I wanna be with you everywhere || PV Asuma

Haru ouvrit les yeux. Quelques rayons de soleil filtraient à travers les volets. Le silence régnait dans la chambre. Miles, avec qui il partageait sa chambre, devait déjà être levé car il n'était pas là. Le japonais jeta un coup d’œil à son réveil. Il indiquait 9H41. Il avait dormi plus longtemps que d'habitude. Il s'extirpa de ses couvertures, s'assit sur le bord de son lit et s'étira longuement. Une journée comme les autres qui commençait. Sauf que s'il se basait sur les évènements des derniers jours, il n'était pas certain de vouloir que celui-ci soit "comme les autres". Depuis qu'il avait découvert qu'il était un nécromancien, son tout nouveau pouvoir n'avait pas cessé de faire des siennes. Et parfois, c'était un peu gênant, par exemple lorsqu'il avait accidentellement lu dans les pensées de la jeune femme assise à côté de lui dans le bus, qui pensait à sa petite amie… nue. Évidemment, Haru s'était empressé de chasser les images qui venaient d'apparaître dans son esprit à l'improviste. Mais il aurait préféré éviter ce genre d'incidents. Il fallait qu'il apprenne à contrôler son pouvoir, mais comment ? Il ne pouvait tout de même pas s'entraîner sur la première personne qu'il verrait sans lui demander son avis.

Cette histoire le tracassait un peu trop, il avait besoin de se changer les idées. De penser à autre chose, juste pour une journée. Il faisait un temps radieux, c'était l'occasion de sortir. Il sourit. Il savait exactement où il voulait aller, et avec qui. Asuma. Un certain temps s'était écoulé depuis leur balade en forêt, et à la pensée de le revoir, Haru ne pouvait que se réjouir. Et puis, entre temps, il avait suivi le conseil de son ami et avait fait l'acquisition d'un téléphone portable. Il en avait eu un avant de mourir, mais celui-ci n'avait pas survécu à l'explosion qui l'avait tué, et il n'avait pas pensé à s'en acheter un nouveau à dès son arrivée. De toute façon, cela ne lui aurait pas servi à grand-chose, tous ses proches étaient vivants. Mais les choses étaient différentes maintenant. Il avait au moins un ami sur qui compter. Enfin, pour l'instant, il allait tout de même devoir se contenter de la bonne vielle méthode du mot, puisqu'il n'avait pas son numéro. Sauf s'il avait la chance de le trouver en personne. Il acheva de s'habiller, grignota une pomme en guise de petit-déjeuner et partit à la recherche d'Asuma. Il avait reçu un mot de celui-ci lui indiquant qu'il avait déménagé. Il supposait que c'était à cause des problèmes dont il lui avait déjà parlé avec ses colocataires. Finalement, c'était sans doute la meilleure solution, donc il était plutôt content pour lui En tout cas, heureusement qu'il l'avait prévenu, sinon il aurait eu bien du mal à le retrouver. Il se rendit donc à l'appart Jolly Jumper. Ça devait être son jour de chance, parce qu'il tomba directement sur Asuma. Son sourire déjà jovial s'élargit encore plus, et Haru salua son ami en langue des signes. Puis il lui montra sans plus attendre le mot déjà écrit sur son carnet.

Ça te dirait d'aller au parc d'attractions avec moi ?

Haru laissa avec bonheur son ami le prendre dans ses bras, ça lui avait manqué. Puis il le regarda signer sa réponse. Des phrases complètes. Le nécromancien fit de grands yeux étonnés. C'était impressionnant de voir à quel point il avait progressé par rapport à la dernière fois qu'ils s'étaient vus, même s'il était plutôt lent. Coinçant son carnet sous son bras pour avoir les mains libres, il se mit à signer à son tour.

— Bravo, tu te débrouilles bien !

Pour être sûr que le petit brun comprenait tout, il repassa ensuite à l'écrit.

Ça me va si on mange là-bas, pas besoin de t'embêter à préparer quelque chose.

Il attendit qu'Asuma aie pris ce dont il avait besoin, mais apparemment, il ne comptait pas prendre de sac. C'était presque dommage. Haru avait beaucoup ri, la dernière fois, en découvrant le contenu du sac de son ami. Et encore, il était presque sûr qu'il n'avait pas tout vu. Mais ce n'était pas le moment de se perdre dans ses souvenirs. Plutôt celui d'en créer de nouveaux, plus beaux encore que les anciens. Il acquiesça à la proposition d'Asuma. Prendre les transports en commun était une bonne idée, ce serait plus rapide qu'à pied.

