Les grands esprits se recontrent [Warren & Esperanza]

C'est qu'à la couvrir de compliments et de surnoms mélioratifs, il rentre doucement mais sûrement dans ses bonnes grâces. Elle se surprend à sourire sincèrement, sans forcer les muscles si bien connus de son visage. Et ça ne la dérange pas, loin de là. Pour une fois que ses humeurs ne sont pas mascarades et complots...

De surcroît, il joue son jeu, semble impressionné et inspiré par une idée horriblement égoïste. Peut-être qu'il y trouve véritablement son compte, l'espagnole ne se pose même pas la question. Seuls comptent ses propres désirs. Et il lui demande des idées, ses yeux s'enflamment. Elle en a plusieurs, depuis longtemps, le produit fini est presque déjà tracé dans son esprit.

"Déjà, je dois absolument être nue. Mais je suppose que des mineurs risquent de visiter l'apartement, peut-être qu'on pourra me couvrir d'ombres, ou d'un drap rouge. C'est bien, ça, un fin lin rouge." Elle roule dans son siège, fixe le mur à son tour, s'imagine déjà faire quatre mètres dans une toile narquoise. Son excitation est palpable. "Et j'avais cette idée en tête depuis un bail, d'embrasser un crâne qui tiendrait une rose entre les dents. C'est presque indélicat tant c'est brutement symbolique, mais j'aime l'extravagant."

Elle roule des yeux séducteurs vers le poltergeist, souffle d'impatience. Il peut lui faire ça, pas vrai? Il pourrait tout lui faire, il est trop bon, elle n'a qu'à demander. C'est si facile.

"Ça t'inspire pas, ça? Tu pourras te rincer l'oeil, petit veinard."

Ses yeux s’animent alors que tu lui souris. Clairement, elle sait ce qu’elle veut ; ça te va. Tu arrives autant à gérer des client·e·s qui ont aucune idée que celleux qui sont très précis sur leur demande. C’est pas la même manière de gérer mais hé, t’es grave polyvalent. Elle te décrit la scène, son corps nu sur la toile avec un simple drap pour pudiquement cacher ce qui doit pas être vu -et vu son raisonnement ça semble logique. Elle fixe le mur alors que toi tu fais que l’observer, te nourrissant déjà de chaque petit détail de son visage et de ses expressions. C’est marrant, elle te semble d’un coup plus … Vivante ? Plus sincère, quand tu la regardes bien. Elle exalte et c’est contagieux ; c’est le truc entre artistes, c’est facile de se hype mutuellement

« Et j'avais cette idée en tête depuis un bail, d'embrasser un crâne qui tiendrait une rose entre les dents. C'est presque indélicat tant c'est brutement symbolique, mais j'aime l'extravagant.

Go big or go home, ça s’applique aussi dans l’art ma belle ! »

Tu ris avant de reposer tes yeux sur elle, t’accoudant au dossier du canapé

« Mais j’adore l’image. Le contraste de couleur entre le drap et la rose rouge, le crâne … Et vu la taille de la toile y’a de quoi sublimer ça avec du détail. De la texture. Un truc qui t’empêchera de décrocher tes yeux de la toile »

Ça peut paraître prétentieux mais tu t’en sais capable. Après tout à quoi ça sert d’être peintre de métier et ne pas avoir confiance en ses capacités ? Et puis les challenges, ça te titille. T’aimes bien sortir aussi de tes pièces habituelles, d’une routine qui ne te gêne pas mais qui peut devenir trop confortable. L’exploration, l’inhabituel, ça te rappelle les voyages et l’inconnu. Et dans ce domaine, tu te sens à l’aise, peut-être même un peu trop. Tu réfléchis déjà à comment tu vas tendre une toile aussi grande, comment créer le cadre pour qu’il soit assez solide ; tu te projettes et ça, ça veut dire que ça te plaît.

« Ça t'inspire pas, ça ? Tu pourras te rincer l'œil, petit veinard.

