CITATION
identité
Nom : Wilson.
Prénom : Louis (à prononcer Lou-i, à la française - et non pas Louiss).
Date de naissance : 13 novembre 1895.
Date de mort : 28 août 1951.
Nationalité : Américain, de la Caroline du Sud.
Langues parlées :
[X] Anglais, langue maternelle.
[~] Japonais basique, il sait tenir une conversation de base sans aller plus loin.
[~] Français succinct, surtout les politesses - et des insultes, ce qui est essentiel quand on apprend une langue.
Race : Vampire.
Personnage de l'avatar : OC par Graysinning
Prénom : Louis (à prononcer Lou-i, à la française - et non pas Louiss).
Date de naissance : 13 novembre 1895.
Date de mort : 28 août 1951.
Nationalité : Américain, de la Caroline du Sud.
Langues parlées :
[X] Anglais, langue maternelle.
[~] Japonais basique, il sait tenir une conversation de base sans aller plus loin.
[~] Français succinct, surtout les politesses - et des insultes, ce qui est essentiel quand on apprend une langue.
Race : Vampire.
Personnage de l'avatar : OC par Graysinning
description physique
Couleur de peau : Noire - il est d’origine afro-américaine après tout.
Couleur des cheveux : Noirs - sel et poivre en vérité, plus sel que poivre.
Longueur des cheveux : Longs et crépus - il les regroupe en deadlocks qu’il attache ensuite en queue de cheval ou chignon négligé.
Couleur des yeux : Bruns foncés, toujours légèrement plissés comme s’il était amusé.
Corpulence : Environ 75kg - corpulence classique bien qu’il ait perdu en masse depuis sa cinquantaine passée.
Taille : 1m82 - un poil plus grand que la moyenne sans être immense pour autant : il se fond dans le paysage, en somme.
Style vestimentaire : Il ressemble au dandy des années 30 qu'il n'a jamais été, avec des vestons, chemises et cravates - et surtout toujours une pointe de chic, des bijoux, des bagues et des bracelets dorés complètent généralement ses tenues. Il a un sens affûté de la mode, et s’amuse beaucoup à déambuler dans les magasins.
Habitudes : Il aime se mettre du vernis noir de temps à autres, c’est discret mais ça lui va bien. Il joue régulièrement avec sa barbe, qu’il enroule autour d’un doigt lorsqu’il réfléchit : de fait, il a un bout de barbe, à droite de son visage, qui est rebique toujours légèrement. Depuis qu’il est devenu vampire, il a pris l’habitude de jouer avec ses canines, qu’elles soient sous forme de crocs ou non - il se coupe souvent la langue comme un idiot par ailleurs, lorsqu’il commence à avoir faim. Enfin, il fume la pipe.
Autre : Du haut de ses cinquante-cinq ans physiques, des rides ont commencé à percer çà-et-là sur sa peau : du coin des yeux, à la commissures des lèvres, au front, au dos des mains. Il trouve que ça lui donne un charme, comme ses cheveux grisonnants. Il boîte de la jambe droite, et se déplace avec une canne de fait - il s'agit d'un petit souvenir de la Grande Guerre, en plus des cauchemars qui le réveillent encore la nuit. Il est enfin extrêmement sensible des mains et des doigts : il a un syndrôme de Raynaud léger - il perd en sensibilité au bout de ses doigts, de ses orteils, de ses oreilles et de ses lèvres en cas de froid, parfois en virant au pâle notamment au niveau des muqueuses (lèvres, ongles). Il a été diagnostiqué tardivement, vous saviez que les peaux mates ne sont que trop rarement étudiées en dermatologie ?
Couleur des cheveux : Noirs - sel et poivre en vérité, plus sel que poivre.
Longueur des cheveux : Longs et crépus - il les regroupe en deadlocks qu’il attache ensuite en queue de cheval ou chignon négligé.
Couleur des yeux : Bruns foncés, toujours légèrement plissés comme s’il était amusé.
Corpulence : Environ 75kg - corpulence classique bien qu’il ait perdu en masse depuis sa cinquantaine passée.
Taille : 1m82 - un poil plus grand que la moyenne sans être immense pour autant : il se fond dans le paysage, en somme.
Style vestimentaire : Il ressemble au dandy des années 30 qu'il n'a jamais été, avec des vestons, chemises et cravates - et surtout toujours une pointe de chic, des bijoux, des bagues et des bracelets dorés complètent généralement ses tenues. Il a un sens affûté de la mode, et s’amuse beaucoup à déambuler dans les magasins.
Habitudes : Il aime se mettre du vernis noir de temps à autres, c’est discret mais ça lui va bien. Il joue régulièrement avec sa barbe, qu’il enroule autour d’un doigt lorsqu’il réfléchit : de fait, il a un bout de barbe, à droite de son visage, qui est rebique toujours légèrement. Depuis qu’il est devenu vampire, il a pris l’habitude de jouer avec ses canines, qu’elles soient sous forme de crocs ou non - il se coupe souvent la langue comme un idiot par ailleurs, lorsqu’il commence à avoir faim. Enfin, il fume la pipe.
Autre : Du haut de ses cinquante-cinq ans physiques, des rides ont commencé à percer çà-et-là sur sa peau : du coin des yeux, à la commissures des lèvres, au front, au dos des mains. Il trouve que ça lui donne un charme, comme ses cheveux grisonnants. Il boîte de la jambe droite, et se déplace avec une canne de fait - il s'agit d'un petit souvenir de la Grande Guerre, en plus des cauchemars qui le réveillent encore la nuit. Il est enfin extrêmement sensible des mains et des doigts : il a un syndrôme de Raynaud léger - il perd en sensibilité au bout de ses doigts, de ses orteils, de ses oreilles et de ses lèvres en cas de froid, parfois en virant au pâle notamment au niveau des muqueuses (lèvres, ongles). Il a été diagnostiqué tardivement, vous saviez que les peaux mates ne sont que trop rarement étudiées en dermatologie ?
précisions
Métier : Actuellement horloger, il s’est spécialisé dans les montres et les horloges entièrement mécaniques - il a encore bien du mal avec l'électronique des constructions plus récentes. Comment dire que les montres et les horloges n’intéressent plus grand-monde par ici - qui se soucie de l’heure quand on a plusieurs siècles devant soi ? De fait, c’est plutôt par loisir qu’il fait ce métier, plus que par besoin. Ça ne l’empêche pas néanmoins de garder ses petits sous de côté pour se faire plaisir de temps à autre. Il est également bénévole pour la Camarilla depuis le début des années 2000 : il fait partie de ceux qui accueillent les nouveaux jeunes vampires dans le monde des morts, voire les accompagnent pour leurs premières sorties si le timing le lui permet.
De son vivant, il était professeur de mathématiques dans un lycée réservé “aux personnes de couleur” - c’est ce qui était écrit sur le panneau à l’entrée. C’était loin d’être le meilleur lycée de la Caroline du Sud, mais il bataillait pour que ses élèves puissent avoir la meilleure éducation possible.
Groupe sanguin : B négatif vrai. Évidemment, il n’était pas au courant lors de ses premières morsures, bien qu’il connaissait l’existence de ces groupes sanguins - autant dire qu’il a gerbé un bon paquet de fois. Désormais, il prend le temps de se renseigner avant de mordre, et de toute façon, il ne mord que des mourants, ou des personnes en souffrance (malades, dépressifs, prisonniers, etc.)
Anecdotes essentielles :
- Il n’est pas horloger pour rien : il a toujours été fasciné par la mécanique de ces engins - les montres, les horloges, etc. De manière globale, il est fasciné par les mécanismes ronds, les astrolabes obtenant facilement ses faveurs.
- Il est d'ailleurs très friand d’astronomie, mais également de musique, dans le côté mathématique de la chose.
- Il ne fabrique et répare que des montres mécaniques, c’est-à-dire sans pile : elles fonctionnent grâce aux mouvements du poignet de lea porteur.se, et il faut parfois les remonter. Il a commencé sa carrière en remontant des horloges dans les années 60.
- Sa marque de montre s’appelle Cami, du nom de son créateur. Louis n’a fait que reprendre la boutique.
- Il est capable de compter en base 10, mais aussi en base 12 et 6. Ça ne lui sert pas à grand-chose, mais c’est stylé dans un CV - dans la catégorie loisirs bizarres.
- Il aime raconter que lorsqu’il était jeune, il a failli remporter le concours Putnam, un prestigieux concours de mathématiques, mais qu’il a été disqualifié parce qu’il est Noir. On ignore en revanche si cette anecdote est réelle, puisqu’il y a de fortes chances pour qu’il n’ait même jamais pu y participer. En vérité, il n’y a jamais mis les pieds, c’est surtout pour frimer avec ses compétences en maths, qui ne sont pas non plus si incroyables…
- Il a un sens de l’orientation déplorable. Il est bien capable de se perdre dans une rue dans laquelle il vit depuis près de 60 ans. Comble : c’est toujours à lui qu’on demande son chemin.
- Il a un lapin qui porte le doux nom de Panpan. Non, il n’était pas très inspiré pour le nom, effectivement… Il s’agit d’un lapin chamois de Thuring.