Environ une demi-heure plus tard, les deux fantômes descendaient du bus, main dans la main. Cela finirait par devenir une habitude, ce qui ne risquait pas de déranger Haru. Il lâchait Asuma seulement pour écrire ou signer, il n'avait pas vraiment le choix. Il dût aussi le faire pour sortir de la poche de son bermuda en toile une carte de Tokyo et la consulter. Il avait entouré en rose les endroits où il avait envie d'aller, et le parc d'attractions en faisait partie. Il chercha des yeux l'endroit où ils étaient Ils ne s'étaient pas trompés d'arrêt, ils n'étaient pas très loin de leur but. Il rangea sa carte.

— C'est par là, on est presque arrivés.

En effet, ils n'eurent pas à marcher beaucoup. Très vite, ils purent apercevoir l'entrée du parc devant eux. Haru se mit à sautiller joyeusement, les yeux brillants, aussi excité qu'un gamin la veille de Noël. Il mourait d'envie de presser le pas, mais il ne voulait pas forcer son ami à marcher vite. Il savait que ce n'était pas vraiment possible pour lui.

Haru avait beau remuer dans tous les sens, il n'en faisait pas moins attention à Asuma, et quand il remarqua que celui-ci avait commencé à signer quelque chose, il s'arrêta un moment de bouger pour l'observer. Il lui manquait le début, mais il comprit tout de même la question qu'il lui posait. Bonne question, d'ailleurs. Il ne savait pas par quoi commencer. Il réfléchit, et finalement haussa les épaules.

— Ce que tu veux !

Il sourit à son ami. C'était agréable de pouvoir converser avec lui de cette façon. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas eu l'occasion d'utiliser la langue des signes, et cela lui manquait. Écrire, c'était bien pratique, mais cela pouvait être très frustrant. Il n'y avait que par signes qu'il pouvait réellement s'exprimer comme il le souhaitait, dire exactement ce qu'il voulait dire. Ils arrivèrent enfin à l'entrée. Elle n'était pas gratuite, bien évidemment, mais Haru l'avait prévu. Il n'était pas bien riche, mais tant pis si toute sa tirelire devait y passer, aujourd'hui, il voulait s'amuser. Et aussi qu'Asuma passe un bon moment, sinon il ferait un bien piètre ami. Il paya donc les deux billets d'entrée.

Dès le premier pied posé dans le parc, ils se retrouvèrent au beau milieu d'une foule plutôt dense. Autant dire qu'ils n'avaient pas intérêt à se lâcher s'ils ne voulaient pas risquer d'être séparés. Plus grand qu'Asuma, Haru avait plus de facilité à se repérer dans cette masse grouillante de spectres où chacun semblait aussi pressé d'essayer les différentes attractions, certains bousculant même les autres pour y arriver plus vite. "Parfois, les gens ne pensent qu'à eux," songea le japonais avec consternation. Comme pour lui répondre, des voix se mirent soudain à retentir dans sa tête, des dizaines de voix différentes, qui formaient une cacophonie incompréhensible. Grimaçant, Haru ferma les yeux et tenta de les faire disparaître, mais son pouvoir ne voulut rien entendre. En désespoir de cause, il se hissa sur la pointe des pieds et chercha des yeux un endroit un peu plus calme. Là-bas, il y avait moins de monde. Il serra la main de son ami dans la sienne et l'entraîna avec lui sans lui demander son avis.

Lorsqu'ils s'éloignèrent de la foule, les pensées qui ne lui appartenaient pas se turent. Haru soupira de soulagement. Puis il adressa un regard désolé à Asuma. Il lui devait quelques explications. Comme ça risquait d'être un peu compliqué, il décida d'écrire et sortit son carnet.

Je suis désolé de t'avoir entraîné comme ça sans prévenir. J'ai découvert récemment que j'avais un pouvoir, mais je ne le contrôle pas encore tout à fait. Il se déclenche n'importe quand. C'est pour ça que j'avais besoin de m'éloigner un peu de la foule.

Il prit un air embêté. Il espérait qu'il n'avait pas fait peur à son ami. Il regarda autour de lui. Ils se trouvaient à présent un peu à l'écart, non-loin d'un stand complètement désert qui vendait de drôles de poupées assez laides. Qu'est-ce que ce drôle de stand faisait dans un parc d'attractions, Haru se le demandait bien.

