On your face [flashback]

On Your Face

Il ne s’attendait pas à ce que Rizzen soit heureux de venir. Pour être d’ailleurs totalement honnête, il ne s’attendait pas à ce que Rizzen vienne réellement lui apporter ce dont il avait besoin. Pourtant, il ne parvient pas à afficher même un bref petit sourire. Neutre, mais surtout intrigué par cette différence qu’il ne parvient pas à expliquer. Il essayait, aussi, de ne pas mal prendre la réaction physique du nécromancien ; il était évident que l’odeur le dérangeait. Il ne pouvait pas lui en vouloir, après… Lui-même était dérangé par ce mélange inconfortable entre la cigarette et la décomposition. Mais quitte à choisir, il aurait largement préféré puer la clope.

L’explication sur son apparence fut donnée et un brin de surprise passa sur son faciès. Il avait testé sa concoction ? Il ne parvenait pas vraiment à en comprendre la raison. S’assurer que tout fonctionnerait ou est-ce qu’il voulait convaincre le nouveau zombie que sa potion était efficace ? Dans tous les cas, le blond l’aurait pu. Sans pour autant vouloir continuer la connerie du “on ne peut pas être plus mort que mort”, il devait faire quelque chose pour son apparence rebutante. Il s’y faisait peut-être un peu au fil des minutes, mais c’était sans doute parce qu’il se trouvait essentiellement dans un état second. N’étant plus doué de la parole pour l’instant, il se contenta d’acquiescer.

Il chercha ensuite un moyen de communiquer, maintenant qu’il avait détruit son téléphone portable. Une chance qu’il avait un stylo et une feuille dans sa chambre, bien qu’il se demandait d’où cela sortait. Il se questionnait évasivement sur l’état calme et blasé qu’affichait Rizzen, mais il ne se permettrait pas de juger. Après son comportement de tout à l’heure, il ne pouvait pas juger.

De quel droit, de toute façon ?

Il demanda quel était le parfum. Autant commencer par là puisque l’odeur qui régnait dans sa chambre était bien trop insupportable. Il apprit qu’il s’agissait du violet, son regard se posant naturellement sur la fiole. Il acquiesça doucement, une nouvelle fois, assimilant ce qui lui était dit. En soi, que ça sente la fleur ne le dérangeait pas… Et il devait avouer qu’il s’en fichait un peu, tant que cela sentait bon. Ou, du moins, que ses narines cessent de lui faire savoir qu’elles n’appréciaient pas l’air agressif qu’elles respiraient. Il se demanda s’il devait le faire immédiatement, mais il se stoppa un instant, constatant trois flacons… Il lui avait parlé d’une potion d’apparence et une de parfum non ? Alors c’était quoi, c’était ce troisième… ? Il laissa parler sa curiosité.

Autant dire que tu ne t’attendais pas à la réponse.

Clairement, ce fut un choc pour lui. Une potion de soin ? Pour sa main ? Il avait même pensé à ça ? Le zombie ouvrit la bouche, ne parvenant pas à produire le moindre son. Il vit son champ visuel se troubler brièvement, l’émotion montant au grand galop. Purée, ce qu’il se trouvait con, maintenant. Ses bras tremblaient mais il se ressaisit rapidement, alors que Rizzen lui expliquait qu’elle coutait un bras et que ce serait la seule exception. Il comprenait. Mais du coup, il n’aurait pas dû lui faire cette fleur. Il tâcha de contrôler son émoi, troublé de plus en plus par l’absence de réactions venant du nécromancien. Il ne comprenait pas comment il faisait pour être aussi… Neutre ? Ou m’enfoutiste. Peut-être qu’il était stone ?

Ensuite, Rizzen lui donna les conseils pour chaque potions. Kyo se sentait un peu perdu face à tout ça, mais il écoutait sagement, essayant de contrôler les tremblements de son corps. Il était un tantinet anxieux, aussi. Il se mordit la lèvre inférieure, alors qu’il était temps pour lui d’agir. Il fit comprendre par un signe de tête qu’il n’avait pas de questions, tout était clair. Il pensait. Il s’empara en premier du parfum, trouvant qu’il pouvait bien souffrir encore un peu à cause de sa main. C’était de sa faute, après tout. Il n’aurait pas mal s’il ne l’avait pas explosé contre le mur. Il effectua ce que le nécro lui avait dit de faire, fermant bêtement les yeux. Il avait, aussi, un peu peur que ses plaies ouvertes ne s’embrassent face au produit… Mais aucune douleur. Il était plutôt surpris, surtout de sentir que son odeur s’améliorait. Un petit reniflage à son poignet et il parvient à identifier l’odeur florale… Et il avait presque envie de rester ainsi éternellement, tant l’odeur était préférable à celle qu’il reniflait depuis son réveil.

