En saigner dehors - [Mimosa & Huia]

Avec toutes ces nouvelles technologies, il devenait de plus en plus difficile de trouver des personnes sur le point de mourir et de réussir à accéder à leur cou sans se faire repérer par qui que ce soit.

En fait, Mimosa savait bien qu'il ne trouverait pas de victime dans une aussi grande ville que Tokyo, où tout était trop agité, peuplé, et sécurisé.
Pas moyen d'entrer dans des habitations. Pas moyen non plus d'entrer dans un hôpital ou une maison de retraite sans explication valable. Surtout qu'avec la surveillance des patients, on aurait vite fait de constater le décès après la venue d'un type louche, et avec, les traces de morsure dans leur cou.

Il valait mieux, si on voulait suivre le code moral de Mimosa, se rendre à la campagne, où la population est vieillissante, et les maisons plus accessibles. Et c'était effectivement ce qu'il comptait faire, mais, fraîchement débarqué dans le monde des vivants, il comptait auparavant glaner quelques informations sur les évènements les plus récents dont il n'avait pas encore eu vent, au Tokyo des morts.

Pour ça rien de mieux que les bars de nuit.
Justement, le vieux vampire se dirigeait vers celui qu'il avait fréquenté ces dernières années - accueillant une clientèle très variée et étant plutôt grand, il pouvait se fondre dans le décor sans aucun problème - il suffisait de suivre cette ruelle sombre jusqu'au bout et …

Et non. Intercepté -bousculé- par une demoiselle a l'air suspect (à bien y regarder on constatait clairement qu'elle était couverte de sang) son objectif sembla tout à coup terriblement lointain. Pas de bar ce soir, puisque la jeune femme l'avait reconnu, et lui aussi, croyait pouvoir remettre sur ces traits un contexte. Une de ses étudiantes, sans aucun doute. Celle qui venait fréquemment aux cours qu'il donnait sur l'éthique comparative en lien avec les différentes religions et spiritualités.

On peut imaginer que rares étaient ceux qui s'intéressaient vraiment à ce sujet. Mimosa n'avait donc aucun mal à retenir les visages des étudiants assidus.
Il n'avait toutefois absolument pas prévu de croiser qui que ce soit de connu, là où son identité de vampire était forcément dévoilée au grand jour. Ca ne constituait pas un secret à proprement parler, disons plutôt qu'il se faisait discret à ce propos - quelle crédibilité pourrait-il alors avoir devant ses élèves, sans passer plusieurs minutes à expliquer son raisonnement très personnel et privé devant l'amphithéâtre ? Une perspective peu charmante.

Il n'essaya pas d'éviter sa question, nonobstant. On sait ce qui arrive aux vivants qui aperçoivent des vampires dans un tel état de vulnérabilité - être couvert de sang étant assez significatif.

"Effectivement." établit-il "Mimosa Martin, enchanté." les présentations sont-elles nécessaires dans ce contexte ? Peu importait, il y avait une question des plus à propos qui le taraudait - et pour cause, la situation se révélait particulièrement dangereuse à cause de cet élément perturbateur : "Vous n'avez pas de quoi vous changer avec vous ?"

Puis regardant alentours : "Nous devrions nous rendre dans un coin plus discret si nous souhaitons poursuivre cette discussion. Sans vouloir vous offenser bien sûr, je crains que votre aspect sanguinolant ne soit pas des plus rassurants pour les vivants."