- Ne m’admirez pas trop vite. J’ai failli abandonner.Pourtant il est bel et bien là, solide, grand, charismatique. Je ne lui dis pas, mais cela me fait l'admirer encore plus. Alors je le regarde, je l'observe avec envie espérant un jour dégager la même force.
Mais en attendant je suis assis, j'ai mal et je me sens bien incapable de marcher. Je n'ai absolument pas les moyens de réparer ma prothèse pour le moment et je vais devoir ressembler à un homme à la sortie de la guerre, en béquille et totalement handicapé. Je n'ai jamais aimé dire que j'étais handicapé vu que j'ai eu la chance d'avoir une prothèse très vite et de pouvoir presque tout faire comme les autres garçons. Mais là, dans ce monde la réalité est tout autres. C'est bien dommage que notre compte en banque ne nous suit pas. Vu le peu que je sortais, où mangeais dernièrement, j'avais de belles économies.
Après avoir fait les présentations, il vient s'asseoir à côté de moi. Je me sens un peu gêné, mais il ne me juge pas. J'ai pu le sentir dans le ton de sa voix ce qui me permet de ne pas trop être en panique. Mais celle-ci reprend quand même le dessus. Voilà qu'à nouveau, à cause de la nervosité, je parle beaucoup trop. Je lui avoue que j'aimerais devenir fort, que j'aimerais ne plus faire partie des faibles. Et le pire, c'est que je termine avec les larmes aux yeux en disant qu'on était censé s'amuser.
C'est bien ce qu'il m'avait dit le roi avec ses dents pointues. Alors que je m'étais mis à pleurer parce que je pensais être encore en vie, il m'a dit que je devais m'amuser. Mais je ne m'amuse pas du tout. Au contraire, tout recommence. Impossible de m'échapper cette fois, et c'est certainement ça qui me fait le plus peur.
- C’est ce qu’on nous a dit à tous de nous amuser, sauf que... si ça se fait aux dépens d’autrui, je ne suis pas d’accord et ça ne devrait pas rester impuni.Je n'ose toujours pas le regarder. Déjà qu'on ne le punissait pas du temps des vivants, j'ai étonnement des gros doutes sur les punitions dans la mort. Ca ne devrait pas rester impuni, non, seulement il rôde toujours. Et si la colère lui vient, je suis certain qu'il me cherchera afin de passer ses nerfs. D'après ses dires, j'ai ruiné sa vie en me suicidant. Il ne se rend pas compte que c'est en ruinant la mienne que j'en suis arrivé à mettre fin à mes jours.
Alors je reste silencieux, me pinçant un peu les lèvres pour montrer un certain accord, mais aussi que c'est une pure utopie.
- J’aimerais vous aider avec votre prothèse, mais mon pouvoir n’est pas encore assez développé.Je me tourne vers lui cette fois, sans réellement comprendre. Il tend la main et je vois une plante commencer à sortir de sa peau. C'est tout simplement magique. L'homme qui avait les larmes aux yeux à disparu pour laisser place à l'enfant émerveillé que je suis. Je m'approche un peu, des étoiles plein les yeux alors qu'une petite feuille s'échappe, à l'air libre.
- J'avais entendu parler de pouvoir, mais je n'avais jamais vu quelqu'un l'utiliser avant ! , je m'exclame, totalement fasciné.
- Cette pousse pourrait être plantée dans le sol et devenir un chêne, arbre solide et fort. Il lui faudra un peu d’aide au début, mais elle en est capable.Je ne lâche pas la pousse des yeux, imaginant cette petite plante devenir un arbre beau et grand. Quel magnifique pouvoir que d'être ainsi avec la nature. Je n'ai aucun pouvoir moi, ce n'est pas si grave que cela, mais si seulement, il aurait pu m'aider au moins.
- Je crois que tout cela peut s’appliquer à vous aussi.Je redresse la tête vers Rizzen, surpris. Il est vrai que quand on y pense, je ressemble à cette petite pousse. J'aspire à devenir grand, je redresse un peu la tête, jusqu'à ce qu'on me marche dessus et que je finisse par être totalement à terre.
- J’ignore ce qui peut motiver une personne à vous faire du mal, Kaori. Par contre, je vois en effet que vous n’êtes pas une mauvaise personne. À mon sens, rien de tout cela n’est mérité.A nouveau je baisse la tête, impossible de lui dire pourquoi cet homme s'acharne sur moi. Pourquoi tout le monde s'acharnait sur moi.
- Il a une raison... Je ne dis pas qu'elle est bonne, au contraire je la trouve terriblement injuste... Mais il a une raison qui le pousse à... A quoi au juste. A te frapper encore et encore, à t'humilier, à te faire mourir de peur si bien que tu ne sors plus sans regarder partout autour de toi s'il ne te suis pas... Pathétique...
Je soupire en fermant les yeux.
- Vous avez raison... Je ne méritais pas ce qui m'est arrivé... Mais si vous saviez, peut-être que vous deviendriez comme les autres... Si vous saviez pourquoi, peut-être que vous comprendriez et que vous voudrez me faire la même chose... Je suis désolé, c'est terrible de vous dire ça, mais je pensais avoir des amis avant. Ils m'ont tous tourné le dos. Si je suis ici ce n'est pas un hasard... C'est parce que je l'ai voulu, je soupire en me frottant la joue pour retirer la larme qui coulait dessus.
Je ne le connais pas après tout. Et si je lui disais que j'aimais les hommes il pourrait se lever, dégoûté de m'avoir parlé et me cracher dessus. Ou peut-être pas...
- Je ne suis pas comme cette pousse... Je suis déjà sous terre et enterré... Je n'ai jamais été aussi négatif dans le monde des morts, mais savoir qu'il est de retour me donne envie de vomir. Je tente alors de me redresser pour fuir, mais j'ai déjà oublié que ma prothèse n'était pas accrochée et je tombe sur le sol terreux. Et me voilà, à moitié assis par terre comme un imbécile. Je serre les poings, les mains tremblantes alors que je cache mon visage sous mon T-shirt afin de laisser les larmes couler, sans qu'il puisse les voir. J'ai certainement l'air ridicule, comme un enfant qui viendrait de se faire gronder. Mais je suis un adulte qui a été brisé, et humilié... Quelle honte de tomber ainsi face à un inconnu... De tomber si bas... Toujours plus bas...
Code by Silver Lungs