I wanna be with you everywhere || PV Asuma

Alors que le train démarrait doucement, Haru souriait, parfaitement détendu. Il ne ressentait pas la moindre appréhension, malgré la présence peu rassurante du clown juste en face d'eux, qui ne cessait de glousser sans raison apparente. Il en fallait un peu plus pour l'effrayer, surtout depuis qu'il était mort. Lorsqu'un corps en piteux état fit son apparition devant eux sans crier gare, il sursauta, mais c'était plus de surprise que de peur. Qu'est-ce qu'un pauvre cadavre démembré pourrait bien leur faire ? "A part nous dégoûter, pas grand-chose," songeait le nécromancien, mais apparemment ce n'était pas le cas de son ami puisqu'Asuma s'agrippait fermement à ses vêtements. Heureusement, ils s'éloignèrent bientôt du monstre, et d'autres lui succédèrent. Certains étaient très réalistes, et le muet ouvrait de grands yeux impressionnés devant certains. Seulement, le train passait trop vite devant eux pour qu'il aie le temps de les détailler, ce qu'il trouvait fort dommage. Il s'apprêtait à en faire la remarque à Asuma, mais à cet instant, des corbeaux surgirent de l'obscurité et son ami disparut sous un amas de plumes noires. Sous le coup de l'étonnement, Haru mit un moment à réagir, et ses efforts pour chasser les oiseaux furent aussi inutiles qu'un parapluie dans le Sahara. A travers les bruissements d'ailes des corbeaux, il entendit Asuma leur crier de s'en aller, mais cela n'eut pas plus d'effet. Le garçon se tourna alors vers le type bizarre déguisé en clown pour lui demander de l'aide. Mais à sa grande surprise, ce dernier avait disparu sans laisser de traces. Les deux fantômes étaient seuls, et le train ne semblait pas vouloir s'arrêter de sitôt. Haru avait assuré à Asuma qu'il ne lui arriverait rien, et il devait s'assurer que ce soit le cas. Posant les mains sur les épaules du petit brun, il le coucha sans ménagement sur le sol du wagon et s'agenouilla au dessus de lui pour le protéger. Les corbeaux ne semblaient pas s'intéresser à lui, donc s'ils ne pouvait plus s'en prendre à son ami, ils devraient les laisser tranquilles... il l'espérait. Des croassements rauques retentirent dans ses oreilles, suivis de battements d'ailes. Puis le silence revint. Haru se redressa prudemment. La train fantôme ralentissait. Ils étaient presque arrivés à la fin de l'attraction. Était-ce la raison pour laquelle les corbeaux s'étaient enfin décidés à décamper ? En tout cas, ils s'étaient évaporés, laissant derrière eux quelques plumes sombres. Le jeune homme soupira de soulagement.

— Ça va, tu n'as rien ? demanda-t-il à Asuma aussitôt qu'il croisa son regard. Finalement, c'était une mauvaise idée, le train fantôme... désolé.

Une chose était certaine, il avait bel et bien eu peur. Mais il n'était pas certain que l'attaque des corbeaux fasse partie de l'attraction. Le but était quand même de s'amuser, au départ. Pas de vivre un film d'horreur en direct... bien que certains auraient sans doute pu trouver cela amusant.

Haru fut navré de voir que son ami était blessé, d'autant que la coupure, sans doute causé par le bec d'un ce ces fichus oiseaux, semblait un peu plus profonde qu'une simple égratignure. Il suffirait certainement d'une potion pour la faire disparaître, mais en attendant, ça devait être assez douloureux. Malgré tout, il était soulagé que cela ne soit pas plus grave.

— Bonne idée, faisons-ça, signa-t-il.

Même si Asuma avait l'air un peu secoué, c'était plutôt rassurant de constater qu'il voulait toujours s'amuser. Pourtant, une mésaventure comme celle qu'ils venaient de vivre aurait eu de quoi en refroidir plus d'un. Se faire attaquer par des corbeaux dans un train fantôme... il n'y avait vraiment que dans le monde des morts que ce genre de choses arrivaient. Le nécromancien fouilla dans ses poches, à la recherche du pansement demandé par son ami. Et, ô miracle, il dénicha effectivement un pansement au fond de l'une d'elles. Pansement qu'il reconnut aussitôt : il s'agissait de l'un de ceux qu'Asuma lui avait donné lors de leur escapade en forêt, au cas où il n'en aurait pas eu assez. Celui-là était probablement le dernier qu'il lui restait. Il le montra en souriant à son compagnon, amusé, avant de le coller avec soin sur sa joue amochée et de se laisser entraîner en direction de leur prochaine attraction, à un pas étonnamment rapide. Son ami s'était souvenu de ce qu'il lui avait dit à propos de son pouvoir, il avait fait en sorte qu'ils ne se retrouvent pas trop entourés de gens. Et vu la foule qu'il y avait, c'était presque un exploit. Haru étreignit brièvement le zombie dans ses bras, touché par cette attention. Puis il s'écarta pour signer.

— Ne t'inquiètes pas pour moi. Ce genre de soucis ne m'arrive pas si souvent, surtout dans la même journée. Heureusement d'ailleurs. Je n'aime pas entendre les pensées des autres.