Première potion ; résultat atteint.

Il poussa un soupir de soulagement. Pour le reste de la pièce, ce ne serait qu’une question de minutes avant que la ventilation les débarrasse de l’odeur  -il aurait presque envie d’en asperger partout tant le parfum était préférable-. Ensuite, il entreprit de boire la potion de soin, la buvant d’une traite sans réfléchir. Il grimaça face au goût amer, frissonnant suite à la sensation désagréable qu’il ressentait à son bras. Sa curiosité le poussa à observer le changement. Étant donné que sa peau était en charpie et qu’il pouvait aisément voir les os brisés, il resta bluffé face aux mouvements de ses propres os, se soudant à nouveau entre eux comme s’il n’y avait jamais eu de fractures… Ça faisait un mal de chien, clairement. Mais son air ahuri et la découverte d’un tel pouvoir était plus fort, apparemment. Quand tout fut rentré dans l’ordre, il laissa paraître un sourire dubitatif, ainsi qu’un petit rire. Ses mots formèrent l’expression “ben merde” sans pour autant le dire. Sa voix n’était toujours pas revenue.

Deuxième potion : parfait !

Il se demanda s’il avait le droit à un sans faute. Il bougea sa main guéri, ne sentant plus la moindre douleur. Pour autant, elle était toujours autant zombifiée… Comme quoi la potion de soin ne permettait pas de recouvrir son état normal. L’idée avait surgit dans sa tête, mais il se rendait compte que cela aurait été trop beau pour être vrai. Il repensa à ce que Rizzen lui avait dit, quand à la potion d’apparence. Penser à l’aspect qu’il voulait avoir pendant qu’il buvait. Ok. C’était un peu space, il était sceptique mais étant donné que le nécromancien ressemblait à son jumeau, ça devait fonctionner, comme il l’expliquait. Il poussa un petit soupir, pour se donner du courage avant d’avaler une nouvelle fois le flacon. Une nouvelle grimace déforma son faciès alors que la sensation qui le prenait aux tripes le perturbait.

Il eut un léger tressaillement où il dut prendre appui contre le mur, se pliant légèrement en deux. Il se sentit trembler alors qu’une sensation détestable s’emparait entièrement de son corps. Ce n’était pas agréable… Mais est-ce que ce serait toujours ainsi ou était-ce dû à l’extrême fatigue à laquelle il faisait face ? Il ne saurait dire. En tous les cas, il resta complètement admiratif devant l’effet de la potion. Lorsqu’il posa ses yeux sur l’une de ses mains, il s'aperçut qu’elle avait récupérer son aspect normal. Il fixa alors son poignet, touchant du bout des doigts les deux étoiles qu’il avait gravés dans la chair… Il avait retrouvé une apparence humaine. Il passa, aussi, l’une de ses mains sur l’une des joues, absolument ravi de retrouver l’élasticité de sa chair.

Troisième potion ; réussite critique.

Il continuait de trembler, néanmoins. L’émotion était forte, si bien qu’il ne parvenait plus à rester debout. Il tituba légèrement pour aller s’asseoir sur son lit, fixant ses bras. Un miracle. Il eut un petit rire, alors qu’il se rappelait que Rizzen se trouvait dans la pièce. L’expression qu’il afficha était un brin indescriptible ; un mélange de sourire, de soulagement et de honte.

«  Mer… Merci.  »

Sa voix revenait, doucement. A croire que ce n’était que temporaire, finalement, son mutisme. Et ce n’était pas plus mal… Mais face à tout ça, il sentait à nouveau craquer. Il enfouit son visage dans ses mains toutes neuves -s’il pouvait faire ainsi- laissant échapper un sanglot.

Codage par Libella sur Graphiorum

On Your Face

Jamais il n’aurait pensé que Rizzen puisse lui rapporter une potion de soin. Il s’en retrouvait touché, bien que l’insensibilité visible du nécromancien mettait à mal ses sentiments. C’était déjà un gros n’importe quoi dans sa tête, le comportement auquel il devait faire face ne l’aidait pas à mettre de l’ordre là-dedans. Il préférait se concentrer sur la prise des potions, déterminant l’ordre du plus urgent au moins urgent… Bien que tout, à son sens, était important. Il préféra offrir en premier lieu du répit à leurs pauvres naines, l’odeur de sa chair pourrie lui donnant des nausées incontrôlée. Nul doute qu’il en était de même pour Rizzen. Bien que son visage ne montrait aucune émotion, il était facile de constater qu’il était dérangé par cette pourriture environnante… N’importe qui le serait. Une chose était sûre ; si le parfum fonctionnait, il l’utiliserait toujours, même la nuit.