- Il a fait sculpter sa canne sur-mesure ici, parce qu’il le vaut bien. C’est une jolie canne en bois laqué, donc la poignée est incrustée d’une bague en plaqué or.
- Il refuse tout net de boire une potion pour réparer sa jambe. Il pourrait mais n’en a pas l’envie - et Dieu sait qu’il est têtu. Après tout, il a fini par s’y habituer à cette jambe boiteuse.
- Il a appris le français en France, lors de la Première Guerre mondiale à laquelle il a participé. S’il pensait alors apprendre “Bonjour, je voudrais une baguette s’il vous plaît”, les soldats français lui ont plutôt appris des insultes et autres injures en tout genre.
- Son prénom, Louis, se prononce à la française car ses grands-parents maternels étaient à la base originaires de Louisiane, où la culture francophone est encore très présente.
De son vivant, il était professeur de mathématiques dans un lycée réservé “aux personnes de couleur” - c’est ce qui était écrit sur le panneau à l’entrée. C’était loin d’être le meilleur lycée de la Caroline du Sud, mais il bataillait pour que ses élèves puissent avoir la meilleure éducation possible.
Groupe sanguin : B négatif vrai. Évidemment, il n’était pas au courant lors de ses premières morsures, bien qu’il connaissait l’existence de ces groupes sanguins - autant dire qu’il a gerbé un bon paquet de fois. Désormais, il prend le temps de se renseigner avant de mordre, et de toute façon, il ne mord que des mourants, ou des personnes en souffrance (malades, dépressifs, prisonniers, etc.)
Anecdotes essentielles :
- Il n’est pas horloger pour rien : il a toujours été fasciné par la mécanique de ces engins - les montres, les horloges, etc. De manière globale, il est fasciné par les mécanismes ronds, les astrolabes obtenant facilement ses faveurs.
- Il est d'ailleurs très friand d’astronomie, mais également de musique, dans le côté mathématique de la chose.
- Il ne fabrique et répare que des montres mécaniques, c’est-à-dire sans pile : elles fonctionnent grâce aux mouvements du poignet de lea porteur.se, et il faut parfois les remonter. Il a commencé sa carrière en remontant des horloges dans les années 60.
- Sa marque de montre s’appelle Cami, du nom de son créateur. Louis n’a fait que reprendre la boutique.
- Il est capable de compter en base 10, mais aussi en base 12 et 6. Ça ne lui sert pas à grand-chose, mais c’est stylé dans un CV - dans la catégorie loisirs bizarres.
- Il aime raconter que lorsqu’il était jeune, il a failli remporter le concours Putnam, un prestigieux concours de mathématiques, mais qu’il a été disqualifié parce qu’il est Noir. On ignore en revanche si cette anecdote est réelle, puisqu’il y a de fortes chances pour qu’il n’ait même jamais pu y participer. En vérité, il n’y a jamais mis les pieds, c’est surtout pour frimer avec ses compétences en maths, qui ne sont pas non plus si incroyables…
- Il a un sens de l’orientation déplorable. Il est bien capable de se perdre dans une rue dans laquelle il vit depuis près de 60 ans. Comble : c’est toujours à lui qu’on demande son chemin.
- Il a un lapin qui porte le doux nom de Panpan. Non, il n’était pas très inspiré pour le nom, effectivement… Il s’agit d’un lapin chamois de Thuring.
- Il a fait sculpter sa canne sur-mesure ici, parce qu’il le vaut bien. C’est une jolie canne en bois laqué, donc la poignée est incrustée d’une bague en plaqué or.
- Il refuse tout net de boire une potion pour réparer sa jambe. Il pourrait mais n’en a pas l’envie - et Dieu sait qu’il est têtu. Après tout, il a fini par s’y habituer à cette jambe boiteuse.
- Il a appris le français en France, lors de la Première Guerre mondiale à laquelle il a participé. S’il pensait alors apprendre “Bonjour, je voudrais une baguette s’il vous plaît”, les soldats français lui ont plutôt appris des insultes et autres injures en tout genre.
- Son prénom, Louis, se prononce à la française car ses grands-parents maternels étaient à la base originaires de Louisiane, où la culture francophone est encore très présente.
Caractère
Charismatique
Consciencieux
Colérique
Enfantin
Fidèle
Idéaliste
Malicieux
Moqueur
Pingre
Têtu
Louis est sans conteste un bon-vivant, qui ne craint rien ni personne, et surtout pas - surtout plus - la manière dont on pourrait le percevoir. On dirait, Louis, qu’il a vécu mille vies, et pourtant il assure que la sienne fût on ne peut plus tranquille. Mensonge, il est vrai et on peut aisément s’en douter lorsqu’il parle de l’époque.
Louis, dans cette carrure qui est la sienne, il pourrait paraître presque étonnant de remarquer qu’il est tant autoritaire - la main de fer qui est la sienne. Autoritaire, colérique même, car il aime que les choses soient bien faites et à sa manière. Louis est en tant que tel rigide, têtu dans sa façon de percevoir le monde. Une faute et il ne faudra pas penser au pardon, une erreur même réparable n’est à ses yeux pas vraiment acceptable. Louis cherche sans cesse à frôler la perfection, car on le lui a toujours appris - pour se faire respecter d’autrui il faut être parfait, la moindre erreur te coûtera ta crédibilité, ton honneur, peut-être même ta vie.
Tu es Noir après tout.
Alors Louis, il a appris à être consciencieux, perfectionniste à la limite de l’obsession. Car s’il est exigeant envers les autres, il l’est toujours plus envers lui-même à tel point que sans cesse il se rabaisse. Il n’est pas si doué, argue-t-il, mais il faut faire toujours mieux, parcours parfait et il en est fatiguant, il est vrai. Et il est pingre, proche de ses quelques sous - non pas qu’il rechigne à dépenser, disons plutôt qu’il a le sens des affaires. Comprenez-le, il faut bien se payer correctement, dans sa vie il n’en a pas trop eu l’occasion alors il se rattrape.
Mais malgré tout ça, Louis reste idéaliste, d’un optimisme à mourir. Il a une foi inébranlable dans la nouvelle génération, et la conviction que le monde ne peut que s’améliorer. En espérant parfois tout de même ne pas se tromper.
Histoire résumée
[TW : Guerre, racisme, discrimination et ségrégation, meurtre]
• Louis voit le jour le 13 novembre 1895 en Caroline du Sud, ancien état esclavagiste. Il a un frère, une sœur et est petit-fils d’esclaves. Enfance tranquille, pas très luxueuse mais on s’en sort. Il finit le lycée en juin 1916, il a 20 ans. Il est le premier de sa famille à finir le secondaire et à avoir un diplôme.
• Avril 1917, les États-Unis entrent en guerre contre l’Allemagne. Louis, comme beaucoup d’autres soldats afro-américains, s’engage volontairement dans l’armée avec l’espoir que leur statut s’en verra amélioré. Il est envoyé en France en 1918, et prend part à quelques batailles dont la cote 188 où il prend une balle dans la jambe droite.
• Il revient en Caroline du Sud en 1919 après sa démobilisation et devient comptable dans une banque ouverte pour une clientèle noire. Il tient la barre jusqu'en 1929, où la crise provoque la faillite de la dite-banque et sa mise au chômage anticipée. Il enchaîne alors les boulots, difficilement à cause de son handicap, de sa couleur de peau et de l’état de la société après 1930.
• Il profite de la crise pour entrer dans des groupes de paroles et d’actions pour les droits civiques des Afro-Américains. Dans l’espoir d’aider une jeunesse noire en difficulté, Louis se met en tête d’enseigner - les mathématiques plus précisément. Pourtant, sans un diplôme assez élevé, il n’espère pas grand-chose.
• 1934, ses amis parviennent à lui payer des études en mathématiques appliquées à l’Institut Hampton, ouverte uniquement aux Afro-Américains et autres personnes racisées. Il sort de l’école en 1938 avec un bachelor et se fait embaucher dans un lycée “pour personnes de couleur” de la Caroline du Sud.
• Toujours activiste pour les droits civiques, Louis se voit accusé en 1951 du meurtre de Lizzie Hamilton, une jeune fille blanche retrouvée non loin de chez-lui. Alors que les interrogatoires s'enchaînent et que la chaise électrique se rapproche dangereusement, une vampire vient frapper à sa porte. Elle le mord, bien contre son gré, mais persuadée pourtant de faire une bonne action en lui évitant un procès perdu d’avance.
• Arrivé dans le monde des morts en tant que vampire, Louis se retrouve plus ou moins à se débrouiller seul dans ce nouveau monde et dans sa nouvelle condition. Il trouve refuge à la Camarilla, du moins pour le fournir en poche durant les quelques premières années. C’est également l’un des bénévoles qui lui apprend à chasser dans le monde des vivants dès 1955.
• Durant les années 1960, il est embauché par Camille Los Santos, un horloger. Il commence à travailler en remontant des horloges, tout en apprenant les bases et plus du métier. Il entretient une relation avec Camille durant plusieurs décennies, jusqu’à la tombée en poussière de son amant, en 1991.