Oh que si ça m’inspire. Surtout avec ce genre de proposition de paiement »

Tu fais un clin d’œil exagéré en réponse à ses grands yeux charmeurs avant de rire à gorge déployée.

« Plus sérieusement j’te rassure, le projet me plaît. Et j’uis pas trop du genre à avoir les yeux qui traînent, c’est important de rester concentré. Par contre … »

Tu penches la tête, tes yeux faisant l’aller-retour entre les siens et le mur de l’appartement

« Faut qu’on sache si on commence par des croquis de toi sur le lit, des croquis du décors ou quoi. Clairement je pourrais pas peindre ici, ça sera plus pratique dans mon atelier. T’en penses quoi ma belle ? »

Comme pour l'enchanter, le poltergeist semble investi dans le projet par delà toute raison. Déjà pour l'art lui-même, ce qui n'est pas sans plaire à la lémure. Il semble avoir cette étincelle de spontané qui fait miroir à la sienne, cette tendance à vivre vite et se donner à des grandes entreprises nées il y a quelques instants. En plus d'être parfaitement utile à ses fins, ça le rend tout à fait charmant. Il parle, s'agite, se projette. Elle le suit du regard,

Et pour la flatter de surcroît, il prête le flanc à ses tentatives de séduction parfaitement brusques. Elle s'en cache très peu, plaire lui plaît, Warren file très vite dans ses personnalités préférées. Même en fouillant sa mémoire, Esperanza ne peut pas trouver une seule fois où le peintre l'a contrariée ou a contredit ses divagations. Il est conciliant, mais sans être amorphe, accepte sans se désintéresser. Oh, il aurait beaucoup à lui apprendre, certainement.

"Hm, quelle déontologie..."

Le projet lancé, il en devenait naturellement le moteur, peut-être même sans s'en rendre compte. Non pas que l'espagnole s'en plaigne, se faire guider est un confort, lui épargne le besoin de prévoir et calculer. Ces considérations-là sont mieux laissées à des esprits sérieux, sa bohême s'y briserait.

"Mais oui, peindre ici sera désastreux. Surtout si mes colocataires nous remarquent, je préfère que ça soit une surprise."

C'était avouer à demi-mot que personne dans l'appartement n'avait consenti à avoir une peinture géante de la narcissique provocatrice par dessus le lit, mais sûrement Warren serait bien trop bon pour lui reprocher ce détail. Du moins, elle l'espérait.

"Tu pensais commencer ça maintenant? J'ai rien de prévu, moi. Jamais rien de prévu."

Enfin, sûrement un rendez-vous oublié, ou un appel à passer qui le sera à la trappe. Rien d'important.

« Hm, quelle déontologie...

Merci du compliment ! »

Tu souris avant de rire de nouveau. Tu le prends vraiment comme ça, comme un compliment qu’elle te fait sous couvert d’une petite pique marrante. Après tout dans ton métier il en faut et t’es assez fier d’être capable de bien séparer ta passion d’artiste que la passion tout court. Et clairement vaut mieux, sinon t’aurais pas fait long feu ; un peu comme dans ces histoires très dramatique d’artiste tombant amoureux de leur muse. Toi ça risque pas, c’est plus pour toi ce genre de truc. Non ? Tu te lances dans tes explications et la passion déborderait presque mais grâce à ton côté chill tu gardes un certain détachement nécessaire à la bonne réalisation de l’idée formidable d’Esperanza

« Mais oui, peindre ici sera désastreux. Surtout si mes colocataires nous remarquent, je préfère que ça soit une surprise.

Haha j’avoue ! »

Tu t’étires avant de t’arrêter dans ton geste en regardant de nouveau Esperanza, le sourire aux lèvres

« Ooh, c’est une surprise. Tu fais bien de m’le dire ma belle, ça restera entre nous tant que c’est pas fini alors »

Tu symbolises ta promesse de silence en posant l’index sur tes lèvres et en faisant un clin d’œil. Tu commences aussi à comprendre pourquoi elle concède à avoir un léger drap qui recouvre ce qui devrait pas être vu par un œil trop jeune ; tu connais pas sa coloc’ mais vu l’âge très disparaitre qui existe parmi les fantômes tu serais pas trop étonné d’apprendre qu’elle a des coloc’ jeunes.