L’effet désiré fut accueilli par un soupir de soulagement. Il ne fit pas réellement attention à l’homme dans sa chambre pendant qu’il enchaînait les prises. Trop pressé pour retrouver un aspect et une odeur normale. Il se découvrit une curiosité malsaine quant aux replacements de ses os, ne parvenant pas à détourner le regard de ce spectacle étrange, malgré la douleur fulgurante qui lui traversait le poignet. Ce n’était qu’un juste retour pour toute la souffrance qu’il s’était volontairement infligée, sans doute aussi pour celle qu’il avait fait subir à Rizzen. Enfin, il fut temps de retrouver un physique humain. Bien que le goût était infecte et l’effet quelque peu douloureux, il fut rassuré de constater que cela avait fonctionné. Il n’y avait, dorénavant, plus aucun élément qui justifiait sa nature de zombie.

Tu passes juste pour un dandy qui se parfume beaucoup trop, mais c’est toujours mieux que d’être un mort-vivant répugnant.

Il aurait pu sauter de joie face à ce constat. Mais la vérité était toute autre. Sa tête lui tournait, au point d’en perdre l’équilibre. Assis sur le lit, il essaya de mettre de la suite dans ses idées. Sans y parvenir. Il se sentit complètement noyé par le flux de sentiments tourbillonnants. Il remercia comme il put le nécro, à peine troublé par le retour de sa voix. Une fois encore, il craqua. Les larmes coulèrent le long de ses joues alors qu’il était pris de spasmes incontrôlés. Il était pathétique, ainsi. Il le savait. D’autant plus qu’il mettait son “invité” mal à l’aise. Un mélange de honte, de soulagement, de tristesse. Comment était-il possible de supporter tout ça sans devenir fou ? Il se le demandait.

Il se calma peu à peu, entendant les excuses qui lui étaient adressés. Il mit du temps pour en comprendre la raison. La potion de vie, celle qui l’avait zombifié. Ils avaient si naïfs de croire que revenir dans le monde des vivants était possible… Il se mordit la lèvre inférieure, acquiesçant doucement. Il ne savait pas quoi dire, de toute façon. Quand le nécromancien lui annonça qu’il lui ferait ses potions, il acquiesça aussi. Ça pouvait attendre demain, maintenant que l’odeur était partie, il ne voyait pas le problème d’attendre. Avoir eu la confirmation, aussi, qu’il pouvait retrouver un aspect normal lui permettait de rester calme. La colère qui l’habitait l’avait quitté, remplacé par la fatalité.

«  … C’est fini, alors… Fini l’espoir de revoir Seiya un jour… »

L’idée était ancrée dans son esprit. Le dire à voix haute ne lui offrait aucun soulagement. Au contraire, il sentit les larmes revenir, serrant les dents. Il voulait crier son désespoir. Sa peine. Sa souffrance. Mais il tint bon. Il réalisait que Rizzen était toujours dans la pièce… Il aurait pensé qu’il aurait, au contraire, profiter de l'occasion pour partir le plus loin possible de lui. En vue des circonstances, cela aurait été compréhensible. Le nouveau zombie lutta pour se redresser, essayant de calmer ses pleurs, de capter le regard du nécro. Pas sûr qu’il parvienne cependant à le tenir…

«  Je… Je suis désolé… Pour le coup de poing, pour… Mes cris, ma colère... Mon aspect misérable… Pour tout. » Il s’inclina platement, signifiant ainsi la véracité de ses dires. « Je… Je te retiens pas plus longtemps. Tu dois mourir d’envie de partir. Je comprend même pas pourquoi t’es venu après ce que je t’ai fais. » Un petit rire nerveux passa le seuil de ses lèvres. Il se colla au fond de son lit, le dos contre le mur. Il rapporta ses jambes contre sa poitrine, se recroquevillant sur lui-même. « Ça va aller, maintenant… »

Pas du tout. Ta détresse est plus que visible, mais rien ne pourra y faire quelque chose. Tu vas plonger dans une profonde déprime… Le temps de faire ton deuil.

Codage par Libella sur Graphiorum

On Your Face

Un semblant de calme l’habitait. Maintenant qu’il était capable de mettre un mot sur ce qui lui arrivait, maintenant qu’il savait qu’il n’aurait pas perpétuellement besoin d’afficher cette apparence dégueulasse, il pouvait réfléchir plus posément. Il ignorait, néanmoins, s’il s’agissait d’une bonne idée. La peine qu’il ressentait grandissait à chaque inspiration. Le visage souriant de Seiya dansait devant ses yeux… est-ce qu’avec le temps, il oublierait à quoi il ressemblait ? Un pincement au cœur lui donna la nausée, rien qu’à cette pensée. Il se sentait particulièrement perdu. Triste à en mourir.

C’est con, t’es déjà mort.