Haru guettait la réaction d'Asuma avec attention. Il regrettait un peu de l'avoir brusquement entraîné avec lui, il voyait bien que le garçon était essoufflé par ce qui était sans doute pour lui l'équivalent d'un sprint. Mais sur le moment, il n'avait pas réfléchi. Rester au milieu de la foule était simplement insoutenable pour lui. Maintenant que son pouvoir s'était calmé, normalement, il devrait le laisser tranquille pendant quelques temps. Il était rare qu'il se manifeste plusieurs fois dans la même journée, et heureusement car quand cela arrivait, Haru en ressentait le contrecoup : il tombait de fatigue. En entendant la réponse de son ami, il ouvrit de grands yeux étonnés. La dernière fois qu'il l'avait vu, il lui avait demandé comment il était mort et Asuma avait complètement paniqué. Et là, il en parlait tout naturellement, comme si de rien n'était. Chacun de leur côté, tous deux avait évolué depuis leur dernière rencontre. En tout cas, il était content pour son ami. Si celui-ci parvenait à accepter sa mort, il pourrait certainement mieux profiter de cette dernière. En revanche, cette histoire de cauchemars l'inquiétait un peu.

— Tu fais des cauchemars ? Tu peux m'en parler si tu veux.

Il faisait attention à ne pas signer trop vite pour que ses propos soient faciles à suivre.

— Oui, je vais bien maintenant, ne t'inquiètes pas.

Il sourit affectueusement à Asuma alors que celui-ci lui prenait la main et la caressait avec douceur. Cette marque d'affection lui réchauffait le cœur. Il avait de la chance d'avoir un ami aussi attentionné. C'était le genre d'ami qu'on voulait garder toute sa vie... quand on avait encore une vie, ce qui n'était pas le cas du jeune homme, comme il s'en rappela juste après. Il y avait trop d'expressions qu'il ne pouvait plus utiliser maintenant. C'était un peu contrariant, parfois.

Va pour les montagnes russes ! griffonna-t-il sur son carnet. Il n'était pas sûr qu'Asuma connaisse le signe pour "montagnes russes", ce n'était pas un mot très commun. Et il voulait être sûr qu'il comprenne tout.

Il n'attendit pas la réponse d'Asuma pour se diriger vers la file d'attente des montagnes russes. Apparemment, elle avançait vite, ils n'auraient pas très longtemps à attendre.

L'expression d'Haru se fit inquiète lorsqu'Asuma commença à lui expliquer ses cauchemars. Une fois de plus, il avait posé une question sur un sujet qui mettait le jeune homme mal à l'aise. A croire qu'il avait un talent pour ça. En même temps, même si ce n'était pas toujours facile, parler de certaines choses pouvait être bénéfique. Même si lui n'aimait pas beaucoup se confier, il savait que d'autres personnes en avaient besoin. Il laissa son ami s'accrocher à lui, agrippant à son tour pour le soutenir de son mieux. Enfin, Asuma termina sa phrase, et Haru fronça les sourcils. Il voyait des gens mourir dans ses rêves ? Pas étonnant qu'il aie du mal à en parler. Ça devait être très difficile pour lui... Il l'étreignit dans ses bras, essayant de lui faire passer toute son affection à travers ce contact. Lorsqu'ils finirent par s'écarter l'un de l'autre, il lui adressa son sourire le plus rassurant.

— D'accord, allons-y !

Ils passèrent la file d'attente et s'installèrent dans le wagon. Haru se laissa allégrement tomber sur le siège situé à côté de celui de son ami. Puis il remarqua que celui-ci ne semblait pas très à l'aise. Il était rouge comme une pivoine. Était-ce de l'anxiété ? C'était compréhensible. Les montagnes russes avaient de quoi en impressionner plus d'un. Le nécromancien posa brièvement sa main sur celle du petit brun pour tenter de le rassurer.

— Ça va aller, d'accord ? Je suis avec toi. Et si jamais tu as peur, tu peux...

T'accrocher à moi, voulait-il signer, mais une brusque bourrasque de vent le coupa au milieu de sa phrase. Ils venaient de démarrer, et ils accéléraient de plus en plus. C'était agréable. Haru ne ressentait pas la moindre once de peur, seulement de l'impatience à mesure qu'ils grimpaient en altitude. Car pour l'instant, ils ne faisaient que monter. Mais bientôt, ils entameraient la descente. Là, ce serait tout de suite plus amusant. Du moins l'espérait-il.