• Après avoir hérité de la boutique de Camille, il devient également bénévole pour la Camarilla durant le début du millénaire. Depuis, il gère les arrivées de nouveaux vampires, assurant leur prise en charge et autres explications, en plus de les former à la traque et à la chasse dans le monde des vivants.
• Louis voit le jour le 13 novembre 1895 en Caroline du Sud, ancien état esclavagiste. Il a un frère, une sœur et est petit-fils d’esclaves. Enfance tranquille, pas très luxueuse mais on s’en sort. Il finit le lycée en juin 1916, il a 20 ans. Il est le premier de sa famille à finir le secondaire et à avoir un diplôme.
• Avril 1917, les États-Unis entrent en guerre contre l’Allemagne. Louis, comme beaucoup d’autres soldats afro-américains, s’engage volontairement dans l’armée avec l’espoir que leur statut s’en verra amélioré. Il est envoyé en France en 1918, et prend part à quelques batailles dont la cote 188 où il prend une balle dans la jambe droite.
• Il revient en Caroline du Sud en 1919 après sa démobilisation et devient comptable dans une banque ouverte pour une clientèle noire. Il tient la barre jusqu'en 1929, où la crise provoque la faillite de la dite-banque et sa mise au chômage anticipée. Il enchaîne alors les boulots, difficilement à cause de son handicap, de sa couleur de peau et de l’état de la société après 1930.
• Il profite de la crise pour entrer dans des groupes de paroles et d’actions pour les droits civiques des Afro-Américains. Dans l’espoir d’aider une jeunesse noire en difficulté, Louis se met en tête d’enseigner - les mathématiques plus précisément. Pourtant, sans un diplôme assez élevé, il n’espère pas grand-chose.
• 1934, ses amis parviennent à lui payer des études en mathématiques appliquées à l’Institut Hampton, ouverte uniquement aux Afro-Américains et autres personnes racisées. Il sort de l’école en 1938 avec un bachelor et se fait embaucher dans un lycée “pour personnes de couleur” de la Caroline du Sud.
• Toujours activiste pour les droits civiques, Louis se voit accusé en 1951 du meurtre de Lizzie Hamilton, une jeune fille blanche retrouvée non loin de chez-lui. Alors que les interrogatoires s'enchaînent et que la chaise électrique se rapproche dangereusement, une vampire vient frapper à sa porte. Elle le mord, bien contre son gré, mais persuadée pourtant de faire une bonne action en lui évitant un procès perdu d’avance.
• Arrivé dans le monde des morts en tant que vampire, Louis se retrouve plus ou moins à se débrouiller seul dans ce nouveau monde et dans sa nouvelle condition. Il trouve refuge à la Camarilla, du moins pour le fournir en poche durant les quelques premières années. C’est également l’un des bénévoles qui lui apprend à chasser dans le monde des vivants dès 1955.
• Durant les années 1960, il est embauché par Camille Los Santos, un horloger. Il commence à travailler en remontant des horloges, tout en apprenant les bases et plus du métier. Il entretient une relation avec Camille durant plusieurs décennies, jusqu’à la tombée en poussière de son amant, en 1991.
• Après avoir hérité de la boutique de Camille, il devient également bénévole pour la Camarilla durant le début du millénaire. Depuis, il gère les arrivées de nouveaux vampires, assurant leur prise en charge et autres explications, en plus de les former à la traque et à la chasse dans le monde des vivants.
Ante-mortem
[TW : Guerre, racisme, discrimination et ségrégation, meurtre]
[NB : Bibliographie à la fin]
Louis a cinquante-cinq ans.
Il se trouve au mauvais endroit, au mauvais moment. C’est toujours un coup au moral, que de se voir accuser d’un meurtre, qu’on l’ait commis ou non, d’autant lorsque l’on a milité une bonne partie de sa vie pour que ce genre de bavure n’existe plus.
Louis est un pacifiste depuis longtemps - il a fait la guerre, la Grande Guerre, voyez-vous ; et ça l’a marqué tant physiquement que mentalement. Il a une jambe en moins, pas littéralement mais elle ne fonctionne plus : une balle à la Cote 188, un mois et demi avant la fin de la guerre. Et des cauchemars, ah ça oui, et ça le réveille encore la nuit. Il n’a vécu que quelques batailles, pas bien longtemps, mais ça a suffi. Alors il n’ose même pas imaginer quatre ans dans cet Enfer, pas étonnant que les soldats français essayaient de se mettre des coups de fusil dans la paume de leurs mains. Avant la Cote 188, il a été brancardier, alors des estropiés, il en a vu des peltés. Des gars comme lui, des gars perdus au milieu des no man’s lands, il leur manquait des membres ou un visage entier, ils étaient morts et parfois pas totalement mais après ça, c’était tout comme.
Et il y avait d’autres soldats comme lui, engagés avec la naïveté que cette guerre pourrait changer leur statut - ils sont Noirs alors pensez-vous, aux États-Unis c’était pire que tout. Enfin non, il y avait pire : tu pouvais être Noir et gay, alors là c’était le jackpot. Pas de bol. Mais force est de constater que la guerre, aussi horrible soit-elle, n’a pas changé grand-chose. Louis, il faisait comme pour les autres : il les ramassait, séparait parfois difficilement les morts des vivants, et les amenait dans des camions pour les transporter à l’hôpital de l’arrière. Et ils étaient séparés des autres soldats, toujours. Comme quoi, les Noirs ont toujours été mis à l’écart, même quand il s’agit de crever. Ça aussi, ça l’a marqué. Depuis, il s’est juré, plus jamais de violence, il en a bien assez bouffé.
Louis, il aimerait croire qu’il a eu une vie facile, mais pas tant en vérité. Il avait un boulot, c’était déjà pas mal. Il en a eu plusieurs en vérité, il les a un peu enchaînés, surtout après la crise de 1929. Il avait un diplôme, fierté de sa famille : le diplôme de fin d'étude secondaire, il a été le premier de sa fratrie à finir le lycée. De toute façon, la faculté il ne pouvait même pas espérer - la plupart n’étaient pas ouvertes aux “gens de couleur” et puis il n’avait pas l’argent. C’était juste avant l’entrée en guerre en 1917, alors il n’a pas vraiment eu le temps d’en profiter, de ce diplôme. Mais pour sa famille, ça faisait distingué. Comprenez donc, Louis est petit-fils d’esclaves, alors des diplômes, autant dire que ses grands-parents n’en ont pas beaucoup vu dans leur vie.
Après la guerre et la démobilisation en février 1919, Louis a dû retourner à la vie civile, et il a choppé un emploi. Ce n’est pas simple, de reprendre une vie normale et de faire comme si rien ne s’était passé, vous savez ? La guerre, ça laisse des marques, et lui a encore eu de la chance avec juste sa jambe. Certains de ses camarades ont préféré sauter par la fenêtre du troisième étage après être rentrés. Les anciens soldats, c’était loin d’être des héros en vérité. Ça n’avait rien changé, juste que les gens avaient une raison supplémentaire de les regarder de travers. Ah, ils ont eu des médailles en France pourtant. Mais rien de plus, et une médaille, ça n’est pas bien joli quand il vous manque une jambe, en tout cas ça n’aide pas à retrouver un travail.
Comme il a toujours été doué avec les chiffres, Louis est devenu comptable dans une petite banque réservée à une clientèle noire, banque créée par un nouveau bourgeois afro-américain comme on pouvait en voir fleurir durant cette période de ségrégation. Comme un peu partout, tout était séparé et Louis n’a connu que ça. L’école, l’hôpital, les restaurants et même les cimetières. Dans tous les cas, son travail à la banque en 1920 a permis de ramener un peu de sous dans la famille. Il n’est pas issu d’une famille pauvre, loin de là, mais ça mettait du beurre dans les épinards et c’était déjà pas mal. Il avait un grand-frère et une grande-sœur, sa mère faisait les ménages, son père était ouvrier agricole. Alors ce n’était pas le grand luxe dans son enfance, mais on arrivait à manger le soir. Le fait que Louis soit embauché dans une banque a beaucoup aidé à faire vivre tout ce petit monde, surtout quand sa sœur aînée a eu ses jumelles.
Il a tenu la barre jusqu’en 1929 donc, l’année de la crise. Louis a toujours suivi de loin ces histoires de cours boursiers, après tout il est plus ou moins du métier et puis son boss y tenait, bizarrement. Mais le fait est que ça n’en reste pas moins surprenant : le jeudi 24 octobre, c’est la panique ; le mardi 29, la banque où Louis travaille fait brusquement faillite, parmi l’une des premières du pays. Le mercredi 30, Louis se retrouve soudainement au chômage, sans revenu, sans économies, sans rien - et toujours avec une grande partie de sa famille à nourrir. Son frère et sa sœur finissent dans la même situation quelques semaines plus tard, lorsque la crise finit par atteindre toutes les stases de la société. C’est la galère partout, tout le monde a peur de finir à la rue si on ne parvient plus à payer le loyer. Alors Louis, il commence à enchaîner les boulots. Balayeur qu’il fera, mais essayez voir avec une jambe en semi-fonctionnement, ce n'est pas facile - ça ne durera pas très longtemps. Concierge d’un petit immeuble également, mais on dira finalement que l’on n’a plus besoin de lui au bout de quelques mois. Il aurait bien aimé être embauché à l’usine, mais pensez-donc, quand plus rien n’est produit, et puis il y a toujours le problème de sa jambe.