« Tu pensais commencer ça maintenant? J'ai rien de prévu, moi. Jamais rien de prévu.

Écoute si t’es chaude ça me va de commencer là ! Bon on pourra juste faire quelques croquis et esquisses de toi, du lit et tout ça. Na parce que créer le canevas ça va me demander un sacré matos que j’ai pas sous la main là … Ça te va ? Pis bon j’avoue … »

Tu rigoles en te relevant, le carnet à la main. T’es motivé, plein d’idée et t’as le poignet qui te démange ; et puis ça sera toujours du travail en amont à faire en moins si t’attaques direct

« J’uis intrigué de voir ce fameux grand lit dont tu me parles ! »

L'américain prétend se fair silencieux comme une tombe, entrer dans une cabale de confidence. Ça fait rire doucement Esperanza, il est toujours si clair et transparent que le croire capable de contenir des secrets est difficile. Mais en même temps, il est certainement digne de confiance et fiable, un paradoxe insolvable. Le genre de paradoxe qui réveillent l'adoration de la lémure pour l'incohérent.

Elle se lève, prend le bras du peintre comme pour le mener dans un piège, tranquillement.

"Viens, le lit est juste derrière l'angle du mur."

Ce qui signifiait évidemment qu'il fallait traverser bien cent mètres, mais le spectacle en valait probablement la peine. La lémure y était évidemment un peu désensibilisée, à vivre dans la pièce quotiidennement, mais se rappelait encore de sa surprise la première fois. Le trajet n'est pas long, certes, mais elle ne décroche pas pour autant. Le bras est véritablement volé, avec peu de chances d'être rendu. Et puis, la révélation:

"Admire! Ma magnifique couche."

C'est un lit géant. Il n'y a pas vraiment plus de fantaisie à y apposer, mais de la poésie peut-être.

"Les anciens m'ont avoué, en pleine vérité, qu'il furent demesuré, pour enclore mienne beauté."

Hélas, même gargantuesque plumard ne pouvait retenir l'égo de tel vantard. L'espagnole commence à grimper l'échelle pour aller sur les draps, le laisse libre de suivre ou contempler. Là-haut se cachent tous les secrets et tous les mystères de l'insaisissable artiste, probablement. Il fallait monter pour le vérifier.

"Je suis peut-être trop habillée pour faire des croquis, hm?"

Non, ça n'avait pas vraiment de sens, et elle en est tout à fait consciente. On peut absolument prendre les lignes d'une pose indépendamment de la quantité de tissu sur une personne. Mais, elle ne cherchait qu'une excuse, en vérité.

Elle rit et tu l'accompagnes. Alors que tu la vois se lever, la voilà qui te prend par le bras de la manière la plus naturelle au monde. Ça te fait sourire et t'apprécie le contact ; après tout t'as toujours été tactile. Tu tiens le reste de ton matos avec ton autre bras et tu la suis alors qu'elle te révèle enfin le fameux lit géant. Et elle t'a pas menti il est immense, tellement qu'une des premières questions que tu te poses c'est comment l'Agence a fait pour l'installer dans l'appartement. Tu siffles en observant le mobilier de haut en bas, lâchant un très élégant « La vache » en te marrant à moitié

« Admire! Ma magnifique couche. »

La marche a été beaucoup plus longue que dans n'importe quel appartement normal mais ça en valait la peine. Elle te tient toujours et t'essayes pas de te déloger, au contraire tu lui donnes un coude de coup léger comme pour détourner son attention du lit géant quelques instants

« Eh ben ma belle tu déconnais pas ! Au moins vous manquez pas de place ... Et ça a l'air giga confortable »

Petit clin d'œil avant de lâcher un de tes habituels sourire un poil trop charmeur

« Les anciens m'ont avoué, en pleine vérité, qu'il furent démesuré, pour enclore mienne beauté.

