Si E.L. James a pu écrire du mauvais porn et devenir célèbre, pourquoi pas moi ?
FRANCHE
VULGAIRE
LOYALE
BAVARDE
PAS DU TOUT OBSERVATRICE
Trop directe. Trop bornée. Trop bruyante. Trop vulgaire. Trop. Trop. Trop.
Toujours trop.
Zelda est toujours trop.
Elle tourne pas du tout cent fois, mille fois sa langue dans sa bouche. Elle sait pas, elle sait plus.
Elle le veut plus.
Elle parle trop, trop vite, trop fort. On la suit pas, on la suit plus.
Elle le veut.
Elle veut pas faire de mal mais ses mots, ses maux, ça entaille, coupe, déchire. Ses mots si écorchés par sa langue étourdie, fourchue, piquante.
Pour autant, elle adore cette langue.
Elle adore cette langue qui roucoule des mots d'amour, qui susurre des mots d'encouragement, qui-
Qui est là.
Pour elle.
Pour autrui.
Toujours.
Elle doit parler.
Elle peut pas.
Elle peut plus.
Rester muette.
Zelda est peut-être trop, elle est trop sociable. Elle adore les gens, elle est du genre extravertie. La solitude pompe son énergie - même si comme tout le monde, elle a besoin de moments à soi - et son téléphone n'est jamais très loin d'elle pour avoir une conversation téléphonique longue de plusieurs heures.
Tant qu'on lui dit pas de la fermer, elle continuera de pas la fermer.
Têtue comme elle est, la jeune femme écoute pas, plus. Elle a raison, elle doit avoir raison, elle va avoir raison. Elle campe sur ses positions, refuse de mettre la balle au centre, préfère même la frapper au pied pour ne pas admettre ses torts.
Admet-elle ses torts ?
Oui.
Non.
Pour les choses peu importantes, elle est sacrément, inutilement, pathétiquement bornée.
Pour les choses importantes, elle est-
Elle l'est.
Elle le fait.
Elle l'avoue.
Sa peur de blesser, sa peur de voir le visage se tordre, sa peur de-
Elle le supporte pas.
Alors elle s'excuse.
Encore et encore.
Encore et encore.
Encore et encore.
Tant qu'on lui dit pas de la fermer, elle continuera de pas la fermer.
Zelda voit rien pourtant.
Elle remarque lentement les choses.
On la dit égocentrique.
Oh non.
Juste inattentive et bête.
C'est ce qu'elle dit.
J'suis bête.
Faut m'dire.
Ou j'vois rien.
Aussi rapide que lente à la détente.
Ca fuse comme ça s'éteint.
Ça monte comme ça descend.
Ca fait parfois les deux.
Ca fait parfois rien.
Ça fait parfois trop.
Zelda est tout le temps crue.
Elle a pas peur de souffler des vulgarités ou d'en parler ouvertement. Elle écrit des romans érotiques et s'en cache pas. Elle a toujours des histoires croustillantes à raconter et rajoute toujours plus de craquant pour mieux satisfaire les papilles. Les blagues salaces s'enchaînent toujours, juste devant vos salades. Elle trouve ça drôle.
Est-ce drôle ?
Peut-être pas.
Tant qu'on lui dit pas de la fermer, elle continuera de pas la fermer.
Elle a peur de se fermer.
Comme avant.
Elle est là pour les autres, pour elle-même. Elle est avenante envers les autres, envers elle-même.
Elle est généreuse.
Douce.
Et-
Trop.
On la voit naïve, candide.
Un masque rustre pour y cacher une femme fragile et délicate.
Non.
Elle est loin d'être naïve.
Mais sois naïve.
C'est plus facile.
C'est plus simple.
C'est plus-
Trop.
On se trompe sur elle.
On croit la connaître.
Mais on la connaît quand on veut la connaître.
Et ça part.
Et ça revient.
Plus.
Quand c'est trop.
C'est trop bien.
Quand c'est rien.
C'est rien de bien.
Quand c'est les deux, le trop doit dominer.
Sinon.
C'est rien.
Zelda est bien loyale, voire trop.
Elle en enlève parfois le libre arbitre, appuyant qu'elle va s'en charger. Elle infantilise sans le vouloir quand la situation s'y prête. Elle voit rien après tout, elle s'en rend pas compte. Elle veut juste aider, être serviable.
Comme personne a pu l'aider.
Elle est protectrice, parfois trop.
Elle peut en venir aux mains si la situation s'y prête. Elle a pas peur de se salir les mains si c'est pour aider.
Comme personne a pu l'aider.
Elle est là pour ses proches, de la mort jusqu'à la poussière.
Elle s'inquiète trop, de peur.