Ça reste comme ça jusqu’en 34 environ, là on commence à voir le bout du tunnel. Évidemment, la banque où bossait Louis est définitivement fermée, et plus jamais elle ne renaîtra : le pauvre propriétaire, Louis n’a plus de nouvelle, mais il a probablement sombré avec son affaire. Et retrouver du travail dans une société bancaire ? Hors-de-question, êtes-vous fou, on n’oublie pas si facilement une telle crise et ses conséquences. Et Louis qui a enchaîné les emplois sous-qualifiés depuis près de cinq années, il aimerait trouver quelque chose qui lui donne tout de même reconnaissance, n’est-ce pas ? Mais avec juste son diplôme du lycée, il ne peut pas espérer aller bien loin, de toute façon.
Pendant le temps de la crise, Louis a commencé à errer dans des groupes de paroles pour les Noirs Américains - au début, c’est juste pour trouver de l’aide, leur communauté a toujours été plus fortement touchée par les crises financières il est vrai. Mais rapidement Louis s’y fait des amis, on parle de leur situation, du racisme, des pistes pour se faire entendre. Et pas de violence, ah ça non, Louis y est fermement opposé. La Guerre vous savez, il rapporte tout à la guerre mais il faut bien faire avec. Mais les autres, ils n’ont pas connu, ils sont soit trop jeunes, soit ils n’ont pas été volontaires ou envoyés en Europe - après tout, ils n’ont pas été beaucoup d’Afro-Américains à la faire, cette guerre. Ce groupe de paroles finit par devenir un groupe contestataire, on fait des réunions et on écrit des essais pour les plus littéraires d’entre eux. Louis, il a décidé qu’il voulait enseigner - ah ça, c’est un métier plein de reconnaissance, n’est-ce pas ? Mais son diplôme ne suffit pas, il faut au moins un bachelor pour espérer entrer dans un lycée en tant qu’enseignant. Et puis Louis, en 1934 il a presque quarante ans - trente-huit ans pour être précis - a-t-on déjà vu quelqu’un reprendre les études à cet âge-là ?
C’est ce qu’il finit par faire pourtant, grâce à l’argent de quelques-uns de ses amis plus fortunés qu’il ne sera jamais. Il rentre à l'Institut Hampton, en Virginie, et en sort quatre ans plus tard avec en poche un bachelor en mathématiques appliquées. Louis a quarante-deux ans. Durant ces quelques quatre années d’études, il participe à de nombreux groupes de parole, manifestations et autres actes de désobéissance civile en faveur des droits civiques. Ah ça oui, Louis et ses camarades, pour la plupart tous bien plus jeunes que lui, auront été détestés en Virginie, à attendre qu’on les serve dans les bars et les cafés, à faire la queue au milieu d’autres clients blancs. Ils ont beaucoup parlé, d’art, de philosophie, de sciences et d’histoire. Tous n’ont qu’une idée en tête, et elle prend différentes formes pour toujours la même finalité : se mettre au service de la communauté noire américaine, dans l’espoir peut-être vain de la sortir des affres de la Ségrégation.
Pour Louis, il revient en Caroline du Sud, et parvient à se faire embaucher dans un lycée de sa ville, celui-là même où il a étudié étant plus jeune. C’est loin d’être le meilleur lycée de l'État, évidemment ils ont moins de subventions, moins de moyens, des locaux déplorables mais qu’est-ce que le gouvernement en a à faire ? Des Noirs éduqués, ça leur fait peur alors c’est bien ce vers quoi Louis tend. Il destine ses élèves à la science, il est exigeant, intransigeant même - on ne plaisante pas avec le professeur Wilson, qu’on souffle dans les couloirs mais qu’importe. Qu’importe car Louis se fait déjà vieux et il a réussi à gâcher sa vie, alors c’est maintenant qu’il espère se rattraper à une cause qui désormais le dépasse par son ampleur.
En 39, la guerre éclate de nouveau en Europe, et les États-Unis y prendront part dès 1940. C’est à cette occasion qu’on sort définitivement de la crise de 29, après tout, les guerres, il y en a toujours pour s’en mettre plein les poches à cette occasion. Cette fois, Louis le regarde de loin, la guerre ça a fini par le dégoûter et il n’est pas assez fou pour réessayer. Et puis, sa jambe, vous savez… C’est bizarre de voir néanmoins, l’autre côté du pays - quand il était au front en 1918, il s’est souvent demandé Louis, comment c’était au pays. Eh bien c’est étrange de voir que c’est presque normal au final. Le pays n’est pas touché après tout, la guerre, elle est en Europe. Il y a quelques affiches de propagande, on se met à haïr les Rouges et les Jap’, on craint l’espionnage des Nazis, et après en 1946 on craindra d'espionnage des Russes. Comme quoi, même au fil de l’Histoire, on essaye toujours de se trouver des ennemis.
Finalement, on revient au début. Nous sommes en 1951, Louis a cinquante-cinq ans. Il se trouve au mauvais endroit, au mauvais moment. On l’accuse du meurtre de Lizzie Hamilton, une jeune femme blanche d’à peine dix-huit ans. C’était une gamine charmante, discrète, qui n’avait rien demandé à personne pour finir comme ça. Elle a juste fini dans le collimateur d’un taré sans que l’on sache pour quelle raison, mais à partir de là, son destin était tracé. Elle a été retrouvée dans un quartier noir, alors vous pensez bien, le scandale. On veut un coupable, rapidement et pour l’exemple surtout. Louis a suivi l’affaire, ce n’était pas très loin de chez-lui, il a été interrogé, ah oui - et vous n’avez rien remarqué d’étrange avant-hier soir dans la rue ? Louis, on le voit comme un vieux garçon, il n’a pas de femme, pas d’enfant, alors ça semble toujours un peu étrange à cette époque. Il est enseignant au lycée, apparemment “radicalisé” dans la lutte pour les droits des Afro-Américains. Il a fait la Grande Guerre, il a une jambe en vrac et il marche avec une canne. La canne, elle est bien pratique : la gamine a été tuée, battue à mort par un objet contondant. Et ça s’affole au-dehors, alors il faut que la police accélère. On vient l’interroger de nouveau, cette fois c’est plus pressant, plus musclé. Louis est le coupable idéal, parce qu’en plus de calmer les foules, on le cloue au pilori : un radical noir, ça en calmera quelques autres probablement, dans cette période où enflent de plus en plus de mouvements pour les droits sociaux. Louis voit la corde se rapprocher de son cou, et il n’a pas vraiment de faux-espoirs - à l’époque, c’est la chaise électrique en Caroline du Sud, et on sera bien heureux de l’y envoyer en vitesse.
Pourtant, malgré l’évidence qui peu à peu se rapproche, Louis ne fuit pas. Ah ça non, pas question, ce serait définitivement le condamner même pour la postérité. Il se dit qu’il affrontera la justice avec tout le courage dont il est capable de fournir, et tant pis pour la suite. On l'exécutera, c’est plus que probable, et alors ? Dans le fond, ça terrifie, Louis n’a pas envie de finir sa vie ainsi - chaque coup à la porte lui fait craindre un nouvel interrogatoire, une nouvelle descente de la police ; on lui confisque sa canne, c’est pour analyses qu’on lui dit ; il ne dort plus des nuits, s’attend sans cesse à finir arrêté. Franchement, quand on sait qu’on va crever, on pourrait penser que l’on s’y fait, mais pas tellement en vérité. Louis en rêve même la journée, il a les mains qui tremblent. Il le sait par avance : il ne sera ni le premier, ni le dernier ; et il n’y aura probablement aucun recours qu’importe l’espoir que l’on y met.
Une nouvelle fois, on frappe à la porte. C’est une femme, elle est grande, bien habillée, elle semble sortir d’un autre siècle. Elle peut aider, dit-elle ; Louis n’y croit pas, il ne croit pas à grand-chose et surtout pas à une phrase aussi absurde. Pourtant elle insiste - si si croyez-moi donc, vous avez raison, vous n’aurez que peu de chance de vous en sortir par la voie d’un procès équitable. Qu’est-ce que vous y perdrez, n’est-ce pas ? Elle sort ses crocs, Louis ne la voit pas venir. Cette femme, dont Louis oubliera le nom et l’allure, sera à la fois traîtresse, meurtrière et sauveuse - relation compliquée s’il en est.
Le corps de Louis sera retrouvé le surlendemain, par des policiers venus pour l’arrêter et l’inculquer de meurtre. Voyant la scène étrange, on conclura tout de même à un suicide, plus par commodité que par réelle enquête. Par ce geste, sa culpabilité sera également actée.
[NB : Bibliographie à la fin]
Louis a cinquante-cinq ans.