Mais beauté telle que la tienne, ne saurait être enclavé par cette tentative vaine, n'est-ce pas ? »

Habillement, tu lui saisis la main et tu fais mine de déposer un doux baiser sur cette dernière avant de relever la tête, le rictus aux coins des lèvres. Tu peux pas t'empêcher de reprendre le rôle de l'artiste charmant sa muse ; il faut croire que t'aimes bien la poésie. Et qu'au fond, t'aimes bien taquiner un peu Esperenza avec tes minauderies d'un autre temps. Alors que tu la regardes grimper l'échelle, t'en profites pour rapidement dessiner d'une main des lignes grossières du lit ; autant t'es capable de reproduire cette incroyable pièce de mobilier de tête, autant t'as envie de garder quelque part des traces de la perspective et de l'aspect gigantesque de cette dernière. Tu finis par la suivre et grimper avant de te laisser tomber sur le dos dans le lit avec le sourire. C'est définitivement très confortable

« Je suis peut-être trop habillée pour faire des croquis, hm?

Mmh ? »

Tu te retournes sur le ventre avant de te redresser en position assise, les jambes en tailleur et ... Tu ris, un rire très franc une fois de plus

« J'avoue, si je veux faire des croquis de nu ça serait mieux que tu te mettes en condition mmh ? Je prépare mon carnet en attendant »

Non tu comptes pas lui tourner le dos, à quoi ça sert alors que tu vas la voir sous toutes les coutures dans quelques minutes ?

Warren prend son temps, dessine déjà deux traits ou trois sur son carnet, alors que la comédienne trépigne d'impatience en haut. Elle rejoint rapidement la sorte d'antre qu'elle a pu se faire dans un coin des couvertures, véritable chaos d'objets hétéroclites accumulés au fil des siècles. Mais c'était son chaos, et toutes ses composantes lui tenaient à coeur.

Puis il la rejoint, se roule dans les soies géantes, toujours aussi charmeur. L'on pourrait croire deux enfants, explorant un monde fantastique. Et au fond, peut-être que ça ne serait pas si éloigné de la réalité, les deux âmes sont animées d'une certaine candeur innocente. Peut-être là se trouvait le secret de l'appréciabilité du poltergeist: il lui tolérait d'être légère, véritablement.

"Non, manifestement, puisque je suis encore à montrer ma bouille hors de l'appartement."

Mieux encore, il rit, acquiesce, prononce les quelques mots qu'elle rêvait d'entendre. La lémure sourit en réponse, disparaît derrière un relief du drap, émerge après d'interminables secondes. Nue comme le jour de sa naissance, avec une fierté tangible de se dévoiler, un orgueuil dans la beauté sue.

C'était évidemment un quotidien pour elle, de poser pour quelque artiste désireux de capturer sa chair et sa mystique sur toile ou papier. Mais il y avait encore et toujours dans sa psychée, malgré les années et leurs siècles, un émoi à le faire. Elle s'allonge lascivement, prend sa pose et se fige, fixe un objet imaginaire au creux de sa paume.

"Alors?"

C'est dans l'oeil de l'autre que se trouve véritablement ce qu'elle attend, et les paroles qui en découlent. Savoir qu'elle réveille les esprits, époustoufle de par son incarnation sur terre, c'est sa drogue la plus pure. Elle attendait milles compliments, presque comme un tribut pour avoir osé lever les yeux vers sa divine carcasse. C'était simplement à lui de devoir s'y coller, de devoir lui rappeler qu'elle existe, vraiment. Que même passés les temps infinis qui ont vidé son esprit de toute mémoire, elle sait plaire comme au premier jour.

