vais parce que j’ai plus envie de voir ta gueule” aurait été tout aussi parlant et probable de ta part.
Sur ce, tu l’abandonnes sans aucun remord.
Si elle veut repasser, que ça soit pour s’excuser ou t’ignorer, ça te sera complètement égal. Pour être honnête, son comportement immature tout au long de votre conversation aurait fini de te convaincre que cette séparation n’est probablement pas si mal tombée.
Ça t'apprendra à faire ami-ami avec une saleté de flic.