A cet instant, la salle vibrait sous les applaudissements timides des spectateurs encore présents. J’avais gagné pour une fois, et j’avais eu le droit à une standing ovation, que dis-je, une staline ovation ! La Mère Patrie avait gagné, comme toujours me direz-vous, et même si j’étais un peu triste pour Shinoda-san, j’ai compris qu’elle m’avait laissé cette victoire quand je la vis se rouler dans mon vomi.
Ce qu’elle pouvait être belle, avec ses cheveux collés par le vomi, et le teint aussi rouge avec le drapeau communiste. En jetant un coup d’œil vers nos fans, je constatais qu’ils fronçaient les sourcils et qu’ils s’étaient bouchés les oreilles. Avait-elle crié ? Sûrement. Mais je préférais plutôt la regarder se rouler dans mon vomi. Il y avait une très grosse flaque par terre, da !
Alors, pour lui montrer à quel point moi aussi je suis heureux, je me couchais à ses côtés, dans mon vomi. C’était tout chaud, da ! Je me suis mis à rigoler, parce que j’étais content ! Je lui disais, entre deux rire et en faisant le papillon – où l’ange selon les cultures – dans mon vomi :
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Shinida-san ! Regarde ! Je fais le papillon !Dans la salle, on pouvait entendre les déglutitions de plaisir des spectateurs, qui soudain, avaient tous très envie d’aller aux toilettes. Peut-être qu’ils avaient mangé quelque chose de mauvais avant de venir ? En tout cas, j’espérais bien les guérir avec mon magical-vomi-glitter ! Tout en rigolant, avec le rire de Sergine la Diva, j’éclaboussais les spectateurs avec mon arme de magical-shojou.
Puis, je me relève très sérieusement, avec une mine grave et fermée, et choisi la dernière chanson de notre duel de Just Dance. Il nous fallait une dance très difficile, pour finir avec l’étoile sur le drapeau*. Je laissais le hasard opérer. Et bingo ! La chanson était parfaite. Bien choisi et difficile à souhait. En un seul mot : Circus.
J’invite Shinoda-san à se relever sans plus tarder. Si elle ne commençait pas la chanson en même temps que moi, elle allait perdre des points et perdre le duel. La musique était lancée, c’était le moment de tout donner.
Les premières notes débutent. Je sentais en moi la force de réussir, je sentais aussi le vomi. Un coup de déhanché sur la gauche. J’avais l’impression d’être Sergine de nouveau. Puis je baisse les deux bras et fait des ronds avec mon bassin. C’était rigolo parce que ça me rappelait que j’étais vraiment bon en hula hoop.
La pression montait et je me concentrais davantage. Autour de moi, les gens n’existaient plus. Il fallait que j’exécute la totalité des pas, sans faire de faute. Je devais viser les « perfects » sans aucune pitié. Mon ventre ondulait comme une anguille. J’enchaîne le petit tour sur moi-même et le saut avec perfection. Je le sens, la victoire sera mienne. Comme Shinoda-san. Elle sera mienne.
Vint l’enchaînement au sol. Je le maîtrisais. Je me jette au sol, la tête en arrière et la jambe en avant. Peut-être un peu trop pointée vers le ciel. Zut. Cela allait me faire perdre des points pour sûr. Je me mordais la lèvre discrètement, en tentant de rester concentré, et luttais contre mon envie de regarder Shinoda-san et de lui lécher le visage.
C’est au tour du refrain. « All eyes on me , in the center of the ring ». J’exécute presque avec la rage de vaincre ces pas de dance à la perfection. Mais je devais penser à des émotions positives, alors je me remémorais la fois où Shinoda-san avait voulu m’assommer dans la salle de tir… J’avais l’impression que cela faisait une éternité, mais dire que tout cela s’était passé dans la même soirée. Quelle heure était-il ? Aucune idée, quand on aime, on ne compte pas.
Lorsque je secouais mes hanches, le vomi ne giclait plus à droite à gauche. Il devait avoir séché. Le deuxième couplet commençait, et ce sont les mêmes pas qui s’opéraient. Je tente de paraître encore plus sensuel en faisant des clins d’œil au gérant qui semblait pleurer, en se tenant la tête dans les mains. Le pauvre, voir deux belles créatures danser de la sorte devait lui faire très mal à la tête.
Nouveau passage au sol, je faisais attention à mon positionnement. Or, je levais ma jambe avec tellement d’énergie que, sans faire exprès bien entendu, ma chaussure quitta mon pied, et alla s’écraser contre le gérant. Il s’écroulait au sol. Heureusement, grâce à moi, il n’allait plus avoir mal à la tête. J’avais très envie de courir vers lui pour lui faire un bisou sur le front, pour qu’il fasse de beaux rêves, mais je ne voulais pas perdre.
J’effectuais le pont sans difficulté. Ma ronde de jambe était parfaite, sur le tempo, et le reste de mes pas étaient coordonnés. Puis le refrain revenait, pour la dernière fois, et le reste de la danse se terminait sur quelques parfaits. A la fin de la chanson, je transpirais, puais, et étais fatigué. Les mains posées sur les genoux, presque accroupis, j’attends les résultats. Mon cœur était serré. J’avais envie de prendre une douche, parce que j’étais tout collant, da !
Avant l’annonce des résultats, je jette un coup d’œil sur le gérant de la boutique. Il semblait juste se réveiller, alors, en deux enjambés, j’arrivais à son niveau pour lui faire ce fameux bisou magique sur le front. Ma bouche a quelques centimètres de son nez, je lui soufflais « Fais de beaux rêves ». Ensuite, ses yeux étaient devenus tout blancs, et il s’était rendormi, en tombant lourdement au sol.
Je rejoignais ma position. Les yeux rivés sur l’écran, je n’en peux plus, je n’attendais qu’une seule chose, les résultats. Gagner ou perdre. C’était les seules alternatives. La pression est telle que je déchire dans un hurlement viril le haut de mon costume, pour libérer ma poitrine. Enfin, mes pectoraux. Sans m’en rendre compte, mon pouvoir avait fait éclater tous les miroirs de la salle de sport. Mais je ne pouvais pas perdre. Il en était hors de question.
Si je gagnais, Shinoda-san et moi allions nous marier. Elle m’aurait d’abord invité au restaurant, puis on aurait fait des bébés, puis on aurait bu de la vodka tous les deux avant de partir explorer le monde, à la recherche de Staline. Ah, si je gagnais, elle allait aussi devoir me faire un bisou sur ma bouche et elle allait devoir me dire son prénom, da ! J’avais tellement hâte de gagner.
Mais si je perdais… Je n’osais même pas imaginer. Peut-être allait-elle me faire payer le restaurant ? Pitié, tout mais pas ça ! Après, si elle voulait me frapper, j’accepterais avec plaisir. Mais je ne savais ce que Shinoda-san avait en tête. J’avais un peu de découvrir le résultat-même.
La tension était à son comble. Je fermais les yeux mais tendais l’oreille pour savoir qui de nous deux allait gagner.
Explication pour étoile sur le drapeau :
*Etoile sur le drapeau = cerise sur le gâteau, mais ça ne faisait pas assez communiste. Vwala.