Il se trouve au mauvais endroit, au mauvais moment. C’est toujours un coup au moral, que de se voir accuser d’un meurtre, qu’on l’ait commis ou non, d’autant lorsque l’on a milité une bonne partie de sa vie pour que ce genre de bavure n’existe plus.
Louis est un pacifiste depuis longtemps - il a fait la guerre, la Grande Guerre, voyez-vous ; et ça l’a marqué tant physiquement que mentalement. Il a une jambe en moins, pas littéralement mais elle ne fonctionne plus : une balle à la Cote 188, un mois et demi avant la fin de la guerre. Et des cauchemars, ah ça oui, et ça le réveille encore la nuit. Il n’a vécu que quelques batailles, pas bien longtemps, mais ça a suffi. Alors il n’ose même pas imaginer quatre ans dans cet Enfer, pas étonnant que les soldats français essayaient de se mettre des coups de fusil dans la paume de leurs mains. Avant la Cote 188, il a été brancardier, alors des estropiés, il en a vu des peltés. Des gars comme lui, des gars perdus au milieu des no man’s lands, il leur manquait des membres ou un visage entier, ils étaient morts et parfois pas totalement mais après ça, c’était tout comme.
Et il y avait d’autres soldats comme lui, engagés avec la naïveté que cette guerre pourrait changer leur statut - ils sont Noirs alors pensez-vous, aux États-Unis c’était pire que tout. Enfin non, il y avait pire : tu pouvais être Noir et gay, alors là c’était le jackpot. Pas de bol. Mais force est de constater que la guerre, aussi horrible soit-elle, n’a pas changé grand-chose. Louis, il faisait comme pour les autres : il les ramassait, séparait parfois difficilement les morts des vivants, et les amenait dans des camions pour les transporter à l’hôpital de l’arrière. Et ils étaient séparés des autres soldats, toujours. Comme quoi, les Noirs ont toujours été mis à l’écart, même quand il s’agit de crever. Ça aussi, ça l’a marqué. Depuis, il s’est juré, plus jamais de violence, il en a bien assez bouffé.
Louis, il aimerait croire qu’il a eu une vie facile, mais pas tant en vérité. Il avait un boulot, c’était déjà pas mal. Il en a eu plusieurs en vérité, il les a un peu enchaînés, surtout après la crise de 1929. Il avait un diplôme, fierté de sa famille : le diplôme de fin d'étude secondaire, il a été le premier de sa fratrie à finir le lycée. De toute façon, la faculté il ne pouvait même pas espérer - la plupart n’étaient pas ouvertes aux “gens de couleur” et puis il n’avait pas l’argent. C’était juste avant l’entrée en guerre en 1917, alors il n’a pas vraiment eu le temps d’en profiter, de ce diplôme. Mais pour sa famille, ça faisait distingué. Comprenez donc, Louis est petit-fils d’esclaves, alors des diplômes, autant dire que ses grands-parents n’en ont pas beaucoup vu dans leur vie.
Après la guerre et la démobilisation en février 1919, Louis a dû retourner à la vie civile, et il a choppé un emploi. Ce n’est pas simple, de reprendre une vie normale et de faire comme si rien ne s’était passé, vous savez ? La guerre, ça laisse des marques, et lui a encore eu de la chance avec juste sa jambe. Certains de ses camarades ont préféré sauter par la fenêtre du troisième étage après être rentrés. Les anciens soldats, c’était loin d’être des héros en vérité. Ça n’avait rien changé, juste que les gens avaient une raison supplémentaire de les regarder de travers. Ah, ils ont eu des médailles en France pourtant. Mais rien de plus, et une médaille, ça n’est pas bien joli quand il vous manque une jambe, en tout cas ça n’aide pas à retrouver un travail.
Comme il a toujours été doué avec les chiffres, Louis est devenu comptable dans une petite banque réservée à une clientèle noire, banque créée par un nouveau bourgeois afro-américain comme on pouvait en voir fleurir durant cette période de ségrégation. Comme un peu partout, tout était séparé et Louis n’a connu que ça. L’école, l’hôpital, les restaurants et même les cimetières. Dans tous les cas, son travail à la banque en 1920 a permis de ramener un peu de sous dans la famille. Il n’est pas issu d’une famille pauvre, loin de là, mais ça mettait du beurre dans les épinards et c’était déjà pas mal. Il avait un grand-frère et une grande-sœur, sa mère faisait les ménages, son père était ouvrier agricole. Alors ce n’était pas le grand luxe dans son enfance, mais on arrivait à manger le soir. Le fait que Louis soit embauché dans une banque a beaucoup aidé à faire vivre tout ce petit monde, surtout quand sa sœur aînée a eu ses jumelles.
Il a tenu la barre jusqu’en 1929 donc, l’année de la crise. Louis a toujours suivi de loin ces histoires de cours boursiers, après tout il est plus ou moins du métier et puis son boss y tenait, bizarrement. Mais le fait est que ça n’en reste pas moins surprenant : le jeudi 24 octobre, c’est la panique ; le mardi 29, la banque où Louis travaille fait brusquement faillite, parmi l’une des premières du pays. Le mercredi 30, Louis se retrouve soudainement au chômage, sans revenu, sans économies, sans rien - et toujours avec une grande partie de sa famille à nourrir. Son frère et sa sœur finissent dans la même situation quelques semaines plus tard, lorsque la crise finit par atteindre toutes les stases de la société. C’est la galère partout, tout le monde a peur de finir à la rue si on ne parvient plus à payer le loyer. Alors Louis, il commence à enchaîner les boulots. Balayeur qu’il fera, mais essayez voir avec une jambe en semi-fonctionnement, ce n'est pas facile - ça ne durera pas très longtemps. Concierge d’un petit immeuble également, mais on dira finalement que l’on n’a plus besoin de lui au bout de quelques mois. Il aurait bien aimé être embauché à l’usine, mais pensez-donc, quand plus rien n’est produit, et puis il y a toujours le problème de sa jambe.
Ça reste comme ça jusqu’en 34 environ, là on commence à voir le bout du tunnel. Évidemment, la banque où bossait Louis est définitivement fermée, et plus jamais elle ne renaîtra : le pauvre propriétaire, Louis n’a plus de nouvelle, mais il a probablement sombré avec son affaire. Et retrouver du travail dans une société bancaire ? Hors-de-question, êtes-vous fou, on n’oublie pas si facilement une telle crise et ses conséquences. Et Louis qui a enchaîné les emplois sous-qualifiés depuis près de cinq années, il aimerait trouver quelque chose qui lui donne tout de même reconnaissance, n’est-ce pas ? Mais avec juste son diplôme du lycée, il ne peut pas espérer aller bien loin, de toute façon.
Pendant le temps de la crise, Louis a commencé à errer dans des groupes de paroles pour les Noirs Américains - au début, c’est juste pour trouver de l’aide, leur communauté a toujours été plus fortement touchée par les crises financières il est vrai. Mais rapidement Louis s’y fait des amis, on parle de leur situation, du racisme, des pistes pour se faire entendre. Et pas de violence, ah ça non, Louis y est fermement opposé. La Guerre vous savez, il rapporte tout à la guerre mais il faut bien faire avec. Mais les autres, ils n’ont pas connu, ils sont soit trop jeunes, soit ils n’ont pas été volontaires ou envoyés en Europe - après tout, ils n’ont pas été beaucoup d’Afro-Américains à la faire, cette guerre. Ce groupe de paroles finit par devenir un groupe contestataire, on fait des réunions et on écrit des essais pour les plus littéraires d’entre eux. Louis, il a décidé qu’il voulait enseigner - ah ça, c’est un métier plein de reconnaissance, n’est-ce pas ? Mais son diplôme ne suffit pas, il faut au moins un bachelor pour espérer entrer dans un lycée en tant qu’enseignant. Et puis Louis, en 1934 il a presque quarante ans - trente-huit ans pour être précis - a-t-on déjà vu quelqu’un reprendre les études à cet âge-là ?
C’est ce qu’il finit par faire pourtant, grâce à l’argent de quelques-uns de ses amis plus fortunés qu’il ne sera jamais. Il rentre à l'Institut Hampton, en Virginie, et en sort quatre ans plus tard avec en poche un bachelor en mathématiques appliquées. Louis a quarante-deux ans. Durant ces quelques quatre années d’études, il participe à de nombreux groupes de parole, manifestations et autres actes de désobéissance civile en faveur des droits civiques. Ah ça oui, Louis et ses camarades, pour la plupart tous bien plus jeunes que lui, auront été détestés en Virginie, à attendre qu’on les serve dans les bars et les cafés, à faire la queue au milieu d’autres clients blancs. Ils ont beaucoup parlé, d’art, de philosophie, de sciences et d’histoire. Tous n’ont qu’une idée en tête, et elle prend différentes formes pour toujours la même finalité : se mettre au service de la communauté noire américaine, dans l’espoir peut-être vain de la sortir des affres de la Ségrégation.
