Déboussolé.
Déconcerté.
Perdu.
Quatre mois que tu restais auprès de Phineas, ou Fifi-kun, comme tu l'appelais, parce que tu ne connaissais toujours pas son nom de famille. Il te l'a dit, sûrement. Mais tu es toi. Il aurait fallu le dire directement, maintenant, comment tu retiens le Collins ? Et puis bon, "Finehasu" devenait ridicule après la septième correction. Tu avais alors décidé d'un surnom qui était honnêtement bien pire qu'une faute prononciation que tu ne pouvais pas changer. Un surnom avec lequel Phineas pouvait rager sans en critiquer la prononciation. À croire qu'il voulait absolument réussir à te faire prononcer son nom pour les vœux de mariages. Comme si tu allais être son témoin et prononcer un discours. Quoique, tu as vu comment il se comportait. Il y avait des chances que tu sois le seul invité.
Gênant.
Entre deux bancs, l'image mentale te fit rire. Tu te rattrapes rapidement. Pas question d'éprouver la moindre émotion, surtout pas pour un casse-pied de première comme Phineas. Phineas. Il y avait beaucoup de choses à dire sur lui, en vérité. Borné à en crever, dictateur à en devenir. Phineas et ses passions parfois étranges étaient... de trop. Petit chef, tu sais parfaitement qu'il aime décider, qu'il aime que tout se passe comme il le veut.
Il est généralement déçu. Pourtant...
il s'est amélioré.
Oui, peut-être simplement calmé. Tu ne saurais dire pourquoi, mais il y a une certaine tendresse en lui. Où tu en imagines une, en tout cas. Tu ne le vois pas correctement, Koichi, mais tu admires tout de même sa ténacité, même si tu ne comprends pas pourquoi il fait tout ce qu'il fait. Mais avec ses rituels, il aide les autres, et c'est déjà suffisant pour toi, de savoir qu'il a un cœur, à l'intérieur de son tempérament de fer.
Et puis, avec gentillesse, il t'a offert de l'accompagner ici, à la patinoire, dont tu avais rêvé depuis si longtemps. Tu n'avais plus eu le temps. Il avait suffit d'un seul «
Ah, j'aimerais aller patiner à nouveau... » après avoir vu un poster pour qu'il se rappelle de vieux billets. Même si c'était pour éviter qu'ils se perdent, tu appréciais qu'il t'offre une place en sa compagnie. Un remerciement presque timide, reconnaissant.
Et après la journée que vous avez eu, à courir dans tous les sens, tu étais content de pouvoir rencontrer à nouveau la glace. Même si au final, ce n'était proposé que par pure bonté - et peut-être pitié. Après tout, tu voyais bien que tu ennuyais Phineas, que tu n'étais là que par nécessité et non pas parce qu'il voulait de ta compagnie. Tu parlais, généralement, pour deux, peut-être même trois, pour combler le silence, et pour avoir l'impression que, pendant les quelques heures obligatoires, tu n'étais pas tout seul.
De manière générale, tu ne demandais pas ton reste, partant dès que l'horloge de l'autorisait ; plus facile de fuir que de confronter encore les regards accusateurs, colérique, agacés, de Monsieur Phineas Collins.
Peut-être folie passagère, ou nostalgie de ton vivant, tu avais donc accepté. C'est un point bien établis à présent. Tout comme Phineas qui râle. Après tout, il râle toujours, beaucoup, et souvent pour un rien. Mais pas cette fois. Pour la glace, c'était important d'avoir des patins adapté. Et tu t'attendais à ce qu'une ville comme Tokyo puisse fournir toute taille de pieds !
— « Tout de suite, Fifi-kun ! »
Te retournant, partant déjà, n'attendant pas les réactions habituelles de Phineas. À vrai dire, il s'était probablement habitué à ce surnom stupide, depuis le temps. Et à l'accueil, patins de ton bienfaiteur à la main, tu passes dix minutes à dialoguer avec un employé pour les faire changer. Comment ça peut être aussi difficile de faire quelque chose d'aussi simple que ça ? Le problème, c'est que toutes les paires de la boutique sont un chiffre en dessous de ce qu'elles devraient être. Tu avais demandé une taille trop grande, par habitude, à cause de ta patinoire, celle où tu allais avec ton frère de ton vivant. Mais de là à ce que celle des morts imite les vivants. Tu étais surpris, mais pas non plus étonné. Avec un soupire, tu réussi à prendre du 29 (la dernière en stock !).
Et d'un sourire, tu tends les chaussures à Phineas. Un peu de patience. Bientôt, le bruit de la glace qui se brise sous tes pieds, l'air frais sur ton corps tandis que tu glisses. Non, tu n'es pas un professionnel, loin de là. Mais c'est réconfortant, c'est. La famille, à tes yeux. Un souvenir auquel tu veux te raccrocher. Tu avais peur de ne pas pouvoir continuer la tradition ; de cette façon, tu avais l'impression d'être toujours connecté à lui. Quelque chose en ton cœur te disait que lui aussi, il la continuait.
— « D'ailleurs, pour avoir des billets pour la patinoire... Tu as réparé leurs ordis ou alors tu viens souvent ici ? »
Pas le choix, non, tu fais la conversation, pour combler le silence. Pour combler l'attente.