« Non, manifestement, puisque je suis encore à montrer ma bouille hors de l'appartement. »

Tu ris de bon cœur. Tu pourrais y voir de la vanité mais tu préfères parler de confiance en soi. Esperenza sait ce qu'elle vaut et ça te gêne pas ; c'est pas non plus comme si elle en profitait pour tirer les autres vers le bas. Enfin en tout cas c'est pas l'impression qu'elle lui donne et il peut toujours se tromper mais hé, il est pas du genre à avoir des préjugés. T'observes ce qui ressemble à une vraie cave aux merveilles alors des affaires un peu éparpillées partout. T'as définitivement envie de lui poser pleins de questions mais tu les gardes pour plus tard. Tu préfères largement profiter de la douceur des draps et de rire avec elle comme deux idiot·e·s : non, plutôt comme des gamin·e·s

Alors que tu te tiens en tailleur, tu en profites pour organiser tes affaires. T'as pas non plus énormément de matos avec toi mais ça fera l'affaire pour cette fois-ci. C'est là qu'on peut entrapercevoir ton perfectionnisme : hors de question d'avoir que cette séance de croquis. Le projet te passionne et t'es motivé, très motivé même. Une après-midi improvisée c'est pas suffisant et t'auras bien besoin de venir embêter Esperanza encore quelques fois ; ça te semble si évident que tu penses pas vraiment à lui dire mais hé, elle semble avoir l'habitude des artistes. Non ? Alors que tu tailles ton crayon presque en fredonnant la voilà qui se dévoile hors des draps de manière aussi théâtrale qu'à son habitude. Elle a l'air fière et très à l'aise et même si t'en doutais pas une seule seconde ça te fait sourire en coin

« Alors ?

Mmmh ... »

Tu fais mine de réfléchir de nouveau, tapotant le bout de ton crayon contre ta barbe. Ton air est exagéré une fois de plus, ne laissant aucun doute

« Je me dois vous avouer
Que même après avoir contemplé votre visage
Me voilà transit face à telle beauté
Qu’il m'est difficile de ne pas m'étendre en badinage »

Tu termines ta prose improvisée avec un sourire charmeur alors que tu te saisis de ton crayon, calant ton carnet sur tes jambes en tailleur. T'es plutôt bien installé même si le lit est définitivement un poil trop mou pour te permettre d'avoir un véritable équilibre. Mais tu as travaillé dans des conditions Ô combien de fois pire ; et surtout tu es en bonne compagnie. Alors qu'elle prend la pose, tu en profites pour l'observer et contrairement à ce que tu as pu dire précédemment, tu le fais d'un œil très professionnel et ça se voit. Tu regardes chaque courbe, tu analyses la couleur de sa peau, de ses cheveux, de ses yeux, la cambrure de son dos et la manière très raffinée avec laquelle elle semble tenir un objet invisible entre ses doigts fins. Le contraste entre ses cheveux noirs de jais et sa peau claire te plaît beaucoup et tu imagines sans mal ce qu'un fin drap rougeâtre apporterait à la toile. Et tu admires la manière dont elle se tient, sa façon si naturelle de trouver la bonne pose et bien que tu aimes aussi travailler avec des gens plus amateurs, ça fait un peu vibrer ton cœur d'artiste

« Franchement je t'admire Esperanza, t'as un talent pour savoir comment poser ! J'avoue j'ai l'habitude de devoir un peu réajuster mes modèles mais là c'est parfait. N'hésite pas si tu veux tenter quelques poses alternatives j'ai la place sur mon carnet »

Tu lâches un petit rire

« Après tout, c'est mon devoir de te rendre justice ma belle »

Comme attendues, les éloges tombent du public. L'on aurait pu attendre des roses, et des trompettes pour saluer la performance, mais la sobriété a du bon aussi. Quoiqu'Esperanza est doucement déçue, malgré les compliments. Warren était maître de lui-même, il lui manquait cet air stupéfait, le fait d'être époustouflé pour satsifaire pleinement le besoin égocentrique de l'artiste. Bah, il a été gentil néanmoins, elle lui pardonne.

"Mmh, comme si tu ne cherchais pas à m'enamourer, depuis tout à l'heure..."

Avec un dégré relatif de succès, ou plutôt inégal sur plusieurs plans. L'amour, le vrai, trop peu de personnes peuvent le recevoir de la part d'un esprit aussi monomaniaque. L'amitié profonde, au moins, a doucement commencé à se construire. Le désir, aussi, peut-être. C'est certain qu'à la couvrir de compliments, surtout sur sa capacité à poser -elle y tient tant-, on touche tôt ou tard son interêt du bout des doigts.