Pour Louis, il revient en Caroline du Sud, et parvient à se faire embaucher dans un lycée de sa ville, celui-là même où il a étudié étant plus jeune. C’est loin d’être le meilleur lycée de l'État, évidemment ils ont moins de subventions, moins de moyens, des locaux déplorables mais qu’est-ce que le gouvernement en a à faire ? Des Noirs éduqués, ça leur fait peur alors c’est bien ce vers quoi Louis tend. Il destine ses élèves à la science, il est exigeant, intransigeant même - on ne plaisante pas avec le professeur Wilson, qu’on souffle dans les couloirs mais qu’importe. Qu’importe car Louis se fait déjà vieux et il a réussi à gâcher sa vie, alors c’est maintenant qu’il espère se rattraper à une cause qui désormais le dépasse par son ampleur.
En 39, la guerre éclate de nouveau en Europe, et les États-Unis y prendront part dès 1940. C’est à cette occasion qu’on sort définitivement de la crise de 29, après tout, les guerres, il y en a toujours pour s’en mettre plein les poches à cette occasion. Cette fois, Louis le regarde de loin, la guerre ça a fini par le dégoûter et il n’est pas assez fou pour réessayer. Et puis, sa jambe, vous savez… C’est bizarre de voir néanmoins, l’autre côté du pays - quand il était au front en 1918, il s’est souvent demandé Louis, comment c’était au pays. Eh bien c’est étrange de voir que c’est presque normal au final. Le pays n’est pas touché après tout, la guerre, elle est en Europe. Il y a quelques affiches de propagande, on se met à haïr les Rouges et les Jap’, on craint l’espionnage des Nazis, et après en 1946 on craindra d'espionnage des Russes. Comme quoi, même au fil de l’Histoire, on essaye toujours de se trouver des ennemis.
Finalement, on revient au début. Nous sommes en 1951, Louis a cinquante-cinq ans. Il se trouve au mauvais endroit, au mauvais moment. On l’accuse du meurtre de Lizzie Hamilton, une jeune femme blanche d’à peine dix-huit ans. C’était une gamine charmante, discrète, qui n’avait rien demandé à personne pour finir comme ça. Elle a juste fini dans le collimateur d’un taré sans que l’on sache pour quelle raison, mais à partir de là, son destin était tracé. Elle a été retrouvée dans un quartier noir, alors vous pensez bien, le scandale. On veut un coupable, rapidement et pour l’exemple surtout. Louis a suivi l’affaire, ce n’était pas très loin de chez-lui, il a été interrogé, ah oui - et vous n’avez rien remarqué d’étrange avant-hier soir dans la rue ? Louis, on le voit comme un vieux garçon, il n’a pas de femme, pas d’enfant, alors ça semble toujours un peu étrange à cette époque. Il est enseignant au lycée, apparemment “radicalisé” dans la lutte pour les droits des Afro-Américains. Il a fait la Grande Guerre, il a une jambe en vrac et il marche avec une canne. La canne, elle est bien pratique : la gamine a été tuée, battue à mort par un objet contondant. Et ça s’affole au-dehors, alors il faut que la police accélère. On vient l’interroger de nouveau, cette fois c’est plus pressant, plus musclé. Louis est le coupable idéal, parce qu’en plus de calmer les foules, on le cloue au pilori : un radical noir, ça en calmera quelques autres probablement, dans cette période où enflent de plus en plus de mouvements pour les droits sociaux. Louis voit la corde se rapprocher de son cou, et il n’a pas vraiment de faux-espoirs - à l’époque, c’est la chaise électrique en Caroline du Sud, et on sera bien heureux de l’y envoyer en vitesse.
Pourtant, malgré l’évidence qui peu à peu se rapproche, Louis ne fuit pas. Ah ça non, pas question, ce serait définitivement le condamner même pour la postérité. Il se dit qu’il affrontera la justice avec tout le courage dont il est capable de fournir, et tant pis pour la suite. On l'exécutera, c’est plus que probable, et alors ? Dans le fond, ça terrifie, Louis n’a pas envie de finir sa vie ainsi - chaque coup à la porte lui fait craindre un nouvel interrogatoire, une nouvelle descente de la police ; on lui confisque sa canne, c’est pour analyses qu’on lui dit ; il ne dort plus des nuits, s’attend sans cesse à finir arrêté. Franchement, quand on sait qu’on va crever, on pourrait penser que l’on s’y fait, mais pas tellement en vérité. Louis en rêve même la journée, il a les mains qui tremblent. Il le sait par avance : il ne sera ni le premier, ni le dernier ; et il n’y aura probablement aucun recours qu’importe l’espoir que l’on y met.
Une nouvelle fois, on frappe à la porte. C’est une femme, elle est grande, bien habillée, elle semble sortir d’un autre siècle. Elle peut aider, dit-elle ; Louis n’y croit pas, il ne croit pas à grand-chose et surtout pas à une phrase aussi absurde. Pourtant elle insiste - si si croyez-moi donc, vous avez raison, vous n’aurez que peu de chance de vous en sortir par la voie d’un procès équitable. Qu’est-ce que vous y perdrez, n’est-ce pas ? Elle sort ses crocs, Louis ne la voit pas venir. Cette femme, dont Louis oubliera le nom et l’allure, sera à la fois traîtresse, meurtrière et sauveuse - relation compliquée s’il en est.
Le corps de Louis sera retrouvé le surlendemain, par des policiers venus pour l’arrêter et l’inculquer de meurtre. Voyant la scène étrange, on conclura tout de même à un suicide, plus par commodité que par réelle enquête. Par ce geste, sa culpabilité sera également actée.
Bibliographie :
Et pour les beaux yeux de Miu, voici mes sources en format APA :
Alix SA. (2019). L’histoire des élèves aux Etats-Unis (XIX° siècle - première moitié du XX° siècle) : enjeux et perspectives d’un sous-ensemble historiographique en expansion. Histoire de l’éducation, (150). 171-200. Consulté sur : https://journals.openedition.org/histoire-education/4302
Gazier B. (2016). Chapitre premier - Les grandeurs caractéristiques de la crise. Dans Gazier B. La crise de 1929. (pp.7-25). Presse Universitaire de France. Consulté sur : https://www.cairn.info/la-crise-de-1929--9782130591788-page-7.htm
Gelber AC., Wigley FM., Stallings RY., Bone LR., Baker AV., Baylor I., Harris CW., Hill MN., Zeger SL., Levine DM. (1999). Symptoms of Raynaud’s phenomenon in an inner-city African-American community : prevalence and self-reported cardiovacular comorbidity. Journal of clinical Epidemiology, 52(5). 441-6. Consulté sur : https://www.jclinepi.com/article/S0895-4356(99)00015-3/fulltext
Hampton University. (2023). History - About Hampton University. Hampton University. https://home.hamptonu.edu/about/history/
Lahaie O. (2003). 1917-1918 : les soldats noirs américains au combat. Inflexions, 3(21). 209-217. Consulté sur : https://www.cairn.info/revue-inflexions-2012-3-page-209.htm
National Park Service. (2022). Freddie Stowers. National Park Service. https://www.nps.gov/people/freddie-stowers.htm
Ndiaye P. (2006). Etats-Unis : un siècle de ségrégation. L’Histoire, (306). Consulté sur : https://www.lhistoire.fr/%C3%A9tats-unis-un-si%C3%A8cle-de-s%C3%A9gr%C3%A9gation
Alix SA. (2019). L’histoire des élèves aux Etats-Unis (XIX° siècle - première moitié du XX° siècle) : enjeux et perspectives d’un sous-ensemble historiographique en expansion. Histoire de l’éducation, (150). 171-200. Consulté sur : https://journals.openedition.org/histoire-education/4302
Gazier B. (2016). Chapitre premier - Les grandeurs caractéristiques de la crise. Dans Gazier B. La crise de 1929. (pp.7-25). Presse Universitaire de France. Consulté sur : https://www.cairn.info/la-crise-de-1929--9782130591788-page-7.htm
Gelber AC., Wigley FM., Stallings RY., Bone LR., Baker AV., Baylor I., Harris CW., Hill MN., Zeger SL., Levine DM. (1999). Symptoms of Raynaud’s phenomenon in an inner-city African-American community : prevalence and self-reported cardiovacular comorbidity. Journal of clinical Epidemiology, 52(5). 441-6. Consulté sur : https://www.jclinepi.com/article/S0895-4356(99)00015-3/fulltext
Hampton University. (2023). History - About Hampton University. Hampton University. https://home.hamptonu.edu/about/history/
Lahaie O. (2003). 1917-1918 : les soldats noirs américains au combat. Inflexions, 3(21). 209-217. Consulté sur : https://www.cairn.info/revue-inflexions-2012-3-page-209.htm
National Park Service. (2022). Freddie Stowers. National Park Service. https://www.nps.gov/people/freddie-stowers.htm
Ndiaye P. (2006). Etats-Unis : un siècle de ségrégation. L’Histoire, (306). Consulté sur : https://www.lhistoire.fr/%C3%A9tats-unis-un-si%C3%A8cle-de-s%C3%A9gr%C3%A9gation
Post-mortem
Louis a attendu, pas très longtemps il est vrai, quelques minutes tout au plus. On lui dit qu’il est mort, et puis voilà. Qu’il ne s’est pas assez amusé durant son existence de vivant, probablement - il faut dire qu’il ne considère pas avoir eu une vie des plus simples, mais c’est l'époque, que voulez-vous ?
