Retour d'expérience • Vela & Célestin

Les jours qui rallongent et les beaux jours qui reviennent.
C’est agréable à ne pas mentir, de retrouver son petit jardin, retourner la terre et remplir de nouveau ses bacs, commencer à planter des semis, attendre que les quelques plants ne poussent. Prendre soin de son petit potager, comme ça avait pu lui manquer durant l’hiver et les mauvais jours. Et surtout et notamment, reprendre ses quelques expériences maintenant qu’il peut récolter ses propres ingrédients - il n’apprécie guère travailler avec des ingrédients qui ne sont pas les siens.

Il prépare un thé, tranquillement.
Jasmin et camomille.

“Ah bienvenue Vela. Entre, entre.”

Il t’a invité pour reprendre vos expériences, discuter de vos recherches, échanger vos recettes diverses et variées. Il t’incite alors à t’asseoir, tranquillement.

L’après-midi ne fait que commencer.

“Un thé peut-être ? J’ai aussi du café, si tu le souhaites.”

Il se sert une tasse de son côté, attendant ta réponse pour servir la tienne. Il a ses carnets de recettes et de recherche, qu’il a continué à remplir et à renseigner au fil de l’hiver, au fil de ses idées également.

“Comment s’est passé ton hiver ? De nouvelles idées ou tu travailles toujours sur les mêmes expériences ?”

Voilà quelques temps que vous ne vous êtes pas retrouvés, après tout.

Sur ses carnets, on retrouve souvent la même idée, un poil farfelu il est vrai, probablement inutile également : faire parler les plantes, puis les faire chanter. En vérité, c’est autant une prolongation de son pouvoir, un premier pas vers autrui : non, en quelque trois-cents ans, il n’a jamais rencontré quiconque avec des capacités similaires aux siennes, et il se demande même s’il est possible de les recréer alors.

Ses expériences sur les plantes ne sont qu’un premier pas.
Allez savoir s’il osera franchir le second une fois la première étape franchie.

“Toujours le même projet, pourquoi en changer quand il est si noble.”
“Il est vrai…”

Des potions d’apparence permanentes, il est vrai qu’il est plus facile d’en saisir l’utilité que des plantes qui chantent en soprano. Célestin pense sans mal à tous ces grands brûlés, défigurés par la vie ou par la mort, que tu pourras aider.

Quant à Célestin, il travaille au service de l’art, à ne pas mentir.
Car c’est une obsession qui reste, l’art et la musique, le son et le bruit - celui qui le calme, qui l’apaise, qui lui permet de créer cette bulle qu’il recherche tant.

“Mais je dois avouer que je patine un peu ces derniers temps… Mais je ne perds pas patience, les avancées demandent du temps et du travail. Et cela ne rend la réussite que plus satisfaisante.”
“Un véritable esprit de chercheuse, je n’en attendais pas moins de toi, tu sais bien. Mais à force de travail, tu finiras bien par y parvenir ou par inspirer d’autres nécromancien.nes plus ou moins jeunes.” C’est la marque des penseurs, après tout.

Il passe ses mains dans sa tasse, tandis que la grosse chienne vient s’allonger comme une masse à vos côtés. On n’y fait plus vraiment attention, à Roquette, avec le temps. Il jette un regard en sa direction, avant de tendre la main pour passer ses doigts dans son épaisse fourrure.

“Et toi donc ? Évidemment, il fallait que la question soit retournée. Tes belles plantes seront bientôt prêtes à passer sur les planches de l'opéra ?”
“Oh, elles en sont encore loin, malheureusement.” Il lance un sourire conscrit mais amusé. “Elles toussotent difficilement ces derniers temps, avant de se ramollir et de flétrir… J’ai songé, cet hiver, avoir peut-être pris le problème du mauvais angle : leur créer un appareil vocal complet est une tâche difficile. Je vais plutôt tenter de leur faire vibrer l’air directement autour d’elles.”

Et ensuite affiner la technique, l’améliorer, la préciser, bien évidemment.

“Parfois, il suffit de prendre le problème d’un autre bout pour qu’il se résolve, tu ne penses pas ?”

“Mais bien sûr, la jeunesse est l'avenir.”
“Bien évidemment.”
Il sourit, le regard quelque peu plissé, heureux de constater que tu partages son avis - et non pas celui de ces quelques nécromanciens véreux. Célestin inspire longuement, il inspire la naïveté à plein nez, facilement manipulable pour quiconque se trouve être un tant soit peu influenceur.se. C’est qu’il a encore beaucoup à apprendre, beaucoup à se défaire - et bien des années devant lui.

Et il te laisse quelques secondes dans tes réflexions, la tasse au bord des lèvres et une caresse affectueuse sur la tête de sa chienne adorée.

“Changer la méthode pour arriver au même résultat… C'est une réflexion de génie !”
Il hausse les épaules, de fausse modestie.
“Peu importe les détails techniques tant que la finalité reste la même. Décidément, venir discuter avec toi n'est jamais une perte de temps.”
“Eh bien, je te retourne le compliment.”

C’est qu’il s’est mis tard à la confection de potions - et au départ dans le but parfaitement intéressé de faire taire le vilain contrecoup de son pouvoir. Désormais, il est passé à autre chose, plus amusant à ne pas mentir - les expériences pour le drôle, ma foi c’est un but tout à fait honorable également, n’est-ce pas ?

“Je me doute que tu y as sûrement déjà pensé mais dans la même optique, ne serait-il pas possible de modifier ta fameuse potion contre les extinctions de voix pour en fournir chez tes plantes ?”
“Hm.” Il fait un moue légèrement ennuyé. “Eh bien, c’est ce sur quoi j’étais parti à la base mais… Mais les plantes n’ont pas de système de vocalisation, pas d’organe dont c’est l’utilité.” Alors à quoi bon leur fournir des potions pour les faire parler si elles en sont incapables ? “J’ai même tenté sur des plantes carnivores, des dionées, mais je n’ai pas eu de résultats probants.”

