[FLASHBACK] Sacrifice d'un pion - [Nao & Esperanza]

Nao prend tout avec trop de maturité, trop d'intelligence, ça la perturbe. Elle qui ne se laisse emporter que par ses émotions, par son illogisme inné, par ses sautes d'humeur... Elle déteste ça, le voir réagir trop logiquement. Comme si elle n'avait jamais eu d'emprise, malgré les mots qu'il a pour elle.

La lémure n'a plus rien. Plus rien à lui dire pour sé dédouaner, pour paraître innocente et ingénue. Même pas pour se mentir à elle-même, pour se dire qu'elle fait bien, que son bonheur passe avant tout. Ça la ronge, ça. Devoir se regarder en face, au travers du prisme du vampire. Froid et méticuleux, trop sincère, trop perçant. Un miroir détestable qui la représente dans toute son ignominie.

Elle l'a laissé approcher, lui prendre délicatement le menton, mais elle ne supporte plus de lui rendre son regard. Elle ne le supporte plus lui, elle l'a trop dévoré, trop hanté, et c'est même pourquoi elle s'en délaisse sans regards en arrière. Esperanza lui claque la main sèchement, se retire de son emprise, recule et fixe le large. Les yeux rougis, un peu. Mais il veut absolument sa réponse, il pose par deux fois la même question, il a besoin que tout soit acté. Elle fronce les sourcils, lâche avec gravité:

"On fait rien. Voilà."

C'est dit, c'est fait. Adieu, et sans regrets. Il n'a pas touché à sa tasse, alors elle la prend aussi, pour éviter que ses mains ne tremblent. L'échange avait été trop intense, trop rapide, elle perdait de sa superbe. Elle ne lui rendra pas ses aveux d'amours, se ferme comme un cerceuil, tire un trait sur l'épisode "Nao". Elle avance.

"Et n'ose plus me toucher."

Ça ne finira pas en grandes pompes, pas en hystérie mémorable, pas en requiem. Seulement en silence, doucement, dans une brume de gêne, dans une incertitude.