Il arrive sans canne, évidemment la sienne a été “empruntée” pour analyse, alors il boite et marche comme il le peut. La canne, c'est la première chose qu'il achètera dans ce monde nouveau. Sans plus de préavis, on le lâche au milieu du Japon. Parce que oui, Louis se retrouve au Japon, et dans le fond ça le crispe tout de même. Évidemment après des années de propagande anti-japonaise sur tous les murs des États-Unis, ça finit par laisser des marques même chez ceux qui se pensent les plus immunisés à ces conneries. Vous saviez qu’après Pearl Harbor, les Nippo-Américains ont été parqués dans des camps de “réinstallation” jusqu’en 45 ? Louis en tout cas, il ne le savait pas, il l’apprend sur le vif. Comme quoi, les autorités sont connes partout, et ces pauvres gens n’avaient rien demandé. Comme lui, en somme. Comme eux.
A son arrivée, on le case dans un appartement, appartement dans lequel il habite encore maintenant, avec d’autres gens. D’autres morts, c’est vrai. Louis est perdu, car pour tout avouer, il ne s’attendait pas vraiment à tout ça. Déjà, il se demande bien comment il est mort, après tout il n’a pas tant de souvenirs de son trépas, malgré les images qu’on lui a montré à son arrivée. Il s’attendait à la chaise électrique, mais non. Mordu, un vampire. Sans plus d’explication. Soit. Qu’est-ce que ça change, après tout ?
C’est la question qu’il se pose jusqu’à qu’il commence à ressentir la soif. La vraie soif, et ça lui prend quelques semaines avant qu’elle ne se manifeste réellement. A partir de là, il devient invivable, agit comme un potomane mais rien ne marche. Il regarde ses crocs pousser dans le miroir, passe sa langue et ses doigts dessus par curiosité - se coupe comme un idiot. “Attention, ça peut couper l’acier”, qu’on lui dit pour plaisanter. Il ne sait pas si ce sont des conneries ou pas, en tout cas il n’a jamais pris le risque d’essayer. Il retourne à l’Agence, se perd en chemin parce que c’est trop labyrinthique à son goût - tout est trop labyrinthique à son goût, après tout. Il arrive à cran, sur les nerfs, une explication que diable, est-ce trop demandé ? On l’oriente ailleurs, il se fait balader, se plaint à grand coup de voix de l’administration désorganisée. Ah ça chez-lui, ce ne serait jamais arrivé !
On finit par le faire s’asseoir quelque part. Groupe sanguin, qu’on lui demande mais il l’ignore bien. Si vous pensez que les Noirs peuvent aller faire un groupage sanguin pour le plaisir, c’est que vous êtes totalement à côté de la plaque. C’est ce qu’il répond, et on roule des yeux. En désespoir de cause, on lui fournit une poche de O : du sang, hors-de-question qu’il avale ça. Ah non, ça ne lui fait pas peur, il en a vu quand il était jeune - la Guerre et tout le reste, vous savez bien, et puis il a été brancardier - mais il n’irait pas tremper ses lèvres là-dedans. Le voir, c’était bien assez. Et puis on ne l’a pas faussement accusé de meurtre pour qu’il se mette à avaler du sang humain par litres entiers, ce serait idiot n’est-ce pas ? Pourtant, lorsque la soif tiraille trop, on abandonne bien rapidement toutes nos jolies convictions. C’était la première fois qu’il a eu à faire avec la Camarilla.
Louis, il a eu bien du mal à s’y faire : pour un pacifiste déclaré, avaler des litres de sang, ça n’est pas des plus aisés, quand bien même ce n’est pas tout le temps, quand bien même c’est espacé. Il tourne quelque temps avec de simples poches, et à chaque fois, il regarde ses crocs pousser, recule l’échéance jusqu’au bout et finit par craquer. On s’amuse à tester, pour deviner son groupe réel et il finit suffisamment la tête dans les toilettes. Et ce n’est jamais assez, étrangement il ressent toujours dans le fond de la gorge que ça le démange, c’est dérangeant, désolant, alors avec un confrère vampire, il finit par mettre pour la première fois les pieds dehors durant l’année 1955. Il est au Japon, dans le monde des vivants. On le regarde de travers, un Noir au Japon ça détonne toujours un peu mais il en a l’habitude : malheureusement il a toujours détonné où qu’il aille dans son existence. On lui apprend à chasser, à traquer, les endroits privilégiés - “ne t’attarde pas trop après”, qu’on lui dit. Il faut se dépêcher, ne pas rester bloqué, ne pas non plus trop en faire. Mordre et revenir, tu n’es plus d’ici désormais.
La première fois qu’il mord, Louis, il mord un peu hasard : dans les années 50 ce n’est pas facile d’obtenir les informations nécessaires pour bien se nourrir. Même encore maintenant, il faut fouiller, fouiner, le groupe sanguin de quelqu’un n’est pas une information publique. Un vrai travail de détective. Un détective qui tue, et c’est ce qui l’effraie au début. On l’a accusé de meurtre, c’était un mensonge, une fabulation parce que c’était bien pratique et qu’il était le coupable idéal ; mais désormais, là et maintenant, n’est-ce pas à de vrais meurtres auxquels il procède ? On pourrait dire que c’est pour se nourrir, que c’est là la loi du plus fort à laquelle Louis n’a jamais cru, mais justement Louis, il préfère voir les choses autrement. Ce ne sont pas des meurtres après tout, tous ceux qu’il mord vont finir par atterrir ici où une toute nouvelle vie s'étalera devant eux. Et s’il choisit bien, s’il enquête suffisamment - peut-être même pourrait-il abréger une existence trop douloureuse ou trop injuste ?
Force est de constater, dans ce monde nouveau, que Louis ne sait pas où se placer. Il semble perdu, ailleurs et déconnecté. Il a devant lui plusieurs siècles, on le lui a répété - mais comment savoir quoi en penser et surtout quoi en faire ? Dans les années 60, il se fait embaucher par un horloger, Camille Los Santos, parce que Louis y a postulé - les horloges et les montres l’ont toujours fascinées. Au début, ce n’est pas pour grand-chose, il remonte juste des horloges chez des clients, de vieilles horloges, c’est dingue tout ce que l’on peut trouver. Et puis remonter des horloges, c’est bien aisé et plutôt facile mais ça ne l’empêche pas d’apprendre le reste auprès de son employeur - et amant au fil des années. Il apprend les techniques, les mécanismes, la micro-ingénierie, et c’est d’autant plus fascinant lorsque l’on rentre dans le métier. C’est Camille Los Santos qui lui a appris tout ce qu’il sait aujourd’hui.
Camille, ça a été la force d’une vie - ou d’une mort, qu’en sait-il. Louis n’a jamais trop parlé de son homosexualité, il la cachait parce que c’était bien plus facile. Il était déjà Noir, alors ça aurait rajouté une tare par-dessus une autre. Mais il vivait avec, de toute façon, on ne peut pas faire autrement. Assumer est un bien grand mot lorsqu’on se cache à la vue de tous, mais il n’a jamais fait semblant d’autre chose. En revanche, dans ce monde et après la mort, ça a été une libération, et Camille une découverte certaine. On peut se dire que l’affection transcende les mondes, en tout cas Louis l’espère, si seulement Camille ne datait pas du XIII° siècle. Il est tombé en poussière voilà quelques décennies, au début des années 1990. Le 14 décembre 1991, c’est toujours écrit dans un coin de sa tête malgré le temps qui passe. Camille avait 726 ans.
Camille, Louis ne l’a pas beaucoup pleuré, il faut avouer. Non pas qu’il n’en avait pas l’envie, disons plutôt qu’il n’en a pas eu le courage. Il a récupéré sa boutique, son horlogerie, c’était écrit sur une lettre que Louis a trouvé en allant récupérer des affaires, donc à croire qu’il avait prévu de partir tôt ou tard. Parfois encore, Louis se questionne sur la suite, malgré les siècles ils ne sont pas immortels et même s’il a encore du temps devant lui, tout ceci finira bien par arriver également. Il n’a jamais été croyant, mais il faut avouer que c’est parfois réconfortant. On peut dire qu’il a eu une phase de deuil, probablement était-il plus distant, plus distrait, moins attentif, qu’en sait-il. C’est comme s’il revenait au point de départ, à croire que Camille avait réussi à le sortir d’une torpeur d’après-mort qui ne l’a jamais réellement quitté depuis, et qui l’embrasse de nouveau maintenant que son amant est parti. On peut peiner à trouver un sens à sa vie, mais pour Louis, on en revient à l’origine.