Que personne ne pourra aider.
Comme personne a pu l'aider.
Or, elle se laisse pas aider.
T'inquiète, je gère.
Non, Zelda, tu gères rien du tout.
Tu vois rien.
Elle voit rien.
Même pour elle.
histoire
TW : langage familier et parfois explicite (très peu), mention de suicide par overdose, psychophobie, mention de médicaments et psychiatrie, mention de manie et de dépression (bipolarité), mention de comportements autodestructeurs. si j'en oublie, dites-le moi !
Le monde est beau.
Le monde est laid.
Le monde est gris.
Zelda regarde par sa fenêtre.
Il pleut.
Fort.
Un peu trop fort.
Comme la pluie qui s'écoule de ses yeux.
Fille unique.
Elle a toujours voulu une petite tête de plus pour pouvoir jouer et s'amuser. Ses parents sont toujours trop occupés et pas forcément les plus affectueux. Ils s'occupent d'elle, la nourrissent, la lavent, la bordent.
Mais ça va pas plus loin.
Zelda joue et s'amuse à l'école.
On oublie tout là-bas.
Car elle voit rien.
On l'insulte.
Mais elle voit rien.
Ca veut dire quoi-
Qui t'a dit ça-
C'est-
Elle voit jamais rien.
Des rires gras dans sa chambre.
Tout le monde parle de ses conquêtes au lycée, comme si c'était le plus important. Tout le monde va de sa petite histoire. Tout le monde.
Sauf Zelda.
Elle ment.
Elle fait marcher son imagination.
Elle espère que ses parents ne l'entendront pas.
Elle sourit.
Rit.
On la rabaisse.
Elles ont vu.
Elle voit rien.
Elles ont compris.
Elle comprend rien.
Elle voit toujours rien.
Elle veut rien voir.
Zelda savait que ça arriverait.
Mais le voir.
Divorce.
Elle finit avec sa mère.
La vie reprend son cours.
Dis, tout se passe bien, Zelda ?
Oui.
Dis, Zelda.
Oui.
Dis-tu la vérité, Zelda ?
Oui.
On lui tend une ordonnance.
Elle dit maintenant la vérité.
A un psychiatre.
Son amie Manon l'a forcée à voir quelqu'un, d'abord un médecin généraliste puis un spécialiste.
A force de se balader dans une jungle de détritus et vêtements, il était peut-être temps de consulter pour s'en sortir.
Zelda va en pharmacie.
Un médicament qu'elle peut pas prononcer, elle tapote juste son ongle sur le papier avec un sourire.
La jeune femme entend sa mère parler d'elle à ses amies.
Vous savez qu'elle prend des médicaments maintenant ?
Faut qu'elle arrête, ça va lui empoisonner le cerveau.
Ça fait combien de temps ?
Pas assez.
Elle compte encore les perles sur sa joue.
Alors.
Elle sort.
Elle s'amuse.
Elle hurle.
Elle tourne.
Elle s'éclate.
Elle se fait tatouer.
Elle baise.
Elle rit.
Elle sourit.
Elle-
Elle s'est jamais sentie aussi bien.
Les médicaments font effet.
Trop effet.
On la suit.
On la suit.
Elle se suit plus.
Mais on l'adore.
Une nouvelle idée de roman.
Deux.
Trois.
Quatre.
Cinq.
Six.
Sept.
Huit.
Neuf.
Dix.
Cent.
Mille.
Milliard.
Zelda a toujours voulu écrire, depuis ses lectures de romans à fanfictions.
Une passion pour les harlequins et autres histoires érotiques.
On l'arrête plus.
Elle va écrire une bibliothèque, qu'elle hurle.
Elle va gagner tous les concours, qu'elle aboie.
Elle va-
Elle va-
Elle va-
Elle va tout faire, tout accomplir, qu'elle impose.
L'homme en face de Zelda lui pose des questions.
Elle comprend pas.
On la trouve différente.
On la trouve trop-
Juste trop.
Qu'est-ce que ça veut dire "trop" ?
Elle s'est jamais sentie aussi bien.
Trop.
Ca veut dire pathologique.
On tente de la calmer.
Zelda veut pas être calmée.
Plus.
Elle jette ses médicaments au sol.
Tout s'éclate.
Tout fuse.
Tout-
Trop.
Trop.
Trop.
Tout s'éclate.
Tout fuse.
Tout s'arrête.
Son plafond est devenu son meilleur ami.
Car elle a perdu tous ses amis.
T'étais plus fun avant, il s'est passé quoi ?
T'étais mieux avant, il s'est passé quoi ?
Tu viens plus.
Tu sors plus.
Faut pas faire ça, tu sais ?