Il se gratta la tête, un peu gêné. Jusqu'ici, il n'avait parlé de son pouvoir à personne, parce qu'il ne voulait pas embêter les gens avec ses problèmes. En général, il préférait prendre sur lui et attendre que les choses aillent mieux plutôt que de se plaindre. Mais il se sentait si bien avec Asuma, et puis, son ami avait l'air de s'inquiéter pour lui... c'était sorti tout seul. Il fit un large sourire et s'efforça de faire passer la conversation à un sujet plus joyeux.

— Allons essayer ces chaises volantes ! Tu avais raison, ç'a l'air super. Les gens ont vraiment l'air de s'amuser.

Comme pour le contredire, une fille se mit à hurler, réclamant d'une voix aiguë que quelqu'un mette fin à l'attraction. Elle n'avait pas vraiment l'air de s'amuser.

Haru fut un peu étonné de la réaction d'Asuma lorsqu'il lui révéla en quoi consistait son pouvoir. Il ne s'attendait pas forcément à ce qu'il réagisse de façon négative, mais il n'était pas non plus préparé à recevoir un compliment, et il ne sut pas vraiment quoi répondre. Il se contenta donc de laisser passer cette remarque. Ils approchaient du but de la file d'attente lorsqu'une voix provenant de derrière eux attira l'attention d'Haru. « J'aimerais bien avoir un petit ami qui me tienne la main comme ça... Il y en a qui ont de la chance. Pourquoi ça ne tombe jamais sur moi ? » Le Japonais tourna la tête pour voir qui avait parlé, et il se retrouva face à face avec une fille blonde d'une quinzaine d'années qui semblait d'assez mauvaise humeur. Quand elle remarqua qu'il regardait dans sa direction, elle sembla surprise. « Pourquoi il me regarde ? J'ai quand même pas dit ça à voix haute ? » Ses lèvres n'avaient pas bougé. Haru s'empressa de détourner le regard. Il avait encore lu dans les pensées de quelqu'un sans le vouloir... mais cette fois, c'était quelque chose qui le concernait. La blonde pensait qu'Asuma et lui sortaient ensemble. Cette idée l'amusa, et il s'apprêtait à en faire part à son ami lorsqu'il réalisa que celui-ci n'était plus à côté de lui. Il avait déjà pris place dans une chaise et l'invitait à faire de même ; leur tour était arrivé.

Haru choisit le siège situé devant celui d'Asuma et se dépêcha de s'installer. Juste à temps pour le début. Bientôt, le jeune homme ne pensa plus aux pensées de l'adolescente aux cheveux blonds. Il riait aux éclats, goûtant avec plaisir aux sensations nouvelles que lui procuraient cette expérience. Lorsque l'attraction prit fin, la première chose qu'il fit fut de se détacher pour se précipiter en direction de son ami. Les joues rouges d'excitation, il se mit à signer frénétiquement.

— C'était génial ! J'avais presque l'impression de voler ! Tu as aimé ? On pourrait peut-être recommencer, qu'est-ce que tu en penses ? Ou alors, on pourrait aller manger, il doit déjà être plus de midi. Tu as faim, toi ?

Il s'arrêta et réalisa qu'à la vitesse à laquelle il avait signé, le pauvre Asuma n'avait pas dû comprendre grand-chose à ce qu'il racontait. Un peu penaud, il reprit, plus lentement cette fois :

— Désolé, j'ai été un peu vite. Tu veux que je répète ?

— Je disais que c'était vraiment génial, j'avais l'impression de voler. Et aussi qu'il était sans doute l'heure du repas.

Cette fois, Haru avait pris garde à signer assez doucement pour que son ami puisse le comprendre. Toujours main dans la main – cela commençait à devenir un automatisme – ils s'éloignèrent pour trouver un endroit un peu plus calme. En chemin, Asuma se fit bousculer et Haru voulut l'aider à se relever, mais le zombie était déjà sur ses pieds, gardant le sourire. Le nécromancien avait envie de dire aux gens qui les poussaient de faire un peu plus attention, mais ceux-ci étaient trop pressés pour qu'il aie le temps de leur faire comprendre quoi que ce soit, même en écrivant sur son carnet.

— Superman ? Le type qui vole et qui tire des lasers avec les yeux, c'est ça ?

Le Japonais n'y connaissait pas grand-chose en comics. Il en avait acheté un peu de temps auparavant, pour essayer, et il avait trouvé cela amusant, mais pas assez pour qu'il aie vraiment envie de lire la suite. Il le donnerait sûrement à quelqu'un. Peut-être que cela pouvait intéresser Miles, son compagnon de chambre – il fallait qu'il pense à le lui demander. Les deux fantômes passèrent à côté d'un stand de nourriture, et Haru ralentit pour regarder ce qu'ils vendaient. Des frites, des hamburgers, des sodas... Bref, tout ce que la sœur du garçon aurait appelé "des cochonneries américaines".

— Qu'est-ce qui te fait envie ? demanda-t-il à son ami.

Il n'avait pas l'intention de laisser Asuma payer leur repas ; il voulait lui faire un cadeau en lui offrant cette sortie.

— On peut aller ailleurs, si tu préfères. Je crois qu'ils vendent aussi à manger par là-bas.

Il pointa le doigt vers un endroit situé à leur droite, d'où semblait provenir une odeur délicieuse de sucre et de pâtisseries.