Il en revient à vouloir aider les siens, non pas la communauté afro-américaine cette fois, mais celle des vampires. Celles et ceux qui ne comprennent pas pourquoi ils sont là, comment ni même ce qu’ils sont. Il a toujours suivi de loin la Camarilla, qui l’a aidé à son arrivée à se fournir en poche ou à chasser ses premières proies. Il se présente de nouveau devant eux, mais cette fois pour aider. Au début, c’est un peu tout et un peu rien, des recensements, des affiches à coller, des tracts à distribuer - il en met encore en avant dans sa boutique, si besoin est, et dans son appartement et dans le café qu’il fréquente le plus souvent, au coin de la rue. Puis il a commencé à accueillir des nouveaux venu.e.s, gérer des groupes de paroles pour les nouveaux vampires fraîchement débarqué.e.s ; et encore plus tard les amenant à l’extérieur, pour celles et ceux qui le souhaitent.
Et c’est cette existence qu’il vit désormais, Louis.
Il arrive sans canne, évidemment la sienne a été “empruntée” pour analyse, alors il boite et marche comme il le peut. La canne, c'est la première chose qu'il achètera dans ce monde nouveau. Sans plus de préavis, on le lâche au milieu du Japon. Parce que oui, Louis se retrouve au Japon, et dans le fond ça le crispe tout de même. Évidemment après des années de propagande anti-japonaise sur tous les murs des États-Unis, ça finit par laisser des marques même chez ceux qui se pensent les plus immunisés à ces conneries. Vous saviez qu’après Pearl Harbor, les Nippo-Américains ont été parqués dans des camps de “réinstallation” jusqu’en 45 ? Louis en tout cas, il ne le savait pas, il l’apprend sur le vif. Comme quoi, les autorités sont connes partout, et ces pauvres gens n’avaient rien demandé. Comme lui, en somme. Comme eux.
A son arrivée, on le case dans un appartement, appartement dans lequel il habite encore maintenant, avec d’autres gens. D’autres morts, c’est vrai. Louis est perdu, car pour tout avouer, il ne s’attendait pas vraiment à tout ça. Déjà, il se demande bien comment il est mort, après tout il n’a pas tant de souvenirs de son trépas, malgré les images qu’on lui a montré à son arrivée. Il s’attendait à la chaise électrique, mais non. Mordu, un vampire. Sans plus d’explication. Soit. Qu’est-ce que ça change, après tout ?
C’est la question qu’il se pose jusqu’à qu’il commence à ressentir la soif. La vraie soif, et ça lui prend quelques semaines avant qu’elle ne se manifeste réellement. A partir de là, il devient invivable, agit comme un potomane mais rien ne marche. Il regarde ses crocs pousser dans le miroir, passe sa langue et ses doigts dessus par curiosité - se coupe comme un idiot. “Attention, ça peut couper l’acier”, qu’on lui dit pour plaisanter. Il ne sait pas si ce sont des conneries ou pas, en tout cas il n’a jamais pris le risque d’essayer. Il retourne à l’Agence, se perd en chemin parce que c’est trop labyrinthique à son goût - tout est trop labyrinthique à son goût, après tout. Il arrive à cran, sur les nerfs, une explication que diable, est-ce trop demandé ? On l’oriente ailleurs, il se fait balader, se plaint à grand coup de voix de l’administration désorganisée. Ah ça chez-lui, ce ne serait jamais arrivé !
On finit par le faire s’asseoir quelque part. Groupe sanguin, qu’on lui demande mais il l’ignore bien. Si vous pensez que les Noirs peuvent aller faire un groupage sanguin pour le plaisir, c’est que vous êtes totalement à côté de la plaque. C’est ce qu’il répond, et on roule des yeux. En désespoir de cause, on lui fournit une poche de O : du sang, hors-de-question qu’il avale ça. Ah non, ça ne lui fait pas peur, il en a vu quand il était jeune - la Guerre et tout le reste, vous savez bien, et puis il a été brancardier - mais il n’irait pas tremper ses lèvres là-dedans. Le voir, c’était bien assez. Et puis on ne l’a pas faussement accusé de meurtre pour qu’il se mette à avaler du sang humain par litres entiers, ce serait idiot n’est-ce pas ? Pourtant, lorsque la soif tiraille trop, on abandonne bien rapidement toutes nos jolies convictions. C’était la première fois qu’il a eu à faire avec la Camarilla.
Louis, il a eu bien du mal à s’y faire : pour un pacifiste déclaré, avaler des litres de sang, ça n’est pas des plus aisés, quand bien même ce n’est pas tout le temps, quand bien même c’est espacé. Il tourne quelque temps avec de simples poches, et à chaque fois, il regarde ses crocs pousser, recule l’échéance jusqu’au bout et finit par craquer. On s’amuse à tester, pour deviner son groupe réel et il finit suffisamment la tête dans les toilettes. Et ce n’est jamais assez, étrangement il ressent toujours dans le fond de la gorge que ça le démange, c’est dérangeant, désolant, alors avec un confrère vampire, il finit par mettre pour la première fois les pieds dehors durant l’année 1955. Il est au Japon, dans le monde des vivants. On le regarde de travers, un Noir au Japon ça détonne toujours un peu mais il en a l’habitude : malheureusement il a toujours détonné où qu’il aille dans son existence. On lui apprend à chasser, à traquer, les endroits privilégiés - “ne t’attarde pas trop après”, qu’on lui dit. Il faut se dépêcher, ne pas rester bloqué, ne pas non plus trop en faire. Mordre et revenir, tu n’es plus d’ici désormais.
La première fois qu’il mord, Louis, il mord un peu hasard : dans les années 50 ce n’est pas facile d’obtenir les informations nécessaires pour bien se nourrir. Même encore maintenant, il faut fouiller, fouiner, le groupe sanguin de quelqu’un n’est pas une information publique. Un vrai travail de détective. Un détective qui tue, et c’est ce qui l’effraie au début. On l’a accusé de meurtre, c’était un mensonge, une fabulation parce que c’était bien pratique et qu’il était le coupable idéal ; mais désormais, là et maintenant, n’est-ce pas à de vrais meurtres auxquels il procède ? On pourrait dire que c’est pour se nourrir, que c’est là la loi du plus fort à laquelle Louis n’a jamais cru, mais justement Louis, il préfère voir les choses autrement. Ce ne sont pas des meurtres après tout, tous ceux qu’il mord vont finir par atterrir ici où une toute nouvelle vie s'étalera devant eux. Et s’il choisit bien, s’il enquête suffisamment - peut-être même pourrait-il abréger une existence trop douloureuse ou trop injuste ?
Force est de constater, dans ce monde nouveau, que Louis ne sait pas où se placer. Il semble perdu, ailleurs et déconnecté. Il a devant lui plusieurs siècles, on le lui a répété - mais comment savoir quoi en penser et surtout quoi en faire ? Dans les années 60, il se fait embaucher par un horloger, Camille Los Santos, parce que Louis y a postulé - les horloges et les montres l’ont toujours fascinées. Au début, ce n’est pas pour grand-chose, il remonte juste des horloges chez des clients, de vieilles horloges, c’est dingue tout ce que l’on peut trouver. Et puis remonter des horloges, c’est bien aisé et plutôt facile mais ça ne l’empêche pas d’apprendre le reste auprès de son employeur - et amant au fil des années. Il apprend les techniques, les mécanismes, la micro-ingénierie, et c’est d’autant plus fascinant lorsque l’on rentre dans le métier. C’est Camille Los Santos qui lui a appris tout ce qu’il sait aujourd’hui.
Camille, ça a été la force d’une vie - ou d’une mort, qu’en sait-il. Louis n’a jamais trop parlé de son homosexualité, il la cachait parce que c’était bien plus facile. Il était déjà Noir, alors ça aurait rajouté une tare par-dessus une autre. Mais il vivait avec, de toute façon, on ne peut pas faire autrement. Assumer est un bien grand mot lorsqu’on se cache à la vue de tous, mais il n’a jamais fait semblant d’autre chose. En revanche, dans ce monde et après la mort, ça a été une libération, et Camille une découverte certaine. On peut se dire que l’affection transcende les mondes, en tout cas Louis l’espère, si seulement Camille ne datait pas du XIII° siècle. Il est tombé en poussière voilà quelques décennies, au début des années 1990. Le 14 décembre 1991, c’est toujours écrit dans un coin de sa tête malgré le temps qui passe. Camille avait 726 ans.
Camille, Louis ne l’a pas beaucoup pleuré, il faut avouer. Non pas qu’il n’en avait pas l’envie, disons plutôt qu’il n’en a pas eu le courage. Il a récupéré sa boutique, son horlogerie, c’était écrit sur une lettre que Louis a trouvé en allant récupérer des affaires, donc à croire qu’il avait prévu de partir tôt ou tard. Parfois encore, Louis se questionne sur la suite, malgré les siècles ils ne sont pas immortels et même s’il a encore du temps devant lui, tout ceci finira bien par arriver également. Il n’a jamais été croyant, mais il faut avouer que c’est parfois réconfortant. On peut dire qu’il a eu une phase de deuil, probablement était-il plus distant, plus distrait, moins attentif, qu’en sait-il. C’est comme s’il revenait au point de départ, à croire que Camille avait réussi à le sortir d’une torpeur d’après-mort qui ne l’a jamais réellement quitté depuis, et qui l’embrasse de nouveau maintenant que son amant est parti. On peut peiner à trouver un sens à sa vie, mais pour Louis, on en revient à l’origine.
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