Et puis, il ne consomme plus sa potion contre les extinctions de voix : elle contient de l’alcool, et qu’il a proscrit depuis plus de vingt années maintenant. Il n’est toujours pas parvenu à en modifier la recette pour une version “sans-alcool”, étant donné qu’elle ne lui sert au final à rien.

Elle ne fonctionne pas sur le contrecoup de son pouvoir.
Alors il ne l’utilise pas - de facto.

“Hm à moins que je parte sur une potion de lire-esprit, adapté tant aux humains qu’aux plantes. Ça réduirait le champs de problématiques.”

“Ce n'est pas grave, l'avantage de l'au-delà est également que nous avons bien plus de temps pour expérimenter et pour apprendre.”
“Ah cela, aucun doute.”

Et aucun doute également qu’il lui reste du temps, bien du temps devant lui. C’est que jamais il ne t’a demandé ton âge - ça ne fait pas, voyons dont - mais il a pourtant fini par comprendre et apprendre qu’il n’était pas le plus vieux de vous-deux. Célestin, il lui reste au moins cinq-cents ans, si ce n’est plus, pour expérimenter.

Il te ressert un thé, au besoin.
Sans te demander.

“Si je peux me permettre la question, qu'espère tu apprendre de ces plantes ? Penses-tu qu'elles ont un quelconque savoir à te transmettre ?”
“Oh.” Excellente question s’il en est, puisque lui-même n’en a pas la moindre idée.
“Eh bien, par simple curiosité, je dirais. J’ai commencé ce drôle d’exercice en me demandant justement ce que mes aubergines pourraient bien avoir à me raconter, un jour où je les bêchais.”

En somme, Célestin est un idiot heureux.
Et il hausse les épaules, comme si ce n’était pas si terrible.

Et puis certes, s’il s’avérait que ses aubergines n’étaient pas des plus bavardes, imagine donc ce que l’on pourrait apprendre d’un arbre multicentenaire, si ce n’est plus encore dans ce monde où un simple être humain pour déjà atteindre des âges tout à fait honorables.

“Je me concentre sur les plantes pour éviter… les déconvenues - si je puis dire. Hm, je me demande si celles que j’ai zombifiées m’en veulent. Il faudra que je leur demande.”

Célestin a déjà bien des peines à zombifier ces quelques plantes, c’est qu’il les aime de tout son cœur à n’en point douter. Alors zombifier un être humain ? Il préfère ne pas y songer. Et l'idée un instant lui transverse l’esprit, si bien qu’il ouvre les lèvres et les referme, comme intrigué soudainement.

Et toi ?

“Hm dis-moi ? Sur quels genres de… cobayes exerces-tu ?”
Un soudain éclair de lucidité.

“La curiosité est un but tout aussi noble que les autres !”
“En effet. Ne sommes-nous pas ici pour nous amuser après tout ?” Et à ne pas mentir, découvrir s’il est capable de faire parler des aubergines l’amuse au plus haut point.
“Et puis aucune recherche n'est inutile, on ne sait jamais ce que l'on va découvrir.”
“Je suis on ne peut plus d’accord. La sérendipité fait partie intégrante des grandes avancées scientifiques après tout.”

Non pas qu’il se mette au même niveau que de telles intellects, mais tout de même - sait-on jamais, en effet, ce que l’on pourrait apprendre de ses plantes ou tout autre.

Et soudain, un éclair de lucidité.
Lui qui zombifie ses plantes, évidemment puisqu’il travaille dessus - mais toi, qui zombifies-tu si jamais tu zombifies. Ton travail se concentre bien sûr que les êtres humains. Alors il y a cette question - simple et innocente en apparence, juste une interrogation à laquelle tu réponds sans hésitation.

“En effet, la zombification est toujours à garder à l'esprit. Pour ma part, comme on dit, on est jamais mieux servi que par soi-même.”
“Eh bien, tu n’as pas froid aux yeux.” Lui, sans surprise, n’oserait pas.
“Mais il m'est également d'avoir eu recours à des volontaires, un en particulier pendant des années, mais il est parti parcourir le monde il y a dix ans.”
Il ne dit rien, se contentant de regarder sa tasse de thé fumante.
“Pour éviter toutes déconvenues je me ruine en plume de test et en recherche.”

Ah, voilà qui le rassure grandement.

“Rien que l'autre jour je discutais avec Guillaume aux catacombes à propos des mélanges qui peuvent causer une potion à zombifier.”
Il ne connaît pas de Guillaume.
“Je mets un point d'honneur à ce que mes recherches soient éthiques. J'ai adhéré au serment d'hippocrate depuis mon vivant et je compte bien m'y tenir jusqu'à ma tombée en poussière.”
“Un bien beau métier que celui de médecin, à ne pas mentir.”

Il boit une gorgée fumante, clignant des yeux et laissant retomber les quelques soupçons injustifiés qu’il aurait pu avoir à ton égard - il s’en sent bien honteux, par ailleurs, d’avoir douter ne serait-ce qu’une seconde de tes intentions.

“Je suis navré, mais il est vrai qu’un certain nombre de nos… confrères et consœurs ne sont pas des plus recommandables. J’ai déjà eu à faire à des individus profondément blessés ou méfiants de nos pratiques.”
Warren en tête, et un autre poltergeist qui avait eu la bonne idée de couper court à son pouvoir en pleine représentation. Un bien mauvais souvenir.
“Heureux de constater que tu n’es pas comme elles et eux.”