"Peut-être d'autres moins suggestives. Ça me ferait de la peine de les gêner."

Un semi-mensonge, un vin dilué dans de l'eau si bien qu'il n'a plus tant de nature propre. Elle veut absolument s'imposer, se fiche de déranger, mais ne veut pas non plus qu'un effort collectif soit agréé pour détruire la peinture. Ou la couvrir. Alors, elle roule et se retourne sur la surface, occupe l'espace comme bon lui semble, commente avec comique:

"D'ailleurs, je compte sur toi pour corriger tous mes défauts, évidemment."

Comme ça se faisait énormément, à une certaine époque. Où les mécènes étaient rares et exigeants, où l'art était un outil politique parfois. Une sombre époque, diraient certains, mais qu'Esperanza affectionne après les années. Du peu qu'elle s'en souvient.

« Mmh, comme si tu ne cherchais pas à m'enamourer, depuis tout à l'heure...

Mince, ‘semblerait que tu as vu clair dans mon jeu ma belle »

Sourire charmeur avant de reposer ton regard sur ton carnet. Évidemment que tu la taquines et que tu dragues comme si c’était aussi naturel que de respirer ; t’as toujours été comme ça. Ça t’amuse et ça met à l’aise. Bien sûr t’es aussi capable de dresser une ligne claire et nette et respecter celle des autres -sinon quel genre de fantôme tu serais hein ? Preuve en est avec Esperanza, où la ligne peut sembler flou au début mais qui est totalement claire pour toi -et p’tete pour elle aussi. Mais tu peux pas t’en empêcher. Sûrement une conséquence directe de ta vie pas franchement marrante où tu te laisses difficilement aller à te nouer avec les autres alors tu rattrapes. Comme une personne assoiffée qui trouverait enfin son premier lac, sauf que toi ça dure depuis ta mort quoi

Le carnet sur tes genoux, tu finis de tailler ton crayon en tapant la discussion comme si c’était parfaitement normal comme situation ; en tout cas pour toi, ça l’est. Ça te traverserais même pas l’esprit comme question en fait. Puis tu te remets à l’observer et tes yeux font le chemin entre Esperanza et ta feuille encore vierge de tous croquis. Petit à petit te voilà à tracer des formes, à dessiner en détail chaque courbe de son corps, quelques détails de sa peau ici et là. La pointe de ses ongles, la manière dont les mèches de ses cheveux retombent sur son visage. T’es lancé et ton regard est clairement celui d’un artiste concentré ; mais tu gardes le sourire en coin.

« Peut-être d'autres moins suggestives. Ça me ferait de la peine de les gêner.

Oh tu crois ? Pourtant hé, c’est comme ça que la nature nous a fait. Mais bon … C’est vrai que tout le monde est pas à l’aise avec la nudité »

Tu te redresses un peu, lui adressant un sourire

« Et puis faut pas limiter nos options non plus, vu que je suis là autant en profiter ! »

Tel Esperanza qui se meut, tu replonges dans ton carnet. Tu profites de son mouvement pour imaginer quelques courbes plus atypiques mais qui te semblent belles –de toute façon tu fais toujours plus de croquis que t’en as besoin. Dans le doute. Et tu vas être sincère : ça fait longtemps que t’as pas eu de modèle aussi intéressant

« D'ailleurs, je compte sur toi pour corriger tous mes défauts, évidemment.

Haha c’est gentil, m’enfin pour ça faudrait qu’il y ait des défauts à corriger »

Tu lui fais un clin d’œil avant de rire de manière affectueuse. Évidemment que tout le monde a des défauts ; toi y compris. Mais toi, t’aimes garder ces défauts car c’est ce qui créé du relief, c’est ce qui rend les gens uniques. Il t’a fallu beaucoup de temps pour l’accepter notamment chez toi et encore aujourd’hui parfois t’as des vieux réflexes qui reviennent ; t’as toujours été le plus dur de tes critiques.