Immobile devant la porte de la salle d’informatique, une figure sombre prenait part à des exercices de respiration. Elle ouvrait à peine les lèvres pour expirer l’air bloqué dans ses poumons, comme terrifiée à l’idée qu’on la voit faire.
Une fois.
Deux fois.
Trois fois.
Jusqu’à ce qu’elle avance mollement sa main afin de saisir la poignée.
La brune avait tout récemment commencé à venir ici, au moins une fois par semaine, dans le but acharné de soigner sa technophobie par thérapie d'exposition. Elle ne restait jamais bien longtemps, toujours craintive de quitter son nid douillet et de se faire potentiellement remarquer par ses colocataires dont les horaires chaotiques rendaient la tâche d’autant plus difficile.
Elle allumait l’un des ordinateurs, faisait un tour sur les sites qu’elle avait l’habitude de fréquenter de son vivant, écoutait un peu de musique, puis quittait la salle : rien de bien sorcier, en soi. Mais la première étape de ce procédé était de loin la plus difficile et celle qui lui prenait le plus de temps. À chaque fois qu’elle était sur le point de presser le gros bouton sur la tour, son corps se chargeait d’adrénaline, comme persuadé qu’il allait se prendre une décharge électrique dès l'instant où elle aurait réussi.
Junko s’y connaissait bien en informatique. Mieux que la plupart des gens. Pourtant, même en sachant pertinemment que ses peurs étaient infondées, l’appréhension prenait systématiquement le dessus quand elle se retrouvait face à la machine.
Le pas lourd et la tête baissée, elle s’était naturellement avancée vers les postes bien au fond de la pièce, à l’abri des regards. Mais il fallait croire que cette journée était plus animée que d’habitude, puisque les seules places disponibles se trouvaient être celles entourés d’autres individus. Elle qui était déjà mal à l’aise d’être ici, ça n’arrangeait en rien sa situation…
Qu’à cela ne tienne, elle finit par prendre place à l’extrémité d’une rangée d’ordinateurs en faisant de son mieux pour ignorer son voisin. Tâche qui s’était rapidement avérée plus difficile qu’elle ne l’avait prévu.
Déjà, c’était un grand gaillard, avec un drôle d'accoutrement. Mais ce n’était pas ce détail qui avait fait tiquer la demoiselle, non : plutôt sa manière de traiter le bijou de technologie qui trônait devant lui.
Junko ne pouvait s’empêcher de jeter quelques coups d’œil indiscrets dans sa direction alors qu’elle tentait de développer le courage d’allumer sa propre machine, jusqu’à ce que la voix de l’inconnu la fasse légèrement sursauter :
"Mes excuses, l'un d'entre vous serait capable de me venir en aide ?"
Il ne s’adresse pas à toi. Quelqu’un d'autre va l’aider. Tout le monde sait utiliser un pc, ici. Y’en a bien un d’entre eux qui est serviable… Concentre-toi.
…
Et puis merde.“... Vous devriez commencer par tenir la souris dans la bonne main, déjà.”
Elle lui avait répondu à voix basse, tellement qu’elle n'était pas sûre qu’il l’ait bien entendu. Son regard était rivé sur l’écran en face d’elle qui s’allumait doucement alors que, dans le pic de stress causé par sa prise de parole, elle avait finalement réussi à allumer sa propre bécane. À ce stade, la brune espérait juste que quelqu’un d’autre se porterait volontaire pour répondre à ses questions…