Arrête de faire chier et viens.
Si tu viens pas, ça veut dire que tu t'en fous de nous.
Le manège est terminé.
Tout le monde descend.
Zelda a oublié.
Elle a oublié à quoi ressemblait la jungle.
Elle fixe sa main.
Une véritable pharmacie.
C'est sa dose pour le moment.
Pour exister.
Pour fonctionner.
Elle lève les yeux.
Elle voit rien.
Elle ferme les yeux.
Elle voit rien.
Elle parle pas.
Plus.
A quoi bon ?
Dites-moi à quoi bon.
TW : mention de suicide par overdose médicamenteuse
Vous semblez aller mieux.
Tu sembles aller mieux.
N'est-ce pas ?
C'est bientôt ton anniv', on devrait fêter ça !
Un sourire.
Libérée.
Délivrée.
C'est fini.
Sa main.
La pharmacie.
Elle avale.
Avale.
Avale.
Avale.
Trop.
Tombe.
Elle a rejoint le club des 27.
Zelda ouvre les yeux.
Où-
Elle se souvient-
Sa main-
La pharmacie-
Ses oreilles perçoivent-
Ses yeux perçoivent-
Ses narines-
Sa langue-
Sa peau-
Elle sursaute quand on la guide.
Rêve-t-elle ?
Est-ce un effet secondaire-
Morte.
Elle est morte.
Comme prévu.
Un rire réprimé.
Elle fixe l'écran.
Curiosité morbide.
Have fun.
Haha.
Comment ?
Pas trop, hein ?
Haha.
Ha.
Elle qui n'a jamais posé les pieds à Tokyo.
Elle découvre une ville.
Dans l'au-delà.
Elle est morte.
Mais pas morte.
Elle aurait préféré le néant que de devoir vivre.
Mourir.
Son cerveau s'éclate.
Fuse.
S'arrête.
A nouveau.
Encore et encore.
Prendre des cours de japonais aux Catacombes.
Haha.
Have fun.
Haha.
Pourquoi je suis là ?
Jour.
Nuit.
Jour.
Nuit.
Le temps passe.
Des années passent.
Zelda est toujours là.
Elle s'y est habituée.
Elle s'y est faite.
Elle s'y est résignée.
Elle est toujours là.
Et elle sera toujours là.
Jusqu'à poussière.
Une nouvelle vie.
De nouvelles rencontres.
De nouveaux rires.
Sourires.
On est tou.te.s mort.e.s.
Libérée.
Délivrée.
Un nouveau psychiatre.
Un nouveau psychologue.
Un nouveau traitement.
Souris, Zelda.
Tu peux le faire.
Tu sais pourquoi tu es là.
Zelda tape furieusement sur le clavier de son ordinateur. Elle a appris que ses harlequins sont vendus dans le monde des Morts et elle est plus qu'heureuse de continuer de les écrire.
Sa passion.
Sa.
Passion.
Passion qui surgit de nulle part à côté de sa souris.
Elle cligne des yeux.
Une fois.
Deux fois.
Trois fois.
Ca disparait pas-
Elle se lève de sa chaise, manquant de la faire s'écraser au sol.
Qu'est-ce que-
Ca fait presque quatre ans qu'elle est là, qu'est-ce que c'est que cette merde ? Elle sort en vitesse son téléphone et appelle la première personne dans sa liste de contact.
Allô.
Y'a un machin chez moi.
J'sais pas c'que c'est.
C'est un livre chelou.
Mais j'sais pas ! Peut-être j'ai trop bossé, putain.
Quoi ?! j'vais pas toucher à ça, t'es malade.
Pour autant, son instinct te hurle d'y toucher.
Telle la Belle aux Bois Dormants avec l'aiguille du fuseau, elle sent son corps bouger tout seul, oubliant presque son ami au bout du fil.
Elle ignore ce que c'est.
Ça vibre.
Elle reste là.
Un moment.
Un long moment.
Un trop long-
Allô ?!
Zelda !
Ha.
Le livre a disparu.
Un périsprit.
C'était ça.
Et c'est ça.
Elle en voit.
Un peu trop à son goût.
On lui a conseillé une potion.
Elle a dit non.
Pourquoi ?
Parce qu'elle apprend à aimer le monde des Vivants.
Ça reste des morceaux de ce passé.
Qu'elle tente de recoller.
Des rires bruyants.
Gras.
Dans un bar.
Dans une chambre.
Dans un parc.
Dans le silence.
Elle s'éclate.
Elle fuse.
Elle s'arrête.
Comme la vie.
Comme la mort.
Zelda.
Tu es là.
Tu seras là.
Jusqu'à poussière.