Il se demandait, aussi, pourquoi il y avait tant d’expression parlant de la mort. C’était morbide, quand même. Ses pleurs se firent moindre, alors qu’il assimilait le murmure de Rizzen. Même s’il n’avait pas particulièrement réagi, il l’avait entendu. Un deuil à faire… encore un. A vingt-deux ans, il trouvait qu’il avait assez souffert. Son père, puis sa petite amie et maintenant… Lui-même. Et ses amis. Il doutait sincèrement de sa capacité à se relever, après un tel coup mesquin. Il regrettait de ne pas avoir vu le camion arrivé, de ne pas avoir été capable d’éviter l’accident. S’il avait écouté son chéri, il ne serait pas mort. Plusieurs fois, il l’avait averti sur les dangers de conduire une moto. Kyo l’avait ignoré, disant qu’il s’inquiétait pour rien.

Si seulement il avait su qu’il avait raison…

Il s’enterrait dans ses pensées maussades, réalisant la présence du nécromancien. Alors il agit comme il avait toujours l’habitude de faire ; il fit l’effort de verrouiller ses sentiments au fond de lui. Il détestait toujours autant se montrer aussi vulnérable devant quelqu’un. Surtout que ce quelqu’un affichait du malaise face à sa détresse. Il essaya de montrer qu’il n’y avait pas de raison de s’en faire, bien qu’au final, c’était tout son contraire. Il s’excusa pour son comportement, pour sa perte de contrôle. Excuses qui furent acceptées, bien qu’il doutait que cela soit si simple. Il avait tout gâché. Rizzen était le seul spectre avec lequel il avait noué un lien, aussi léger soit-il. Et il avait tout brisé. Un léger retroussement de lèvres dansa sur son faciès, à l’évocation de la potion qui l’avait zombifié. Il y avait encore de la colère, dans sa poitrine, mais plus la moindre force de l’exprimer. Alors il ne dit rien, une fois encore.

Il acquiesça quand Rizzen lui conseilla de ne pas rester trop seul. Il était vrai que s’isoler, en vue de son état, n’était pas une bonne idée. Et pourtant, il savait déjà qu’il n’allait pas suivre ce conseil. Le seul vers qui il aurait pu se tourner était en train de partir. Il n’avait pas non plus envie de le retenir. La rancœur qui devait se trouver dans son cœur était tout à fait légitime. Kyo avait ignoré ses sentiments, son ressenti, face à cette histoire. Il s’était montré égoïste, colérique. Difficile d’excuser un tel comportement. S’il avait dû subir un tel châtiment, il n’aurait pas accordé son pardon non plus. Alors il comprenait, même si cela le faisait souffrir.

Une douleur supplémentaire que tu t’ajoutes. En même temps, tu lui en veux aussi de t’avoir transformé en zombie. Sentiments contradictoires, bonjour…

« Ok. »

Ce fut les seuls mots qu’il lui adressa, après son départ. Il ne pensait pas récupérer un téléphone portable, pour l’instant. Il comptait bien continuer de s’isoler pour pleurer seul son désespoir. L’imposer aux autres lui paraissait inconcevable. Il aurait pu au moins accompagner son “invité” jusqu’à la porte de l’appart, mais il n’en fit rien. A ce moment-là, il ressemblait terriblement à une coquille vide.

Plusieurs minutes défilèrent, alors que Rizzen était sorti de sa chambre. Il sembla avoir un déclic, dans sa tête. Un léger, celui qui existe pour faire souffrir davantage. Il glissa sa main sous son oreiller, récupérant son portable du temps où il était vivant. Il l’avait sur lui, lors de sa mort. L’écran était fissuré de toute part à cause du choc, mais il s’allumait toujours. Il n’avait plus beaucoup de batterie, cela dit. Jamais au grand jamais il n’avait autant regretté de ne pas avoir chargé son portable. Avec ses mains tremblantes, il alla rapidement dans son répertoire. Une dernière fois, il essaya d’appeler Seiya. Mais, évidemment, les ondes ne passaient pas, ici. Il n’avait pas de réseau, ni de moyen de charger l’appareil. Il avait essayé pourtant de comprendre pourquoi. Ses compétences en informatique auraient dû lui permettre de trouver une solution. Mais il n’y était pas parvenu… Sans comprendre la raison du blocage. Finalement, il avait fini dans son album photo, regardant les quelques clichés qu’il n’avait pas enregistré sur le cloud. Le visage de ses amis. Souriants à pleines dents. Celui de son petit ami. Les photos coquines, protégées par mots de passe. Il resta plusieurs secondes à les regarder défiler devant ses yeux, le regard brouillé par le retour des larmes.

Jusqu’à ce qu’il n’ait plus de batterie.

Codage par Libella sur Graphiorum